La constitution est-elle immuable ?
Evidemment que non. Comme toute norme juridique, la constitution change, se métamorphose au rythme des évolutions et révolutions sociales, économiques, politiques, technologiques, idéologiques, etc. Le changement constitutionnel se fait par deux procédés juridiques que sont l’abrogation et la révision.
Dans la forme, cette proposition de révision, bien qu’inédite, a très peu de chance d’être adoptée. En effet, il existe plusieurs obstacles juridiques. D’abord, le projet de révision doit être pris en considération par la majorité absolue des membres du congrès, c’est-à-dire, par 178 députés et sénateurs. Ensuite, si par extraordinaire cet obstacle est franchi, un autre surgit. Le président de la république. La constitution dispose que la révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum. Dans cette hypothèse, la proposition de révision a des chances d’être adoptée car, une partie importante de l’opinion publique y est favorable.
Seulement, l’article 177 de la constitution dispose que la proposition de révision n’est pas soumise au référendum lorsque le président de la république décide de le soumettre au parlement. Dans cette conjecture, la proposition de révision n’est adoptée que si elle réunit la majorité qualifiée des deux tiers des membres du congrès, soit 233 parlementaires sur 354. A l’évidence, la tâche ne sera pas aisée. Le député de Tiassalé et ses collègues indépendants devront convaincre les groupes parlementaires du RHDP (153 députés), PDCI (65 députés), EDS (17 députés) et UDPCI (9) de l’Assemblée nationale d’une part, et les groupes parlementaires RHDP (73 sénateurs) et PDCI (17 sénateurs) du sénat, d’autre part.
Dans le fond, cette proposition de révision pose un triple problème juridique, démocratique et républicain. La constitution est une loi. Et la loi, par essence, est générale et impersonnelle. L’édiction d’une loi n’a pas pour but de privilégier ou discriminer une personne ou un groupe de personnes. A écouter et à lire les députés indépendants, la proposition de révision vise à écarter les présidents du PDCI, du RHDP et l’ancien président du FPI du champ politique. Une telle approche viole l’esprit et la lettre de l’article 4 de la constitution et, par conséquent, discrédite et fragilise juridiquement la proposition de révision.
En sus, dans une démocratie libérale, les conditions d’éligibilité à une élection doivent être les plus inclusives possibles. Ce qui n’est pas le cas ici. En limitant l’âge d’éligibilité à 75 ans, on exclut une partie de la population : le troisième âge. La gérontocratie devient un délit politique. Notre législation électorale contient déjà assez de dispositions antirépublicaines pour en ajouter.
A titre d’exemples, le cautionnement de cinquante millions de francs à l’élection du président de la république exclut les pauvres du scrutin. On se croirait au moyen âge. Les pauvres peuvent être électeurs mais ils ne peuvent pas être candidats. C’est l’apologie du suffrage censitaire, antithèse du suffrage universel. En sus, l’âge minimum à la présidentielle, c’est 35 ans. A partir de quel critère objectif, rationnel ? Aucun.
Selon, l’institut national de la statistique, la jeunesse, en Côte d’Ivoire, c’est la tranche d’âge entre 15 et 34 ans. De ce qui précède, la constitution exclut, de façon flagrante, la jeunesse qui représente la majorité sociologique. La
Je pense que la réforme idoine à opérer consiste à faire coïncider l’âge d’éligibilité à l’élection présidentielle avec l’âge de la majorité électorale : 18ans. Celui qui peut choisir, voter, a l’esprit de discernement et de responsabilité, subséquemment, il peut présider, décider, bref, gouverner. En ramenant l’âge d’éligibilité à 18ans, en supprimant le cautionnent de cinquante millions, en ne limitant pas l’âge d’éligibilité à 75 ans, notre droit positif nous réconcilie avec les valeurs démocratiques et républicaines. N’oublions pas ceci, la Côte d’Ivoire est une république qui se veut démocratique.
Geoffroy-Julien KOUAO, Politologue et Essayiste