Marches, malgré les restrictions sanitaires en vigueur, déclarations, meeting, menaces, messes basses politiques abondantes, corruption à vue d’œil parfois, rencontres dites de haut niveau… Au RHDP, le troisième mandat d’Alassane Ouattara est devenu une question de survie pour ses dirigeants. Peu importe, dans ces conditions, ce que dit la Constitution sur le sujet.
Mais, comme le répète inlassablement un ancien ministre de Laurent Gbagbo, on sait ce que vaut le soutien de Jeune Afrique. On imagine donc pourquoi, François Soudan va jusqu’à puiser dans l’échec d’Alassane Ouattara les raisons qui justifieraient aux yeux du journaliste qu’il fasse un troisième mandat. « Les circonstances exceptionnelles qui ont amené Alassane Ouattara à faire le choix de se représenter le 31 octobre sont longuement analysées dans ce numéro de Jeune Afrique par Marwane Ben Yahmed, seul journaliste à s’être entretenu avec le président ivoirien, en marge des obsèques d’Amadou Gon Coulibaly.
Je n’y reviendrai donc pas. Si ce n’est pour dire ceci: en 2011, dans son discours d’investiture, Alassane Ouattara plaçait sa présidence sous le sceau de « l’écriture d’une page nouvelle » de l’histoire de son pays. Deux mandats
Il y a une semaine, le directeur de la rédaction du magazine panafricain assurait que l’important n’était pas d’aller à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire mais de savoir si le chef de l’Etat sortant sera candidat ou pas. De toute façon, il est rare que les défenseurs du troisième mandat d’Alassane Ouattara ne se contredisent pas sur toute la ligne et le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi jeunes Touré Mamadou l’a d’ailleurs appris à ses dépens.
Lui qui assurait en 2016, pendant les débats sur l’éligibilité d’Alassane Ouattara, que le président ivoirien n’est pas comme son prédécesseur Laurent Gbagbo qui dit une chose et pense son contraire, a en effet justifié le pire que ce qu’il prêtait hier à Gbagbo. Lors d’une marche organisée ce week-end à Daloa, malgré des mesures sanitaires strictes, faut-il le dire, dûment rappelées il y a quelques jours par le ministre de la Sécurité qui menace tout contrevenant, Touré Mamadou a signifié que l’opposition peut toujours parler mais Ouattara sera candidat à un troisième mandat.
Le RHDP un bonheur national
Kandia Camara s’en explique en affirmant, dans une vidéo où on la voit affligée et au bord des larmes que la politique est la saine appréciation des réalités du moment. Mais cette réalité qui veut que le RHDP n’ait pas de successeur pour remplacer Alassane Ouattara n’est valable que pour son camp et se limite à la menace d’une perte du pouvoir et des ors qui vont avec.
Samedi dernier, une déclaration du Woroba lue par Hamed Bakayoko est intervenue dans la journée pour montrer un front uni derrière le président. Ces derniers jours, les partisans du ministre de le Défense avaient rué dans les brancards contre la décision du troisième mandat d’Alassane Ouattara et le directeur exécutif a dû monter au créneau, d’une part sur des plateaux de médias et, de l’autre, en présence de Ouattara à la présidence pour dire que le golden boy n’est pas de taille pour faire office de successeur à l’investiture. Tout comme à la Primature où les prochaines décisions d’Alassane Ouattara sont scrutées avec une certaine frénésie.
Une guerre de pouvoir
D’ailleurs, pour cette raison, Alassane Ouattara attend toujours alors que le pays n’a plus de Premier ministre depuis dix-huit jours. Il n’a pas non plus de vice-président parce que l’Etat est replié sur son camp. De toute façon, la Constitution n’a jamais réellement compté dans la gouvernance du président. Et à plus forte raison quand on a hérité d’un régime présidentialiste, clef de voûte d’une sorte de dictature consentie.
L’ayant bien intégré, les partisans d’Alassane Ouattara ont tenu à menacer ceux de l’opposition qui oseraient organiser des marches de réplique, puisque celle de Daloa est intervenue quelques jours après les mises en garde du ministre de la Sécurité, Diomandé Vagondo dans le cadre du strict respect des consignes sanitaires.
Le secrétaire exécutif du PDCI, lui, regarde de haut cette propagande et considère toute cette campagne comme du bavardage tant que le président de la République ne s’est pas encore déclaré candidat à un troisième mandat. On attend donc le mercredi, pour savoir quelle tournure va prendre cette guerre.
Avec SEVERINE BLE (Aujourd’hui 27/7/2020)