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Urgent-Mankono-révélations sur des lotissements «Moussa Dosso»: le maire Namory et le Préfet Ouattara dans une affaire de vente illicite de terrains (acte1)-Enquête

Le voile est levé mercredi 29 juillet 2020 sur une crise qui couve dans la gestion du foncier à Mankono, une ville de la Côte d’Ivoire située au centre-ouest du pays, dans le district administratif du woroba plus précisément dans la région du Béré, à 455 km au nord d’Abidjan et à 212 km au nord de Yamoussoukro. Ce jour-là, un conseil municipal devait se tenir au foyer des jeunes Mankono à 15h sous la présidence effective du Maire Namory Cissé et de son premier adjoint, Adama Dosso.

Mais, nous  apprenons à la dernière minute que la réunion est reportée sine die. Le Maire, en présence des chefs de services de l’administration publique, des forces de défense et de sécurité, du chef de canton et des populations venues assister audit conseil, évoque deux raisons du report au samedi 8 août 2020 qui ne convaincront pas quelques oreilles bien futées présentes. Il y a une forte dose de suspicion dans la manipulation du dossier des lotissements à Mankono. Mais suivons le maire.

Premièrement, selon lui, certains conseillers ont été cooptés pour les épreuves écrites du Baccalauréat et deuxièmement, d’autres sont rendus au conseil politique de leur parti, le RHDP, à Abidjan où lui-même devrait y être également, le 29 juillet. Le quorum n’étant pas atteint la première réunion du conseil municipal au titre de l’année 2020 a été tout simplement ajournée. Après avoir fait le tour de quelques conseillers non concernés par les motifs donnés par le maire au regard de l’absence de la quasi-totalité des conseillers municipaux à cette première réunion du conseil municipal de Mankono, nous percevons toute de suite qu’il y a un malaise au sein des conseillers. Et là, une petite fouille commence.

Pourquoi ? Et de quel malaise s’agit-il ?

Ainsi, avons-nous cherché à trouver des réponses à nos interrogations. La session du conseil municipal du samedi 8 août 2020 a été la confirmation de nos soupçons. À cette réunion du conseil, plusieurs questions de certains conseillers au maire Namory Cissé sont restées sans réponses convaincantes. Notamment celles relatives d’abord à la vente des terrains issus des projets de lotissement appliqués et non approuvés, qui de surcroît, n’apparaîtrait pas dans le livre de compte de la municipalité. Ensuite, au budget carburant et lubrifiant de la flotte de la mairie qui aurait triplé sans justificatifs et enfin, à la double fonction d’agent collecteur de taxes municipales et chauffeur du maire. Autant de dossiers sur lesquels nous avons décidé d’en savoir davantage afin d’éclairer l’opinion publique à Mankono puis en Côte d’Ivoire sur la gestion de la commune de Mankono.

Depuis le lundi 10 août 2020, dans le cadre de notre investigation plusieurs personnes ressources et autorités administratives et traditionnelles ont été ciblées et interrogées dans la commune de Mankono afin de répondre à nos questions. À savoir le directeur régional de la construction, du logement et de l’urbanisme, le maire de la commune, le secrétaire général, le directeur technique et le directeur financier de la mairie, le préfet du département et de région, certains conseillers municipaux et des propriétaires terriens.

Régularisation des lotissements

Dosso Moussa, l’ancien maire dont les îlots portent le nom

C’est ainsi qu’au sujet du projet de régularisation des lotissements appliqués et non approuvés à Mankono dénommé lotissement « Moussa Dosso », nous avons posé la question afin de savoir l’autorité qui a initié et financé ledit projet dans la commune de Mankono. Le maire, Namory Cissé répondu que les lotissements «Moussa Dosso» et «Tonhoulé Résidentiel» ont été financés à hauteur de 15 millions de francs CFA sur fonds de la mairie de Mankono en 2013 sous l’ex-maire, le ministre Moussa Dosso.

