urgent-sport-interview: « Le Gouvernement ivoirien adonné raison à Didier Drogba… » de Sylvain Takoué (2ème partie)
redaction
Auteur du livre « La FIF en jeu, un Joker appelé Didier Drogba« , le journaliste-écrivain Sylvain Takoué s’en ouvre encore plus au grand public. Dans cette deuxième partie de l’interview qu’il nous a accordée, il fait le tour de la question du football en Côte d’Ivoire. Lisez plutôt.
Vous avez-vous-même qualifié, en sous-titre, votre livre sur Didier Drogba, de « plaidoirie pour le football ivoirien »…
Oui, c’en est une, et c’est de bonne guerre. Le football ivoirien est en crise, et je plaide pour qu’on l’en sorte.
Je vous prends au mot : Quand vous dites « pour qu’on l’en sorte », je suis tenté de vous demander, qui, « on » ? À qui s’adresse vraiment cette plaidoirie ?
Mais à la Côte d’Ivoire, au pays dans son ensemble, de haut en bas. C’est-à-dire la pyramide sociale, depuis les dirigeants et décideurs politiques, sportifs, économiques et financiers, jusqu’aux moindres citoyens amoureux, amateurs, passionnés et supporters de ce sport, en passant par les acteurs, athlètes, administrateurs et lobbyistes.
En somme, appeler tout le monde à communier pour exorciser le mal dont souffre le football ivoirien ?
Ce n’est pas incantatoire, mais je dirais même plus, pour parler un peu comme les frères Dupont dans les Aventures de Tintin, il ne faut pas seulement appeler, mais engager les uns et les autres dans cet élan sportif, et donc patriotique, du cœur et de la raison : sauver notre sport-roi et le préserver, à l’avenir, de toutes les turpitudes qui ont fait son malheur actuel.
Et vous y croyez, vous, à cette relance du football ivoirien, telle que rêvée par nos compatriotes, mais surtout par Didier Drogba à qui vous avez d’ailleurs consacré votre livre ?
Absolument ! Souvenez-vous que le premier Président de notre pays, Félix Houphouët-Boigny, disait que « découragement n’est pas Ivoirien ». Êtes-vous contre cet élan de motivation dans la vie ? Je ne réponds pas à votre place, mais je crois que non. D’un bout du monde à l’autre, les nations ont leur leitmotiv pour se donner du courage et du cran. C’est psychologique et ça compte énormément pour faire tenir bon à un peuple. Au Burkina Faso, c’est « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! ». À Cuba, c’est « Socialismo u muerte ! » (Le socialisme ou la mort). En France, c’est « Aux armes, citoyens ! » ou encore, « Ça ira ! ». Aux Etats-Unis d’Amérique, c’est « In God, we trust ! » (Nous avons foi en Dieu pour grandir). Donc, oui, je crois en la renaissance du football ivoirien, parce qu’il n’y a à se décourager de rien ni en rien.
Et vous croyez aussi au projet de votre héros sportif, Didier Drogba, qui prône, justement cette renaissance du foot en Côte d’Ivoire…
C’est d’évidence, sinon, je n’aurais pas signé et publié le livre qui en parle avec tant de passion et de sportivité, et c’est à raison.
C’est à raison…
Oui, oui ! C’est à raison, et je vais vous dire pourquoi. Il est temps que nous quittions cette mauvaise habitude de l’archaïsme dans nos façons de gérer les affaires de la Cité. Savez-vous, par exemple, qu’il y a un secteur d’activité négligé sous nos tropiques, qui fait pourtant l’économie même des pays développés ? Je vous pose la question, mais je vais y réponde rapidement pour ne pas qu’on perde du temps. Il s’agit de la Culture. Ce secteur-là, est relégué en arrière-plan dans nos pays sous-développés, et ne compte même pas au titre des secteurs hautement traités de régies financières, de poumons économiques.
Eh bien, sachez qu’aux Etats-Unis d’Amérique, il n’existe pas de ministère de la Culture, en tant que tel, mais, croyez-moi, c’est le secteur le plus productif qui soit, financièrement parlant. Au point où l’on parle d’économie culturelle, parce que le secteur brasse énormément de fonds, à même de soutenir l’économie du pays. Ce sont plus de 12 milliards de dollars de recettes qu’engrange le studio Disney, par exemple, en 2018. Dans la même année, l’industrie du film a rapporté 96,8 milliards de dollars au pays, dont plus de 40 milliards de dollars pour les seules salles de projection. Rien qu’avec le 7ème Art, c’est-à-dire le cinéma qui est une véritable industrie là-bas, auquel s’adjoignent la musique et le sport, ce pays bâtit sa grandeur économique. Et quand on entend parler du « rêve américain », ça nous fait écarquiller exagérément les yeux, à nous Africains, et nous courons pour aller vivre des fruits de leur intelligence. C’est presque la pareille en France, un pays de grandes idées, où la Culture fait brasser plus de 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an. Nous pouvons en faire autant en sports, et principalement dans le football.
