Amnesty International, organisation internationale non gouvernementale qui lutte pour le respect des droits de l’Homme lance un appel solennel aux dirigeants des nations: Bénin, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie et le Rwanda, ce mercredi 13 mai 2020, à travers l’extrait de la tribune, ci-dessous, co-signée par Samira Daoud et Marceau Sivieude du Bureau Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, afin qu’ils reconsidèrent leur décision en vue de sauvegarder la démocratie et le respect des droits humains dans leurs pays respectifs.
« Le 28 avril 2020, la Côte d’Ivoire a retiré la possibilité à ses citoyens et aux ONG de saisir la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples pour dénoncer les possibles violations des droits humains par l’Etat. Le Bénin l’avait précédé de peu en formulant ce retrait le 24 mars, tout comme la Tanzanie en novembre 2019 et le Rwanda en 2016. Lorsque ces retraits auront tous pris effet, seuls le Burkina Faso, le Mali, le Malawi, la Gambie, le Ghana et la Tunisie autoriseront cette saisine. Cette tendance est inquiétante. Elle démontre un recul net de la protection des droits humains dans les pays ayant opéré ces retraits. Elle met à mal le système africain de protection des droits humains.
La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples est l’organe judiciaire supranational de protection des dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, basée à Arusha, en Tanzanie
Depuis sa création, la Cour a été saisie de 268 affaires déposées par des individus ou des ONG. 90 affaires étaient finalisées à mars 2020. La Cour a eu à se prononcer sur de nombreuses plaintes portant en particulier sur le droit à un procès équitable, mais également d’autres droits tels que la liberté d’expression ou encore le respect de la dignité et l’interdiction de la torture, créant une jurisprudence d’importance pour le continent.
Parmi ses décisions les plus retentissantes
En posant leur acte de retrait, les autorités ivoiriennes ont dénoncé le fait que la Cour avait violé la souveraineté de l’Etat et s’était immiscée dans ses affaires intérieures. Pourtant c’est bien en toute souveraineté que la Côte d’Ivoire a ratifié la Charte africaine et le protocole de la Cour et accepté que les individus et les ONG puissent la saisir. Par ailleurs la Cour ne peut être saisie par ceux-ci que si et seulement si les voies de recours internes ont été épuisés. Il revient donc aux Etats en premier lieu de garantir la protection des droits humains.
L’excuse de la souveraineté n’est en fait que le vernis qui couvre l’absence de volonté des autorités concernées d’accepter la critique sur leur gouvernance. Dans un contexte politique sensible à quelques mois de l’élection présidentielle, la décision de retrait est venue juste après l’ordonnance de mesures provisoires de la Cour demandant la suspension du mandat d’arrêt émis par la justice ivoirienne contre Guillaume Soro et la remise en liberté provisoire des dix-neuf proches et partisans de l’ancien président de l’Assemblée nationale, afin de préserver leurs droits le temps que la Cour puisse examiner le fond de l’affaire portée par ceux-ci contre l’Etat de Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire, le Bénin, la Tanzanie et le Rwanda étaient aux avant-gardes des pays africains en permettant l’accès direct des individus et des ONGs à la Cour. Le retrait de cet accès est un signal fort du recul des droits humains dans ces pays. Les autorités concernées devraient revenir sur leur décision et les autres Etats membres de l’Union Africaine devraient réagir en apportant leur soutien au système régional de protection des droits humains, sous peine de le voir s’effondrer ».
H.K.