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Urgent-Abidjan-CPI: « Le retour de Gbagbo, une chance pour la paix des Ivoiriens »-Thabo M’beki pressé

OUATTARA FACE À LA PRESSION DE MBÉKI

L’ancien président sud-africain Thabo Mbéki a publié, mercredi, une tribune dans les colonnes d’un journal local «News 24» intitulée «il est temps que la classe politique ivoirienne franchisse le pas», selon la traduction google du texte original écrit, bien évidemment, en anglais. Dans cet article, le successeur de Nelson Mandela démontre l’urgence qu’il y a à voir l’ancien président ivoirien retourner dans son pays maintenant qu’il a été libéré par la cour pénale internationale et rappelle l’appel du forum des anciens chefs d’Etat africains et de gouvernement.

  Mbéki connait en effet bien les arcanes de la politique ivoirienne pour y avoir mené des médiations complexes sous l’égide de l’Union Africaine. C’est donc en pleine connaissance de cause qu’il met la pression sur Alassane Ouattara et qu’il pense que la classe politique ivoirienne doit faire la paix des braves. Sera-t-il écouté par Alassane Ouattara ? Là est désormais la question. Car le diagnostic fort détaillé de Tabo Mbéki, qui a été le principal médiateur de la crise ivoirienne dès novembre 2004 jusqu’à ce que Laurent Gbagbo prenne l’article 48, l’année suivante, à sa demande pour rendre l’ancien président du RDR éligible à la présidentielle, est avant tout celui d’un homme qui sait de quoi il parle.

En effet en novembre 2004, lorsque le président sud-africain arrive en Côte d’Ivoire mandaté par ses pairs de l’Union Africaine dont il assure la présidence tournante, le régime de Laurent Gbagbo fait face à la France qui ne rêve que d’un changement de régime en ce moment-là. Quelques jours plus tôt, la tentative de libération de Bouaké s’était transformée en une confrontation militaire houleuse avec des soldats français dont neuf ont péri dans des bombardements de la flotte ivoirienne.

La France en position de belligérance

A Abidjan, on n’a pas le temps de comprendre ce qu’il s’est passé ce jour-là que le président français Jacques Chirac ordonne de détruire au sol tous les aéronefs ivoiriens qui donnaient l’avantage aux forces loyalistes sur les rebelles. En quelques heures, les fameux MI-24, de fabrication russe, contre lesquels Paris pestait déjà, sont détruits à la hache tandis que les deux aéroports de Yamoussoukro et d’Abidjan sont occupés par les soldats français et les premiers gendarmes ivoiriens qui s’en approchent de trop près sont faits prisonniers.

Paris est littéralement en guerre en Côte d’Ivoire dont elle connaît chaque recoin du théâtre par cœur. Le même jour, des centaines de chars, opercules ouvertes, déferlent sur le quartier présidentiel de Cocody, à Abidjan, et tentent d’abord d’occuper le domicile présidentiel avant de se rétracter et d’assembler soldats et matériels militaires lourds à l’hôtel Ivoire, à moins d’un kilomètre du palais de Gbagbo. C’est d’ailleurs à cet endroit qu’une soixantaine de patriotes trouveront la mort, mitraillés par les soldats français qu’ils surveillaient parce qu’ils les soupçonnaient de vouloir faire un coup de force contre le président ivoirien.

Thabo Mbeki découvre un pays occupé

L’arrivée de Tabo Mbéki va donc faire baisser la tension malgré l’embargo sur les armes qui est aussitôt décrété contre le régime de Gbagbo à la demande de l’Union Africaine. Ce fut d’ailleurs l’un des tournants les plus burlesques de cette crise de novembre 2004 qui montra à quel point les organisations africaines sont totalement inféodées aux puissances occidentales.

Mais grâce à Mbéki, Gbagbo peut souffler un peu. Et c’est déjà beaucoup en ce mois de novembre. Sous la férule du président sud-africain à qui Gbagbo est obligé de montrer patte blanche, de nombreux blocages institutionnels sont levés et Alassane Ouattara est ainsi autorisé, le 27 avril 2005, à être candidat à la présidentielle à venir à travers l’article 48. Cette loi est aussitôt promulguée le 16 juillet de la même année, soit trois mois plus tard.

Durant cet épisode, le président sud-africain a su suffisamment se familiariser avec le marigot politique ivoirien. C’est donc en connaissance de cause qu’il publie cette tribune, à cinq mois de l’élection présidentielle alors que tous les voyants sont au rouge. Mais Mbéki n’est pas le seul. Dans la tribune, il rappelle notamment le courrier que le forum des anciens chefs d’Etat et de gouvernement africains avait écrit à Alassane Ouattara le 19 décembre 2019 pour le presser de faire la réconciliation nationale. Le forum s’inquiétait en ces termes :

«… nous avons été très troublés par le fait que l’élection présidentielle de l’année dernière a finalement abouti à un conflit armé qui a coûté de nombreuses vies et qui a évidemment éloigné la Côte d’Ivoire des objectifs que nous considérons fondamentaux pour la réalisation de l’unité nationale et de la réconciliation.

C’est précisément pour cette raison que nous partageons l’opinion que la Côte d’Ivoire a plus que jamais besoin de cette unité nationale et de cette réconciliation. Nous craignons que tout retard dans la progression du programme de réconciliation puisse saper la nouvelle démocratie inaugurée par les récentes élections législatives. Nous faisons ces commentaires, Excellence, car nous sommes profondément troublés par la crainte qu’en l’absence d’une véritable réconciliation nationale, à laquelle vous êtes attaché, la Côte d’Ivoire ne puisse à nouveau, à terme, sombrer dans une guerre civile. »

Le retour de Gbagbo, une chance pour la paix

Ce courrier faisait lui-même suite au communiqué du sommet extraordinaire du conseil de paix et de sécurité de l’UA (CPS) qui assurait «…sa conviction que la crise postélectorale en Côte d’Ivoire dépendait d’une solution politique globale qui préserve la démocratie et la paix et favorise une réconciliation durable entre tous les Ivoiriens…« . C’est pourquoi l’ancien président sud-africain considère la sortie de Gbagbo comme une opportunité de parvenir enfin à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, ce qu’Alassane Ouattara a refusé depuis son arrivée au pouvoir. Autrement, il sera trop tard, prévient Thabo Mbéki.

Avec 

SEVERINE BLE

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