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En pays Bété et Dida : ‘‘Voici les changements de comportements impulsés par Mgr Robert Atéa pour les funérailles’’ Dr. Charles Koudou

En pays Bété et Dida : ‘‘Voici les changements de comportements impulsés par Mgr Robert Atéa pour les funérailles’’ Dr. Charles Koudou LEDEBATIVOIRIEN.NET

Et la touche salutaire d’un Prélat de sa Sainteté

 
      Les funérailles sont l’ensemble de cérémonies culturelles, religieuses solennelles pour commémorer un décès. Le processus des funérailles commence le jour de l’annonce du décès jusqu’à l’enterrement et même quelques jours après l’enterrement. Les moments les plus attendus des funérailles sont l’intervalle compris entre la semaine avant et la semaine après l’enterrement. Dans les lignes qui suivent je vais relater les faits tels qu’ils se passent sans interprétation personnelle ni exagération. Mais, il y aura la touche de Monseigneur Robert Atéa. 

La pratique des funérailles chez les Bétés et Didas

En Côte d’Ivoire, les bétés et les didas sont considérés comme les rois des funérailles. Tous les weekends, dès vendredi, les gares routières sont remplies en direction de Divo, Lakota, Gagnoa, Guiberoua, Soubré, Issia, Daloa etc. Place Figayo, Ivosep, dans les quartiers, ces gens sont toujours en uniforme, nouveaux modèles de pagnes à l’effigie du défunt, musique avec fanfare, etc. pour dit-on rendre un dernier hommage au défunt. La veille, le Jeudi soir, dans les villes, une veillée est organisée. Les contributions financières sont sollicitées, parfois imposées selon les liens de parentés avec le défunt. Ces contributions financières aident souvent à payer les frais de morgue et quelquefois les frais du corbillard. Malheureusement tout le monde n’a pas la chance de bénéficier de cette petite contribution en ville. Sous le prétexte de venir compatir à la douleur, les funérailles sont l’occasion de retrouvailles pour la plupart des gens soit pour retrouver une ancienne copine, un ancien ami, ancienne compagne, etc. Pendant la maladie, très peu de personnes ou pas du tout, pour apporter assistance, pour se soigner, payer les médicaments, les traitements médicaux, et le suivi. Dès sa mort, on trouve rapidement de l’argent pour le placer à la morgue puis suivent les funérailles grandioses. Dans cette région de la Côte d’Ivoire, la solidarité commence véritablement après la mort et elle est très vite tournée en scène d’escroquerie, d’arnaque, de marmaille. C’est surtout dans les villages que les pratiques des funérailles prennent une autre allure. Le corbillard prend la direction du village du défunt accompagné par les proches parents, amis, et collègues. Ici commencent les choses beaucoup plus sérieuses. L’orphelin, la veuve ou le veuf doit payer de l’argent pour se faire raser la tête (veuvage, orphelinage).
Les repas servis doivent être riches en morceaux de viandes ou de poissons chers. Pareille situation quand le moment des bénédictions arrive. Il faut payer de l’argent spécialement pour dit-on être béni par ces “parents” qui sont venus pour les funérailles. Certes, vous ne serez pas mis en prison pour n’avoir pas payer pour ceci ou pour cela. Cependant, vous avez l’obligation morale vis-à-vis de tout le monde de payer pour éviter les critiques, moqueries, ou même les malédictions.

Il y a d’abord la phase de pré-funérailles

Il faut aller annoncer le décès dans la famille, bien souvent au village. On n’y va pas les mains ni les poches vides. Pour y aller, il faut faire des achats pour faire la cuisine. Oui, celles ou ceux qui sont venus annoncer la nouvelle du décès doivent offrir les condiments pour les repas ainsi que les boissons. Ces boissons sont remises aux parents du village avant qu’on ne leur demande les nouvelles. C’est à eux la responsabilité de préparer à manger pour tous ceux qui viennent assister à la rencontre. Il y a des questions auxquelles il faut répondre, des sacrifices et des libations à faire. Cela dure environ une semaine. Après quoi, on discute franchement de la date des funérailles proprement dites. Les envoyés peuvent alors retourner dans leurs familles respectives pendant que certaines femmes, tantes, cousines, plus proches du défunt ne retournent pas de sitôt. Elles préfèrent être là pour attendre l’arrivée du corps du défunt. Pendant tout ce temps qu’elles sont là, vous devrez payer leurs nourritures et leurs boissons, les entretenir au quotidien, ça c’est l’étape, des pré-funérailles.

