Le football ivoirien n’est-il pas malade de ses tares?
«La FIF en jeu, un Joker appelé Didier Drogba». C’est le titre du livre de réflexions, publié, il y a quelques jours, par le célèbre journaliste-écrivain ivoirien, Sylvain Takoué. Un livre qu’il consacre à l’ex-footballeur international Didier Drogba, et à l’ambition de celui-ci de briguer la présidence de la FIF, en Côte d’Ivoire. Ambition qui, comme on le sait, a soulevé dans les milieux dirigeants du football ivoirien une véritable levée de bois verts à l’encontre de la candidature de la légende planétaire, et qui a aussi lancé un houleux débat d’opinions sur cette question.
Cela, au moment où le football ivoirien, pour la première fois de son histoire, connait, de façon avérée, un embourbement sans précédent, mis au compte d’une gestion scabreuse de la FIF. Gestion qu’entend justement redresser Didier Drogba en se proposant, par sa candidature, à la présidence de la FIF. Ce qui a provoqué une situation de blocage de l’élection à cette présidence de la FIF, du fait d’un rejet jugé sans fondement, du dossier de l’acte de candidature de l’ancien attaquant de Chelsea. En publiant son livre qui se veut défensif de la cause de Didier Drogba, le journaliste-écrivain Sylvain Takoué pose un vrai diagnostic de la situation du football ivoirien pour lequel il fait, au-delà de tout, une plaidoirie lucide, qui évoque, à notre sens, une triple objectivité sportive.
Le football ivoirien n’est-il pas malade de ses tares?
C’est un secret de Polichinelle, que le football ivoirien est aujourd’hui l’ombre de lui-même et laissé au plus bas niveau de ses performances connues. Il n’a plus été aussi productif qu’auparavant, depuis l’avènement de Sidi Diallo à la présidence de la FIF. La preuve en est que même le championnat national, qui était la vitrine de la bonne santé sportive des clubs professionnels ivoiriens, a été laissé pour compte sans que l’on ne sache exactement pourquoi les clubs ne se disputaient plus réellement cet enjeu national du football ivoirien. Une situation peu flatteuse qui a également pesé sur la sélection nationale dont les performances sont restées à désirer, parce que l’équipe vivait une sorte de déconstruction morale.
Sans oublier que les clubs, viviers de la sélection nationale, étaient plongés, à l’exception peut-être de l’Asec Mimosas, dans un marasme économique des plus choquants, du fait d’un manque d’accompagnement financier réel du pourvoyeur qu’est la FIF. Ce qui a plongé les athlètes eux-mêmes dans une démotivation sans nom, à cause de la précarité dans laquelle ils exercent leur activité. Même le fameux derby Asec-Africa, qui avait longtemps été la dispute sportive phare de notre football ivoirien, a carrément disparu des spectacles émouvants qu’il occasionnait.
Tout cela a fait, depuis longtemps, déserter les stades et éloigner les supporters et les spectateurs des enjeux d’émotion et de sportivité. Le résultat probant est que le football ivoirien, devenu malade, est resté gangrené par un manque de vision de relance. C’est la première objectivité dont parle le livre de Sylvain Takoué.
Le football ivoirien n’a-t-il pas besoin de relance ?
Le football est qualifié de « sport-roi », parce qu’il soulève les passions sportives les plus impressionnantes. Tout y passe : émotions, fanatisme, passions, plaisirs ludiques, compétitivité… C’est un sport rassembleur, qui fait aimer les prouesses des athlètes évoluant dans des clubs de rêve. Il n’y a qu’à regarder le niveau actuel du football européen, pour se convaincre de l’extrême importance d’un tel sport dans les Nations qui en savent l’enjeu, tellement c’est beau à voir, et d’intérêt indiscutable. Le football ivoirien connaît-il cette gloire ? Les clubs professionnels ivoiriens sont-ils eux-mêmes fiers de l’image de déchéance sportive qu’ils donnent de leurs propres niveaux ?
Les joueurs des clubs de la ligue 1 ivoirienne, surtout, sont-ils capables de se comparer, en toute compétitivité, à ceux de la ligue 1 d’Europe ? Non, notre football s’est enfoncé dans du sable mouvant, au grand contraire du football international qui évolue à merveille sur l’aire de jeu mondial et qui fait vibrer et rêver. Si la Côte d’Ivoire veut encore être appelée à l’international « Nation de football », le football ivoirien, aujourd’hui sclérosé, doit se rétablir de la plus belle des manières. Elle a besoin d’une relance lucide et clairvoyante de sa machine de gestion et de gouvernance. Elle doit être courageusement portée par une vision sportive – et non politicienne – qui se met transversalement au-dessus des mêlées partisanes et claniques, et qui fait surgir la fibre patriotique dont est capable le sport-roi, pour lui faire reprendre du poil de la bête. Oui, notre football ivoirien a besoin d’un vrai « Plan Marshall » sportif pour renaître de ses cendres et redonner goût aux milieux du football, aux financiers, aux partenaires, aux athlètes, aux dirigeants, aux encadreurs, aux lobbyings, aux supporters et spectateurs passionnés. C’est la deuxième objectivité dont parle le livre de Sylvain Takoué.
Le football ivoirien n’attend-il pas un challenger ?
Face à ce tableau sombre, qui n’augure pas des lendemains meilleurs, et que fait voir le football ivoirien, un « sauveur » n’est-il pas le bienvenu pour porter assistance à un tel secteur en danger ? L’initiative de la FIFA dont le Comité de normalisation (Conor) s’est, depuis peu, porté à la rescousse de notre foot, n’est-elle pas à saluer ?
Mais plus encore, l’ambition de notre compatriote Didier Drogba dont on ne connaît que trop les états de service dans le football international, ne se présente-t-elle pas comme un challenge qui pourrait nourrir d’une sève nouvelle et d’un sang neuf la saine gestion du football ivoirien par une gouvernance inventive et crédible de la FIF ? C’est cette troisième objectivité que brandit le livre fort instructif de Sylvain Takoué.
Qui appelle fortement à ne pas laisser filer la chance d’une renaissance du football ivoirien, dans tous ses compartiments, renaissance dont rêvent les milliers et les millions d’Ivoiriens et de passionnés du ballon rond. En cela, ce livre interroge nos consciences :
le programme porté par Didier Drogba pour cette renaissance de notre foot, n’est-il pas l’offre même du « Plan Marshall » attendu par tous en Côte d’Ivoire ? Ce programme qui, justement, se dénomme « Renaissance », n’est-il pas celui qui peut repositionner le football ivoirien, non seulement au plan national, mais aussi africain, voir mondial ?
Qu’y a-t-il à essayer une thérapie qui contient une dose intelligente des meilleurs ingrédients inspirés de la bonne santé sportive, technique, logistique, administrative, économique, financière et morale du football mondial dont Didier Drogba est un parfait produit ? Le livre de Sylvain Takoué, véritable outil d’éducation sportive et morale, en appelle à notre sens de la solidarité ivoirienne et du patriotisme olympique pour placer l’homme qu’il faut (Didier Drogba) à la place qu’il faut (présidence de la FIF).
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