Fait marquant, le lotissement dénommé «Moussa Dosso» a été exécuté sous le projet de régularisation des lotissements appliqués et non approuvés. Cette régularisation a produit 1002 lots. Or, une régularisation de lotissements appliqués et non approuvés est, selon le directeur régional de la Construction, du logement et de l’urbanisme du Béré, Gondo Diomandé «...les lotissements appliqués et non approuvés ce sont des lots qui appartiennent déjà à des personnes morales ou physiques. Maintenant leur régularisation part  d’une action de mise en conformité avec les dispositifs légaux en vigueur dans le pays. D’où le projet de régularisation ordonné par le ministre Mamadou Sanogo en 2013 pour la délivrance des ACD».

Cependant, le maire Namory Cissé qui a succédé à Moussa Dosso à la mairie de Mankono ne reconnait que 428 lots y compris les lots issus du lotissement «Tonhoulé Résidentiel» qui sont présentement au compte de la mairie et mise en vente actuellement à coût de 1000 FCFA le mètre carré.

«Le responsable financier de la mairie sous la mandature de l’ancienne équipe municipale de 2013 à 2018, est le même financier aujourd’hui. Il m’a confirmé qu’il y a 428 lots qui appartiennent à la mairie avec documents à l’appui. Donc moi je me réfère aux écrits pour poursuivre la gestion domaniale de la mairie. Quand bien même, je faisais partie de l’ancienne équipe municipale sous Moussa Dosso, mais je ne dirigeais pas les lotissements à cette période. C’est vers la fin du mandat de Moussa Dosso qu’il m’a nommé responsable du domaine. Cependant, je n’avais pas la signature sur les documents» s’est défendu le maire Namory Cissé.

Alors, où est passé le reste des lots des deux (2) lotissements de 2013 à 2020 surtout celui de la régularisation des lotissements dénommé «Moussa Dosso»? Nous le savons depuis l’explication du directeur régional de la construction. Une régularisation de lotissement veut dire que des lots ou terrains appartenus déjà à des personnes doivent être mis en conformité avec les textes du foncier en vigueur dans le pays.

Mais comment des lots issus d’une telle régularisation à Mankono ce sont-ils retrouvés entre les mains de la mairie? Y-a-t-il eu cession de droit en bonne et due forme pour que l’équipe municipale de l’ex maire Moussa Dosso s’approprie les terres des familles propriétaires de ces terrains à Mankono?

La voix du chef canton

Interrogé, le chef de canton, Dosso Mêboua affirme avec amertume qu’« aucun papier n’a été signé entre la mairie et nous lors du lotissement « Moussa Dosso ». Même les 60 lots qui ont été promis au Gbâlolou (ensemble des familles propriétaires terriens du site du lotissement « Moussa Dosso », Ndlr) ne sont pas encore remis aux différentes familles quand bien même que nous avons accepté ces 60 lots au lieu des 100 initialement revendiqués. Ensuite, j’ai interpellé en vain le maire de réduire le prix du mètre carré (1000f CFA) des lots afin que les fils et filles de Mankono aient facilement des terrains urbains ».

Qu’en pense Les conseillers qui n’y comprennent rien ?

Une situation dénoncée par certains conseillers dont Hassan Fofana: «Quand nous parlons du foncier, il faut dire que cela fait près de 6 à 7 mois que j’ai sorti un dossier. J’ai démontré et au maire et au préfet de département également préfet de région que la mairie de Mankono n’est propriétaire d’aucune parcelle de terre.

Il y a des exemples qui sont bien flagrants. Notamment les lotissements « Moussa Dosso » et « Tonhoulé résidentiel » qui ont été faits dans le cadre de la régularisation des lotissements non appliqués qui appartiennent à des propriétaires de terre et non à la mairie.

Le maire s’est saisie de ces lotissements et s’est érigée en « vendeur de terrains ». Ce sont des lotissements qui comptent environ 1200 lots. Le maire qui n’est pas propriétaire, se permet de vendre ces terrains en complicité avec certains conseillers et le directeur technique de la mairie. Ce qui est encore plus grave, lorsque je prends les livres de compte de la mairie depuis 2017, aucune recette de ces ventes n’y apparaît. J’ai avisé le préfet de Mankono M. Ouattara Kifory Pascal. Oui, j’ai pris le soin de l’informer de cette situation. En dépit de mes observations, le préfet continue de délivrer les ACD relatifs à la vente des terrains par le maire.

