Juste, un petit rappel ! Tout commence, le mercredi 3 novembre 2021, lorsque le Collectif des Docteurs Non-Recrutés de Côte d’Ivoire (CDNR-CI) organise une marche pacifique, dans le but de remettre ses doléances au Président de la République de Côte d’Ivoire, le Docteur Alassane Ouattara, au Palais présidentiel. Par ces doléances et cette démarche, ledit Collectif entend exprimer son ardent et même, légitime désir de voir le Chef de l’État prendre un décret portant recrutement exceptionnel de plus de trois mille (3000) titulaires du DOCTORAT, injustement empêchés d’intégrer l’enseignement supérieur public de leur pays, ou de servir à d’autres postes.
Il n’en fallait pas plus pour que la marche soit réprimée par les forces de l’ordre. Avec des manifestants dispersés à l’aide de gaz lacrymogène. 59 docteurs seront arrêtés, puis relâchés tard dans la nuit, après avoir passé toute la journée à la préfecture de police d’Abidjan, sur la voie d’Abobo. Premier acte. Deux jours après la marche réprimée, c’est-à-dire le 5 novembre 2021, sur instruction du gouvernement, le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, Adama Diawara recevra à son cabinet, le collectif, avec une forte mobilisation des médias voulu par le ministère.
Son collaborateur direct, Soro Mamadou, conseiller technique en charge du dialogue social fait savoir que la rencontre se fera en deux étapes: d’abord, l’analyse de la situation, ensuite, la phase des discussions qui se fera loin des caméras et autres objectif de médias. Le décor est planté dans une ambiance un peu lourde, et pour cause. La parole est s donnée au collectif qui présente par la voix de son porte-parole, docteur Olivier Dally, les motifs de la marche, du mercredi 3 novembre, puis signifie que «seul un décret exceptionnel pourrait résoudre définitivement la question des docteurs non-recrutés».
À la suite du porte-parole du collectif, le ministre Adama Diawara, lui-même analysant la situation, fait un exposé des divergences avant de présenter ses propositions sans, de toute évidence, évoquer le seul point de revendication du collectif, à savoir la prise d’un décret exceptionnel par le Chef de l’État pour l’insertion de tous les Docteurs non-recrutés. Naïf ou de bonne foi, le collectif s’attendait à l’ouverture des discussions pour soutenir ou justifier la nécessité du décret qu’il demande, la séance est levée contre toute attente, juste après l’intervention de monsieur le ministre. Il est le maître des lieux. C’est sa demeure et son département. Point barre.
Ce jour-là, le ministre de l’Enseignement Supérieur fera l’annonce de 450 postes d’assistants disponibles; la réforme du système de recrutement des assistants avec plusieurs innovations notamment la suppression des candidatures et les jurys d’audition multiples, l’épreuve écrite et l’épreuve orale. D’autres propositions, notamment, le passage du concours de l’ENS pour enseigner dans les lycées et collèges, l’enseignement supérieur privé, l’entrepreneuriat, ainsi que l’auto-emploi, sont faites par le ministre…Ce qui ne résonne pas bien dans les oreilles des docteurs victimes du recrutement du ministère. La grogne s’intensifie dans le rang des docteurs non recrutés de Côte d’Ivoire. Les rencontres se multiplient au fur et à mesure que la colère monte au sein du collectif face à ce qu’il qualifie de mépris de la part du ministre de l’enseignement Supérieur.
Provocation et mépris dans une crise de chômage massif, vous avez dit !
Le ministre poursuit ses propositions que le collectif des docteurs non recrutés de Côte d’Ivoire juge insuffisantes, étant donné qu’elles laissent sur le carreau, plus des trois quarts des demandeurs. Entre temps, pour une meilleure gestion du dossier, le collectif décide de procéder à un listing de tous les docteurs, par objectif, sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Le Jeudi 2 décembre, le Collectif rencontre le ministre ADAMA DIAWARA. Au cours de celle-ci, le fichier du recensement des Docteurs non-recrutés et des propositions de sortie de «crise», qu’il a demandés, lui sont remis.
En retour, il promet d’étudier lesdites propositions tout en confrontant le listing au sien afin d’obtenir une liste consolidée de Docteurs non recrutés. Il promet une autre séance les jours à venir. Tout le monde attend. Contre toute attente, le ministre s’illustrera, le 3 décembre 2021 devant le Sénat ivoirien à Yamoussoukro dans une parfaite désacralisation de la toge, symbole de l’enseignement supérieurs et, piétinant du coup, la notoriété de l’Enseignant-Chercheur.
Le ministre, ce jour-là, laissera transparaitre dans sa démonstration devant les sénateurs, que les docteurs ivoiriens sont mal formés et que leurs maitres les forment afin de pouvoir aller au CAMES pour le passage de grade de professeur titulaire. Le ministre Adama DIAWARA venait alors de profaner toute la classe des Enseignants et Chercheurs de Côte d’Ivoire. D’ailleurs qu’il ont perçu comme de l’injure ouvertement et gratuitement prononcer à l’endroit des maîtres qu’ils sont, mais aussi des maitres qui les ont formé et tout le corps des enseignants chercheurs et les chercheurs, même ceux extérieurs de la Côte d’Ivoire impliqués dans le processus d’évaluation des thèses soutenues par les docteurs des universités ivoiriennes. Certainement que le ministre lui-même enseignant-chercheur n’estime pas ses propos graves et sans précédant dans l’histoire de la Côte d’Ivoire et même du continent africain.
