Le chef de l’exécutif peut-il passer outre la résistance du parlement ?
Il est dans le politiquement correct. Il en a la compétence, le pouvoir. Tous ces travaux suscités relèvent de la dépense publique et celle-ci est définie par la loi de finances, c’est-à-dire, le budget. La loi de finances est votée par le député. On comprend alors toute l’importance des membres de l’Assemblée nationale. Le poste politique le plus important dans un Etat est celui du parlementaire, c’est-à-dire du législateur.
Oui, vous avez bien lu, le parlement est plus important que l’exécutif. La constitution étatsunienne l’illustre très bien, elle qui consacre le premier chapitre de ses sept dispositions au parlement, l’exécutif vient après. C’est l’origine ou la justification de la supériorité de la loi sur le règlement, c’est-à-dire, les décrets et les arrêtés. En droit, la valeur d’une norme juridique procède de la valeur de l’organe qui l’édicte. De ce qui précède, on comprend l’importance de l’élection des députés du 6 mars 2021.
A l’inverse, le parlement ne peut pas faire tomber le gouvernement car, dans le système politique ivoirien, la motion de censure et la question de confiance sont inexistantes. Cependant, le parlement, en général, l’assemblée nationale, en particulier, détient un pouvoir politique redoutable. En effet, si, par extraordinaire, l’opposition remportait les législatives du 6 mars prochain, le président de la république serait dans une posture politique inconfortable. Il ne pourra pas gouverner. Pourquoi ?
Le président de la république serait alors, un roi nu. A l’inverse, on assisterait à la souveraineté parlementaire. Comment? C’est simple. Les députés ont, eux aussi, l’initiative de la loi.Les propositions de loi seront soumises parlement. Elles auront plus de chance d’être adoptées. Le président de la république peut-il refuser de les promulguer? Il peut le vouloir, mais, il n’en aura pas les moyens juridiques.
Evidemment que non. Située au confluent de la loi et du décret, l’ordonnance commence par l’autorisation du parlement. C’est la fameuse loi d’habilitation. On le devine aisément, le Président de la république n’aura pas cette autorisation d’un parlement majoritairement PDCI, FPI, LIDER et autres. Le chef de l’exécutif peut-il passer outre la résistance du parlement ? Dans l’affirmative, il renoncerait ainsi à l’Etat de droit et s’exposerait, subséquemment, à une responsabilité pénale pour haute trahison.
Les élections du 6 mars 2021 revêtent une importance capitale. Je le disais plus haut, c’est avec la loi qu’on change la société. C’est pourquoi, les élections des députés sont, avant tout, partisanes. Les législatives consacrent la partitocratie. En effet, c’est l’élection des partis politiques, des idées politiques. Si l’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple, l’élection des députés est la rencontre entre un parti politique est une population.
A l’élection législative, c’est n’est pas un candidat qu’on vote, c’est une idée, c’est une formation politique qu’on vote. Nuance. Pendant cette campagne électorale, les candidats du RHDP doivent avoir le même programme politique. Il en est de même de ceux du PDCI, du FPI etc. Et, c’est ici que se perçoit clairement la qualité d’entrepreneur juridique et politique du député. Je le répète à des fins pédagogiques, c’est avec la loi qu’on change la société.
« Si vous votez pour nous, nous voterons une loi pour sortir notre pays du franc CFA« . Evidemment, c’est une révolution monétaire donc économique. « Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi qui oblige l’Etat à construire, une école, un dispensaire dans tout village qui a 500 habitants. Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi pour augmenter les subventions aux communes et aux régions pour leur permettre de lutter efficacement contre l’insalubrité et l’insécurité par exemple« .
« Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi pour fixer le prix du cacao à 1500 f, l’hévéa à 1000F. Si nous sommes élus, nous prendrons des lois pour combler les déficits de personnel de l’éducation nationale, de la santé publique, de la justice, par exemple, au lieu de recruter 25 magistrats par an, nous allons recruter 200 magistrats par ans sur cinq ans« .
A l’observation,ces mesures impacteront considérablement le quotidien des populations. Le député n’a pas de budget. C’est vrai. Mais, c’est lui qui vote le budget du président de la république, c’est lui qui détermine les subventions aux communes et aux régions. Ce n’est pas juste de dire que le député n’est pas un agent de développement. Il l’est. C’est sa raison d’être. Encore faudrait-il que les députés eux-mêmes en soient convaincus!
Geoffroy-Julien KOUAO
Politologue et Ecrivain
Dernier livre publié « Et si la Côte d’Ivoire refusait la démocratie ? La ploutocratie n’est pas la démocratie».