J’ai les preuves que ces lotissements n’ont pas été faits par la mairie. J’ai également des preuves que des ACD sont délivrés par le préfet. Cependant, les ACD sont faits sur quelle base ? Quand un lotissement est approuvé le premier document qui sert à enclencher le processus de l’ACD, c’est la Lettre d’Attribution que le propriétaire ou le chef du village, dans certains cas, délivre au nouvel acquéreur.

Donc, nous sommes déjà dans le faux vu qu’aucun propriétaire terrien n’a délivré de lettre d’attribution en amont aux Arrêtés de Concession Définitive (ACD). J’ai signifié au préfet à maintes reprises qu’il cautionne du faux. Mais, il n’a pas daigné prendre en compte mes observations. Je suis même allé déposer une plainte au ministère de tutelle.

Je vous avoue que tous ces impairs se passent au vu et au su du préfet de région. C’est pour toutes ces raisons que certains conseillers et moi avons décidé de briller par notre absence lors de la première convocation de la réunion du conseil municipal le mercredi 29 juillet 2020. Et ce, nous l’avons dit au secrétaire général de la mairie. Cette décision a été prise parce qu’il y’a une mauvaise gestion de la commune. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas dans ce conseil. Cela fait plus d’un an que le conseil a été mis en place mais rien ne se déroule comme il se doit. Aucune commission ne travaille.

Le maire prend des décisions sans aviser l’ensemble du conseil. Quand nous nous permettons de lui montrer les voies de sortir de tous ces problèmes, il fait la politique de l’autruche. Nous ne savons pas combien de temps cela va durer. L’argument qu’il sort aujourd’hui pour le report de cette première réunion du conseil municipal ne tient pas la route parce que combien de conseillers municipaux sont des professeurs coopté dans le jury du BAC ou commis à la surveillance des épreuves écrites du baccalauréat ?

Combien de conseillers font partir du bureau politique du parti qui se trouve actuellement en conseil politique pour qu’il y’ait moins de 16 conseillers municipaux sur un effectif de 30 à cette première session? C’est-à-dire que, nous, les conseillers municipaux, ne sommes pas associés dans la gestion de la commune. (…)

Quand nous nous permettons de lui montrer des voies de sortir, Namory Cissé s’obstine à ne pas prendre en compte nos observations et suggestions. Et quand, il décide de se comporter ainsi, évidemment, nous sommes obligés de passer à une contre-attaque » a-t-il asséné.

Qu’en pense le chef de service financier de la mairie ?

Quand nous avons approché le chef de service financier de la mairie, Nanga Dadié pour avoir sa version sur la gestion financière de la vente des terrains urbains par la municipalité dont le conseiller Hassan Fofana traite d’opaque depuis 2017, il nous signifie sèchement qu’il parlerait qu’en présence du maire Namory Cissé. Selon lui, il ne voudrait pas être en porte-à-faux avec les propos du maire. Un argument qui en dit long sur le caractère irréprochable des livres de compte comme nous l’a fait savoir le financier de la mairie.

Que dit le préfet ?

Suite à la révélation du conseiller Hassan Fofana sur la gestion du maire Namory Cissé notamment sur la question des lotissements et la vente des terrains urbains dont les ACD sont signés par la préfecture de Mankono, quel est l’avis du préfet de département et de région ? «...moi je ne fais pas de lotissements. Quand le directeur régional de la construction, du logement et de l’urbanisme finit de monter le dossier de l’ACD, il me le transmet pour signature. Même à ce niveau, si le dossier est frappé d’une irrégularité, c’est le directeur régional qui endosse la responsabilité » a-t-il précisé. Les terriens sont en ébullition à Mankono.

À suivre…

H.KARA  

Envoyé spécial

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