Des détails pour comprendre cette affaire
–Comment des juges ivoiriens ont tout gâté
– une myriade d’irrégularités mises à nu
Ce qui convient d’être nommé l’«affaire BNI Gestion» vient d’éclabousser la Côte d’Ivoire à la Cour de justice de la CEDEAO. Cette cour de justice régionale a condamné, le 22 octobre 2021, l’Etat de Côte d’Ivoire à payer une amende d’ «un milliard deux cent cinquante millions (1. 250. 000 000) de francs CFA en réparation de la violation des droits du requérant» plus un franc symbolique pour le préjudice moral. Une claque pour la justice ivoirienne, dont les tares sont ainsi mises à nu par ce jugement dont L’Eléphant a obtenu copie.
Saisie le 15 avril 2021 par l’homme d’affaires, la Cour de justice de la CEDEAO, à l’analyse des faits, a sans ambiguïté mis en exergue les violations des droits allégués par le plaignant. En effet, le 27 octobre 2020, au cours d’une audience plénière, la Cour de Cassation avait dessaisit la Juge du 5ème cabinet de l’affaire compte tenue des irrégularités que comportait son instruction dans le dossier. Mais cela n’a point empêché notre juge de continuer l’instruction du dossier en question. Mieux, elle a même pu obtenir une ordonnance de la présidente de la Cour de Cassation datant du 9 février 2021 pour continuer l’instruction de « son dossier »
Lisons ensemble un aperçu de l’arrêt de la Cour de la CEDEAO, mettant en évidence la partialité de la juge et le spectaculaire revirement de la présidente de la Cour de Cassation :
« L’arrêt a pour conséquence de lui retirer tous ses pouvoirs sur les affaires de la 5ème chambre d’où elle a été transférée et de les confier au nouveau juge qui lui succède. Néanmoins, elle a emporté le dossier du requérant et a continué à présider l’affaire tout en rendant des ordonnances qui portent atteinte aux droits du requérant.
La Cour s’attend à ce que pour des raisons d’équité et de justice, la juge se récuse honorablement de la poursuite de la procédure dans cette affaire. Le fait qu’elle ait continué à retenir le dossier après l’ordre de transfert est une indication de son intérêt personnel et jette un doute légitime sur sa partialité.
La Cour constate donc que les actes dudit juge sont révélateurs et motivés par la partialité, les préjugés et la mauvaise foi. La Cour estime donc que les actes du juge de la 5ème chambre constituent des atteintes graves au droit du requérant à un procès équitable.
Concernant l’effet de l’ordonnance de la présidente de la Cour de Cassation du 9 février 2021, la Cour est consternée et par le revirement du défendeur qui valide la partialité du juge, qu’il avait réaffecté à une autre juridiction pour les raisons des irrégularités dont se plaint le requérant ».
Un crime imparfait
Les avocats de l’Etat de Côte d’Ivoire, par la faute de l’AJT et du juge du 5ème cabinet, qui se sont obstinés à ne pas faire les choses selon les règles de l’art, ont pris une véritable raclée. Lisons un extrait de l’arrêt qui bat en brèche les arguments de l’Etat de Côte d’Ivoire, le défendeur :
«En l’espèce la pièce jointe 1 qui établit que le requérant est prima facie propriétaire du bien n’a pas été contestée par le défendeur. Il tente plutôt de contester la validité de la vente, en alléguant que l’achat était une escroquerie résultant de l’achat de la propriété ave l’argent du vendeur, que la vente des biens de l’Etat devrait être fondée sur un décret (comme indiqué dans les observations du requérant).
En ce qui concerne la première allégation, le défendeur n’a apporté aucune preuve pour étayer l’allégation d’escroquerie à l’encontre du requérant ni pour démontrer que le soupçon a été fondé. Il est bien établi que le soupçon, aussi fort soit-il, ne peut fonder une condamnation. L’allégation relevant du domaine de la suspicion ne peut remettre en cause la validité de la vente du bien, clairement étayée par la pièce jointe 1, et a fortiori la revendication de propriété du requérant.
En ce qui concerne la deuxième allégation, il convient de noter que le défendeur est l’autorité appropriée pour émettre un tel décret. Ayant omis de le faire, le défendeur peut-il se prévaloir de ce manquement pour invalider un contrat par ailleurs licite ? La réponse est évidemment négative. Il est bien connu que «personne ne peut tirer profit de son propre tort» (injuria sua propria).
Sur la base des constatations ci-dessus, la Cour conclut que le requérant a fourni des preuves irréfutables de ses droits de propriété sur Perl Invest. Toutes les tentatives du défendeur pour invalider la vente de Perl Invest échouent. Par conséquent, la Cour estime que le requérant a établi sa propriété et son intérêt dans la société connue sous le nom de Perl Invest. »
Des décisions cavalières rejetées
diawara oumar c. etat de cote d’ivore 2
L’Eléphant a également pu lire avec intérêt, comment l’arrêt rendu par la Cour de la CEDEAO le 22 octobre dernier déconstruit éloquemment la décision de la juge du 5ème cabinet de priver le requérant de la jouissance de ses biens, régulièrement acquis. Extraits :
« Sur la base des faits qui lui sont présentés, la Cour constate que la procédure conduisant à l’extinction des droits du requérant sur le bien est illégale car elle n’est pas à la loi et qu’elle a violé le droit à un procès équitable. Comme analysé précédemment, la Cour a établi que le défendeur a violé le droit à un procès équitable du requérant sur la base de sa contestation d’irrégularités procédurales qui ont eu un impact sur le droit de la défense, le droit de faire appel et le droit à accéder à une cour ou un tribunal impartial.
La violation du principe du procès équitable dans le cadre d’un tribunal, d’une procédure ou d’une décision rend les décisions qui peuvent en découler nulles et non avenues et sans effet. Dans cette optique, les diverses ordonnances des juridictions nationales dépossédant le requérant de son droit sur Perl Invest, étant nulles et non avenues et sans effet, ne peuvent être considérées comme conformes à la loi et donc sur la violation du droit à la propriété des requérants. Par conséquent, la Cour estime que le droit de propriété du requérant a été violé par le défendeur ».
Si la Cour est parvenue à ce verdict, c’est bien parce que l’homme d’affaires, se sentant floué, quatre année après avoir acquis son bien et fait des investissements a soumis une « requête aux fins de violation des droits de l’homme et condamnation en paiement de dommages-intérêts » à la Cour de justice de la Cedeao.
Avec S. Bahi L’Eléphant déchainé 02/11/21