Le gouvernement ivoirien semblerait maintenant aller dans ce sens, pour les sports…
Oui, et c’est une bonne chose, que le nouveau gouvernement, par synergie, ait, de la sorte, comme donné raison à Didier Drogba qui parle de créer et construire une économie du football, intégrant toutes les innovations possibles et imaginables, capables de nous faire regretter tout le temps passé à gouverner notre football comme au temps de l’après-indépendance. Il y a un journaliste sportif, très regardant et méticuleux, qui dénonce aussi ce fait rétrograde et anachronique. Il s’appelle Fernand Dédeh. Il sait de quoi il parle et il faut l’écouter plus souvent. Mais, chance pour ce secteur, vous voyez que le gouvernement a restructuré la dénomination même du ministère en charge des sports, qui, maintenant, s’appelle Ministère des sports et de l’économie sportive. L’innovation, en la matière, est donnée dans la manière nouvelle de voir maintenant les choses. On parle d’économie sportive. C’est un fait remarquable et important à souligner, parce que l’innovation commence par la motivation que procure un nom. Si vous donnez le nom « Jean Bagne » à votre fils, au lieu de « Champagne », ne soyez pas surpris qu’il devienne taulard dans sa vie, alors qu’il aurait pu se motiver pour devenir un richissime homme d’affaires. Rien que cela. Les noms ont une charge irradiante ou nocive. Concernant le foot ivoirien, il s’agit d’entamer une vraie révolution sportive en Côte d’Ivoire. C’est de cela que parle très précisément Didier Drogba dans son projet structuré et structurant. Pris comme tel, cela appelle des moyens importants. Qui, parmi ceux qui veulent prendre la FIF, a su à en faire un réseau incontestable ? Comme le dit à répétitions Annie Gasnier dans son émission Radio Foot inter, sur RFI, « le football n’est qu’un jeu, mais avec de l’argent ».
Et pour vous, seul Drogba pourrait y parvenir ?
Que votre question est drôle, (Rires), mais écoutez, monsieur, (il prend un air très sérieux), c’est oui et oui ! Il est vraiment le seul interlocuteur valable et fiable dans l’affaire ! Comme on le dit en politique, « c’est l’homme de la situation ». Sauf cataclysme naturel, comme les séismes. Or les tremblements de terre, comme au Japon, ça n’existe pas encore en Côte d’Ivoire. (Rires).
Vous dites vous-même, qu’un tel projet, ça appelle des moyens importants…
Mais, bien sûr que oui ! Ouvrez grands les yeux. Que croyez-vous ? Que les mannes vont nous tomber du ciel comme au temps de Moïse et de son peuple errant dans le désert ? Il faut se rendre à l’évidence, qu’on parle, là, de moyens, et de moyens colossaux, astronomiques. Vous comprenez ? Il faut les avoir pour que l’action de l’Etat, qui vise à faire revivre le football ivoirien, soit plus complète, plus expansive. Si la FIF est tenue par Didier Drogba, ce rêve deviendra réalité, parce que Didier Drogba jouera un rôle magnétisant, captivant, un rôle d’aimant, dans le réseau planétaire des partenaires mondiaux du sport en général, et du football en particulier. Si vous croyez que ce but sera atteint avec des dirigeants sportifs qui sont sans vision constructive, ni tentacules reliées à ce réseau, vous vous trompez lourdement. Il y a des réalités claires comme de l’eau de roche, qu’il ne faut pas cacher. Regardez des clubs comme Barça, Chelsea FC, Olympique de Marseille, Paris Saint-Germain, Totenham, Manchester… Ce sont des clubs de gloire et de rêve.
Des clubs financièrement puissants, qui n’ont pas peur d’injecter énormément d’argent frais pour investir dans le business du foot. Ils peuvent s’offrir des joueurs de génie, comme Messie, Neymar, Mbappé, etc., à coups de milliards claqués, sans sourciller. Regardez leurs équipes, leurs équipements, leur coaching, leurs sélections, leurs matches, leurs victoires, leurs stades, leurs dirigeants, leurs salaires, leurs primes de matches, les réseaux de la haute finance, dans lesquels ils se la jouent, et dites-moi franchement si tout cela ne fait pas rêver les Africains au gros nez, que nous sommes. Sinon, pourquoi nos joueurs africains y filent en douceur et s’y font vendre, à tout va ?
Oui, mais ces grands clubs se sont quand même construits dans le temps…
Et alors ? Qui nous l’interdit, à nous ? Savez-vous qui c’est ? C’est nous-mêmes ! Notre esprit d’Africain aux cheveux crépus, ramenant tout à soi. La vision de grandeur nous manque. On ne regarde que ce qui va directement entrer dans notre estomac. On ne lève pas les yeux plus hauts que ça, pour voir et fouiller les horizons. Ce n’est pas avec ces comportements de hibou, qu’on peut construire des clubs merveilleux et mythiques comme ces clubs que j’ai cités. Donc, oui, la vision de grandeur nous manque. Et c’est terrible, puisque nous réfléchissons peu. Mais avant cela, c’est l’intelligence du savoir-faire qui nous plombe. Nous ne savons rien faire, si ce n’est être de fieffés champions de l’égocentrisme et de l’égoïsme ! Regardez nos clubs ivoiriens traditionnels. Ils se meurent, par manque de moyens, de stratégies et de vision de grandeur.
