Par l’Express
Amélie Zima, spécialiste de l’Otan, analyse l’invasion russe de l’Ukraine et la mobilisation générale des pays membres de l’Alliance atlantique.
Après quatre jours de guerre, est-il possible d’évaluer le niveau de résistance de l’armée ukrainienne à l’invasion russe ?
Cette armée se trouve pour l’instant en mesure de repousser une offensive qui se fait depuis la Biélorussie, depuis la Russie et la Mer Noire, c’est-à-dire au Nord, à l’Est et au Sud de l’Ukraine. Selon les chiffres rapportés par les autorités ukrainiennes et les agences de presse, les pertes infligées à l’armée russe semblent assez conséquentes et les Russes ne s’attendaient probablement pas à une telle résistance.
C’est la raison pour laquelle de fausses informations se multiplient, comme celle indiquant que le président Zelensky aurait demandé de déposer les armes et de se rendre. Une guerre de l’intox se joue pour détruire cette armée sur le plan psychologique, mais pour l’instant ça ne prend pas du tout : les Ukrainiens restent disciplinés et répondent aux agressions.
À quel point cette bataille psychologique et d’informations se révèle importante dans cette guerre ?
Effectivement, nous sommes dans un contexte de guerre avec de la propagande de part et d’autre. Via les réseaux sociaux, il y a une bataille de l’image avec la création d’icônes et de héros. Il semblerait que les Ukrainiens soient plus efficaces dans cette bataille de la communication. Mais toute information doit être vérifiée.
C’est notamment le cas pour le nombre de décès. Nous n’arrivons pas à avoir de chiffres officiels sur les décès du côté russe. Le ministère ukrainien de la Défense a communiqué le chiffre de 3500 morts russes au terme de la troisième journée de combat. Certains, comme le ministère britannique de la Défense, affirment que l’armée russe se déplacerait avec des crématoriums mobiles et brûlerait les corps des soldats morts pour masquer le nombre réel de victimes dans ses rangs. Selon les chiffres annoncés, il y aurait eu beaucoup moins de pertes militaires du côté ukrainien dans ces premiers jours de combat.
Menace nucléaire entretien avec Benjamin Hautecouverture: « Poutine ne peut pas appuyer seul sur le bouton rouge »
La phrase est tombée comme un couperet : « J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat », a déclaré à la télévision russe Vladimir Poutine, dimanche 27 février. Doit-on prendre cette annonce au sérieux ? Le décryptage de Benjamin Hautecouverture, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste du nucléaire.
Comment faut-il interpréter cette déclaration de Vladimir Poutine ?
Benjamin Hautecouverture : Quand on parle de menace, de quoi parle-ton ? De la conjugaison d’une volonté et d’une capacité. La Russie a-t-elle la capacité, c’est-à-dire une force de dissuasion nucléaire crédible ? Oui. Les Russes disposent d’une « triade stratégique », qui comprend des composantes terrestre, maritime et aérienne, qui ont été considérablement modernisées depuis le début des années 2000, avec, en particulier, les trois quarts de leurs lanceurs terrestres remis à niveau à ce jour. Ils ont des options de frappes graduelles, c’est-à-dire de faible, moyenne et grande puissance. Leur outil dissuasif s’appuie sur un corpus doctrinal et des documents stratégiques.