OUATTARA AURA PAYE LEUR CRÉANCE JUSQU’AU DERNIER CENTIME
Nous voici encore plongés dans la joie candide de la douce enfance de la politique africaine. Joie spontanée, rires aux éclats pour célébrer les mirages. Pourtant, il suffit tout simplement de souffler sur l’écume pour découvrir la triste réalité des faits. Depuis hier 5 mars 2020, le Chef de l’Etat ivoirien est devenu un dieu de la démocratie en Afrique. Sur l’autel dressé à sa gloire, l’on y accoure, qui avec l’encens, qui d’autre avec des couronnes de lauriers, qui enfin avec surtout des hommes politiques, ivoiriens ou d’ailleurs, à immoler.
Je me suis posé tout simplement 4 petites questions :
– Primo, Ouattara nourrissait-il la volonté de briguer un 3ème mandat ?
– secundo, Ouattara peut-il briguer un troisième mandat ?
– tertio en quoi le tripatouillage de la Constitution qu’il entreprend est-il différent de ce qui se passe ailleurs ?
– quarto, à qui finalement Ouattara s’adressait ?
1. Ouattara veut il briguer un 3ème mandat ?
2.Ouattara a-t-il les moyens de briguer un 3ème mandat ?
Deux moyens dirigent, alternativement ou cumulativement, l’action politique. Il s’agit de la légalité et de la force. Ouattara dispose-t-il de l’un de ces deux moyens ou des deux à la fois ?
Disons les choses tout nettement. Rien dans la Constitution de 2016 inspirée par lui-même n’autorisait Ouattara à être candidat. Après avoir été candidat, d’abord en 2010 par disposition dérogatoire grâce aux fusils placés sur la tempe de la nation depuis 2002, puis par dérivation en 2015, Ouattara n’avait que la jurisprudence absurde ci-dessus rappelée pour contourner la légalité constitutionnelle en Côte d’Ivoire en 2020. Mais en 2010 et en 2015, sa candidature à titre exceptionnel n’avait été possible que parce qu’il avait avec lui une force qu’il n’a plus en 2020.
2.2. La Force qui manque à Ouattara
L’échec de Ouattara de transformer le RHDP, l’appareil politique qui l’a conduit au pouvoir en 2011 et en 2015, en un parti unique sous ses ordres a sonné le glas de ses ambitions. Sans la caution politique du PDCI et la caution militaire de son chef des opérations guerrières, Soro Guillaume, Ouattara a perdu tous ses moyens de force. La relique de RHDP qui lui reste entre les mains n’est pas capable de soutenir une opération de passage en force comme il projetait de le faire.
Ne disposant ni de l’un ni de l’autre de ses moyens, Ouattara n’avait plus de choix. A cela, il faut reconnaître que ses parrains présentaient depuis un certain temps des signes d’essoufflement et parfois même d’agacement devant les excès de plus en plus décriés de Ouattara.
3. Tripatouiller la Constitution pour partir tout en restant
Ayant perdu sa bataille pour un troisième mandat présidentiel, Ouattara veut au moins assurer les arrières. Ses faits d’arme en politique depuis son apparition sur la théâtre politique ivoirien ne plaident pas en faveur d’une retraite politique paisible. A tout moment, l’histoire peut l’interroger. Dans de telles circonstances, à défaut d’être lui-même roi, Ouattara aimerait bien jouer, à la place du peuple, le rôle de faiseur de roi. Il lui faudra trouver dans son écurie l’étalon qui lui fera gagner ce dernier pari. Ou, à tout le moins, couper la tête à toutes les victimes directes de ses méfaits afin que celles-ci ne lui survivent pas. Si, lui Ouattara, arrivé au pouvoir dans le troisième âge s’enorgueillit de son succès à la tête de l’Etat, pourquoi dénierait-il une telle capacité à un autre troisième âge ?
La CEDEAO doit être cohérente dans ses positions. Sinon sa démarche en direction de la Guinée sera suspecte comme l’est le quasi-simultané satisfecit de monsieur Emmanuel Macron au discours de monsieur Ouattara. Les termes du satisfecit de Macron prouvent que Ouattara ne parlait pas seulement aux Ivoiriens.
4. A qui d’autre Ouattara s’est-il adressé hier ?
Après avoir coupé l’herbe sous le Nigéria sur l’ECO, Ouattara vise la Guinée. Ainsi, il aura payé toute ses dettes vis-à-vis de ses créanciers qui ont investi beaucoup, au-delà de la décence, dans son avènement au pouvoir. Il aura tenu toutes ses promesses vis-à-vis d’eux, les vrais bénéficiaires de sa gouvernance.
L’espace politique en Côte d’Ivoire est occupé à majorité par des experts en opportunisme. Adopter deux positions diamétralement opposées en l’espace d’une journée est un très caractéristique très banal chez les acteurs politiques ivoiriens. Pour peu que leur pitance et leur gloire personnelle en soit assurées. Son discours du 5 mars 2020 pourrait coûter à Ouattara une dévaluation de son titre à la bourse des valeurs de la politique ivoirienne. Certains de ses amis d’hier parmi les plus zélés pourraient bien déporter leur mise sur d’autres titres plus porteurs.
Le ministre Justin Katinan KONE
SERVICE COMMUNICATION FPI