Sachons que l’époque où un président de club de football finançait tout, à lui seul, de sa propre poche, est loin derrière nous. Hier, Zinssou de l’Africa Sports le faisait. Il pouvait se le permettre, parce qu’il était personnellement adossé au Président Houphouët. Mais n’est pas Zinssou qui le veut ! La preuve, regardez ce qui se passe aujourd’hui dans le club des Oyé. Un club de football, aujourd’hui, ne pourra évoluer qu’à partir d’une vision d’ouverture et de stratégies liées aux réseaux internationaux du milieu. Or ici, on fait rouler le foot ivoirien en vase clos, en cercle fermé, et le cercle est devenu vicieux. Ramener à soi l’évolution d’un club, est, pour son dirigeant, un suicide personnel, qui engloutira aussi les siens. Le projet futuriste de Didier Drogba vient, comme une bouffée d’oxygène, ouvrir les yeux à de tels dirigeants de clubs, qui devront en apprendre beaucoup.
Mais, il y a l’Asec qui s’en sort pas mal…
L’Asec est un bel exemple, une exception, un cas d’école ici. On y trouve un vigoureux esprit d’entreprise, comme les clubs compétitifs le font et le sont en Europe. On voudrait avoir tant d’autres clubs émuler l’Asec. Son dirigeant, Me Roger Ouégnin, avait déjà perçu, par anticipation intelligente sur tous ses autres confrères, comment gérer un club de football professionnel de ligue 1. Encore une fois, ce n’est pas tant la personne du dirigeant qui importe, mais ce qu’il a dans l’intelligence de sa vision : la vision qui fait primer le club et les joueurs. Regardez, par exemple, Neymar et son coéquipier Mbappé du PSG.
Ce sont des stars. Et leur club est mythique. Mais qui connaît le président de ce grand club français ? Même pas les supporters. En Côte d’Ivoire, les dirigeants sportifs veulent se faire connaître plus que leurs propres joueurs et leurs propres clubs. Si bien, qu’aujourd’hui, on ne connaît même pas le nom d’un seul joueur qui perce et monte, ni en club, ni en sélection nationale. C’est un problème gênant, celui du mauvais dispositif de la charrue mise avant les bœufs. Mais pourquoi ? Ce n’est pas par manque de talents sportifs, c’est par insuffisance ou absence de vision sportive pour eux. Les joueurs talentueux sont-là, ils sont nombreux, ça court même les rues, ici. Mais ils sont comme de l’or brut qu’on ne peut faire briller sur les stades, parce que la vision qui consiste à savoir comment opérer cela manque.
Vous allez les retrouver oisifs et livrés à eux-mêmes dans les bas quartiers, et cherchant, à longueur de journée, à se gaver d’attiéké arrosé d’huile avariée, au poisson thon, qu’on appelle Garba. – on dit ventre plein, nègre content ! Pas vrai ? – (Rires). Et quand ils finissent de se repaître ainsi, ils vont se bourrer de bière et de vin rouge, pour ensuite aller s’épuiser sexuellement avec de jolies filles fessues et tatouées au rein, et s’endormir, bien après, en ronflant comme de parfaits lascars repus. Ils en oublient même d’aller s’entraîner. Ils oublient qu’ils sont des joueurs professionnels. Ils ne sont plus motivés, ils stagnent comme des flaques d’eau qui s’évaporent au fil du temps. Ils sont contaminés par le manque de vision de leurs dirigeants. C’est un comportement indigène. Tout cela est contraire à l’éthique du sport-roi. Et beaucoup d’entre eux sont en ligue 1. Didier Drogba apporte de l’air frais pour l’insuffler à tout le corpus du football ivoirien. Ce qu’il faut, c’est seulement de lui en donner la possibilité de tout transformer positivement…
Par son arrivée à la tête de la FIF ?…
Oui, vous comprenez vite et bien, car c’est cela même. On peut désormais voir nos clubs ivoiriens, anciens comme nouveaux, rêver et motivés aux challenges pour réaliser leur rêve de grandeur. Ainsi, le Stella club d’Adjamé pourrait émuler l’Olympique de Marseille, l’Asec le PSG, le Stade d’Abidjan l’Olympique Lyonnais, le Denguélé Liverpool, Issia Wazi Tottennam, Sacraboutou Juventus, le Réveil club de Daloa Nantes, le Sporting club de Gagnoa l’Inter de Milan, la Soa Bayern, et ainsi de suite… Demain, tout cela serait possible avec DD-11…