Qui sont les quatre candidats à l’élection présidentielle ivoirienne ?
Ouattara : plus compliqué…
Bédié : « impénétrable
Affi : parmi les « dix losers »
Kouadio Bertin : un gros caillou
Les 38 autres candidatures ont été jugées invalides, faute de soutien suffisant du public. Une nouvelle réforme électorale exige, en effet, que les candidats recueillent les signatures d’au moins 1 % de l’électorat dans 17 des régions du pays pour se présenter.
Alassane Ouattara : le contexte s’annonce plus compliqué que lors des scrutins précédents
Il est l’espoir d’une très grande partie de l’électorat, mais sa candidature est aussi la plus controversée. Président de la République de Côte d’Ivoire depuis le 6 mai 2011, Alassane Ouattara brigue un troisième mandat alors qu’il avait promis à de nombreuses reprises de laisser la place à la « jeune génération ».
Après des semaines de spéculations, le président sortant de 78 ans a annoncé, lors d’un discours diffusé à la télévision d’État le 6 août, qu’il se présentait à nouveau, faisant fi de sa promesse. Cette décision, qu’il a qualifiée de « véritable sacrifice », est mal vécue par ses opposants. Certains juristes et adversaires politiques jugent sa candidature irrecevable au regard de la constitution de 2016.
De son côté, le gouvernement soutient que le changement de Constitution permet au contraire de remettre les compteurs à zéro. Sur le terrain, l’annonce a déclenché des manifestations dans tout le pays, faisant quatre morts lors d’affrontements avec la police. Finalement, le 14 septembre, la Cour constitutionnelle a tranché en faveur du président sortant.
Il est élu président de la République avec 54,1 % des suffrages dans un contexte de crise politique. Il est réélu en 2015 au premier tour avec 83,7 % des voix. Le président sortant fait de son bilan économique l’axe majeur de sa campagne : le PIB du pays a augmenté en moyenne de 8 % par an (bien que le taux de pauvreté reste élevé, à 46,3 %). C’est aussi sous ses deux mandatures que le gouvernement a introduit la couverture santé universelle, construit de nouvelles routes et massivement élargi l’accès à l’électricité.
À moins que les citoyens en décident autrement. Car le contexte s’annonce plus compliqué que lors des scrutins précédents. D’abord parce que le candidat doit faire face à la colère des partisans de Gbagbo et Soro, exclus de la course. Ensuite parce qu’il ne dispose plus du soutien d’Henri Konan Bédié, devenu son plus grand adversaire.
Henri Konan Bédié : un être « impénétrable
« J’invite toutes les formations politiques et les plateformes politiques, qui le désirent, à soutenir ma candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 (…). Je vais avec l’opposition remporter cette élection présidentielle », a déclaré Henri Konan Bédié, le 12 septembre. Pour ce faire, le candidat de 86 ans compte notamment sur le soutien des partisans de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro.
Aux détracteurs qui le disent trop vieux pour se présenter, il assure que « l’âge est un atout ». Sous les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le rival du président sortant entend prendre l’ascendant sur celui avec lequel il est en rupture politique depuis 2018. « Il veut sa revanche sur Ouattara, qu’il a soutenu [en 2010], mais qui n’a pas, selon lui, respecté son engagement de redonner le pouvoir au PDCI en 2020. Il ne veut pas rester dans l’Histoire comme celui qui a perdu le pouvoir du PDCI ».
Sous sa présidence de 1993 à 1999, Bédié s’est fait le chantre de l’Ivoirité – une idéologie xénophobe visant à discriminer les personnes d’origine burkinabè et malienne. Sous couvert de cette doctrine, Bédié avait ainsi interdit à Ouattara, dont le père était originaire du Burkina Faso, de participer à l’élection présidentielle de 1995.
Évincé du pouvoir lors du coup d’État en 1999 – le premier de l’histoire du pays -, le président déchu s’est exilé en France, avant de revenir en Côte d’Ivoire en 2002, au début de la guerre civile. Arrivé troisième du scrutin présidentiel de 2010, Bédié a alors appelé les partisans du PDCI à soutenir Ouattara au second tour dans le but d’écarter Gbagbo. En 2015, son parti soutient dès le début de la campagne le candidat Ouattara, aidant ainsi le RHDP à conquérir le pouvoir. Plusieurs membres du parti obtiennent des postes ministériels au sein du gouvernement et continuent de les occuper, en dépit de la rupture de l’alliance de 2018.
S’affichant dans les réunions publiques aux côtés de délégués de l’aile pro-Gbagbo du parti FPI et de membres du parti GPS de Guillaume Soro, il appelle à la désobéissance civile en réponse à la « violation » de la Constitution par Ouattara et recueille des applaudissements enthousiastes. Bédié a, en outre, appelé au retour de tous les exilés et à la libération de tous les prisonniers politiques de la crise post-électorale de 2010. Il a également promis de baisser les taux d’imposition et d’augmenter les dépenses publiques.
Pascal Affi N’guessan : parmi les « dix losers » du continent africain’’
Depuis le début de sa carrière politique en 1986, l’ancien Premier ministre de 67 ans a essuyé d’autres critiques et surmonté bien d’autres difficultés. « Ça ne m’émeut pas. Quand vous n’êtes dans aucun des extrêmes, vous êtes critiqué de tous les côtés… »
Il n’empêche que ses chances de gagner au premier tour sont minces. À la tête du Front populaire ivoirien (FPI), – le parti de gauche créé par Laurent Gbagbo -, Pascal Affi N’Guessan peine à rassembler au sein de son propre camp. Depuis le retrait du fondateur du parti, sommé de répondre des accusations de crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale, Pascal Affi N’Guessan fait face à une formation scindée en deux : d’un côté les fidèles
S’il a rejeté les partisans du mouvement « Gbagbo ou rien », Pascal Affi N’Guessan n’a pourtant jamais cessé de prôner le retour de Laurent Gbagbo d’exil. En attendant, il compte bien mener le FPI à la victoire. Mais selon toutes les projections observées, son rôle devrait se limiter au report de ses voix. L’éventuel soutien au PDCI de Bédié diminuera ou non les chances de Ouattara de remporter un troisième mandat.
Kouadio Konan Bertin : un gros caillou dans les petits souliers de Bédié
Surnommé KKB, Kouadio Konan Bertin fait figure de petit poucet dans la campagne face aux mastodontes de la politique qui lui font face.
Kouadio Konan Bertin n’en est pas à son coup d’essai. Dissident du PDCI de Bédié, il était déjà candidat à l’élection présidentielle en 2015. Il n’avait obtenu que 3,88 % des suffrages exprimés mais continue de croire en ses chances. Seul candidat indépendant, l’ancien député de 51 ans mise sur sa jeunesse pour séduire l’électorat. Il se présente comme une alternative aux trois autres candidats qui ont en moyenne 77 ans et ont longtemps dominé la politique ivoirienne. Il faut dire que 40 % de la population ivoirienne a moins de 15 ans.
Avec France 24 par Sam Bradpiece
adapté de l’anglais par Aude Mazoué