Ce qui révoltera davantage les docteurs non recrutés avec l’annonce d’une autre action du collectif pour se rapprocher des bureaux du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara. A la suite des propos du ministre devant le Sénat ivoirien, simultanément, le samedi 11 décembre 2021 à Abidjan et à Bouaké, le collectif décide d’une marche pacifique et une grève illimitée de la faim, le mercredi 22 décembre 2021. À l’effet d’obtenir un décret spécial du chef de l’Etat Ivoirien. «Cette lutte est pour la réhabilitation de l’élite intellectuelle bafouée au profit de la médiocrité honorée…», affirmera-t-il à l’occasion. La ministre de la Fonction Publique Désirée Anne Ouloto tentera une brève médiation, sans succès.
dans l’action de la rencontre du président de la république
Le lundi 21 décembre, le collectif annonce à une conférence de presse, une marche pacifique et l’organisation d’un sit-in accompagné d’une grève de faim à partir du mercredi 22 décembre, et ce, pour la prise d’un décret exceptionnel par le Président de la République de Côte d’Ivoire. Le lendemain, mardi 22 décembre, dans la soirée, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique communique avoir annoncé à son cabinet, aux différents membres du Bureau exécutif national du Collectif des docteurs non recrutés, l’ouverture en février 2022 d’un concours de recrutement des enseignants pour un total de 660 postes à pourvoir, tout en invitant les docteurs «à se départir des supposés manouvres souterraines et à surseoir à toute action de grève». Un message , sinon un peu plus clair, lors de la séance: «Pour moi les grèves et les sit-in, la grève de la faim, pour moi, tout ça, ne sert à rien…Sinon, cela a le don d’énerver, à la fois moi-même, le Président de la République et d’énerver les Ivoiriens. Faites très attention, parce que ce genre de chose peut se retourner contre vous-mêmes. Maintenant, sauf si vous êtes dans une démarche politique.
Si vous êtes dans une démarche politique, on vous traitera en politique. Tant que vous êtes dans la démarche des gens qui cherchent un emploi, vous serez traités comme tels. Mais si vous êtes dans une démarche politique, vous serez traités en politique…C’est l’information que je voulais vous passer ». « Je vous demande de vous préparez pour le concours. Tant qu’on formule des critiques qui sont objectives, moi, je suis preneur…L’heure n’est plus à la polémique. Si vous faites de façon civilisée, on ira de façon civilisée. Si vous faites de façon sauvage, on ira de façon sauvage, aussi simple que cela…il y a 660 postes, faites vos dossiers…».
Le même mardi 22 décembre, aux environs de 20 heures, à la sortie d’un long entretien avec les services du Préfet de la région des Lagunes, le Bureau du Collectif invite, au vu des évènements de la journée, finalement à un rassemblement pacifique d’information, dans l’enceinte de la cathédrale Saint Paul, au Plateau, pour le mercredi 22 décembre 2021.
Arrive, le mercredi 22 décembre, jour de la manifestation qui s’est muée sine die en une rencontre d’échanges à l’effet de nouvelles propositions de démarches visant à transmettre les doléances et propositions au Chef de l’Etat, le Docteur Alassane Ouattara. Mais, auront-ils le temps de se regrouper dans l’amphithéâtre de la Cathédrale Saint Paul du Plateau ? Non ! Un invité se fera fort de dicter la conduite de la réunion d’échanges qui ne le concerne surtout pas. ‘’Le collectif’’ des forces de l’ordre s’empresse de les embarquer pour la préfecture de police d’Abidjan, dans l’illustre commune d’Abobo, dès 7 heures.
Ces docteurs, hommes et femmes, pères et mères de familles, entassés dans des cargos de la police passeront la nuit dans les locaux de la police, couchés à même le sol. Il sont libérés, le jeudi 23 décembre à 14 heures. Ce sont 92 qui bénéficieront de ce beau traitement, simplement, après six ou 10 ans d’études universitaires sanctionnées par le Doctorat. Ils ont osé réclamer à l’Etat, une insertion sociale, qui du reste est un droit de tous les citoyens ivoiriens, comme recommandé par la constitution du pays. Le collectif, le Collectif des docteurs continue en 2022, d’appeler le Président Alassane Ouattara, qui certainement n’ignore pas leur situation…Le discours à la nation du Chef de l’Etat, du vendredi 31 décembre 2021 ouvre-t-il des perspectives en 2022 pour les docteurs, victimes d’un système de recrutement au ministère de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire?
A SUIVRE : les dysfonctionnements et l’opacité dans le système de recrutement; l’accumulation du nombre de docteurs non-recrutés…
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HERVE MAKRE
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