Caractéristiques particulières

De manière spécifique, les funérailles Bétés et Didas tournent souvent en des occasions de concurrence entre familles, entre enfants, entre parents, entre villages. Les pagnes kitas, les liqueurs de boisson, les bières, les vins, les gins, les pastis, le rhume, le whisky, les sacs de riz, des bœufs, des moutons, du manioc, des bananes, suffisamment de nourriture, beaucoup de nourriture c’est synonyme de funérailles réussies. Les gens viennent de partout pour compatir à la douleur qui frappe la famille éplorée. Pendant qu’elles pleurent, certaines personnes, surtout les femmes, chantent et prononcent des paroles émouvantes sur la vie du défunt et surtout sur le vide qu’il va laisser, à savoir l’héritage.  Elles ne pleurent pas vraiment pour les enfants laissés. Tantôt c’est la veuve tantôt c’est le veuf qu’on accuse d’avoir tué leur fils ou leur sœur par empoisonnement ou par sorcellerie le plus souvent. Ces personnes qui pleurent font des acrobaties, s’arrachent les cheveux, etc. un véritable folklore. Les proches du défunt se rasent le crâne pendant la période du deuil et on porte des tenues noires pour marquer sa compassion. Dans la tradition bété et dida, c’est un devoir d’honorer la mémoire d’un défunt. Autre point important dans la tradition bété et dida le mort ne doit pas être enterré aussitôt après son décès. L’enterrer aussitôt est mal perçu car synonyme de manque de considération et signe de pauvreté. Il doit être à la morgue pour au moins deux mois, le temps des préparatifs des funérailles. Des fois, cette période n’est pas suffisante. Le garder au-delà d’un an est aussi synonyme de manque de moyens ou pour d’autres facteurs tels que personne ne veut en prendre la responsabilité directe pour diverses raisons, etc. On peut l’interpréter comme quoi le défunt était un sorcier ou un homme très méchant par exemple. Vous apprendrez qu’en plus des dépenses directes que vous effectuez, vous devez en ajouter d’autres dépenses annexes. Par exemple vous devez offrir des pagnes kitas, des pagnes adingras, des pagnes made in Côte d’Ivoire, des cabris, des casiers de bière au nom d’une alliance tissée entre deux villages, le village où la défunte s’est mariée et son village d’origine.
Enfin dans cette partie du pays, celui ou celle qui perd un être cher trouve que c’est un devoir pour quiconque lui est proche de lui donner de l’argent. Si vous ne lui donnez pas de l’argent il conclura que vous n’avez pas compati à sa douleur et il pourra même ne plus vous parler. Exemple ‘‘A’’ et ‘‘B’’ sont des amis. ‘‘A’’ perd son papa. ‘‘B’’ ne l’approche pas pour lui adresser ses condoléances ni ne lui donne surtout pas d’argent. ‘‘A’’ mettra fin à leur relation immédiatement. Les funérailles tournent autour de racket, d’escroqueries.

 Les conséquences des funérailles

L’organisation des funérailles en pays bété et dida a un coût que les proches parents doivent supporter, notamment le mari veuf ou la femme veuve ou les enfants. Si tu es l’aîné de la famille, tout se repose sur toi: les critiques, les sollicitations, les questions, les demandes d’argent, etc. Toutes les personnes qui viennent pour compatir à la douleur ne participent pas à proprement parler aux charges financières des funérailles telles que, le cercueil qui doit être cher, les pagnes kitas qu’on doit enterrer avec le défunt, des bijoux de valeur, des pagnes, tout cela pour montrer à quel point on aime le défunt en le prouvant aux visiteurs. Il faut nourrir, payer le transport et même donner de l’argent de poche à certaines personnes qui viennent aux funérailles. Ces personnes vous demandent de payer leur frais de transport.Ces gens s’en fichent que vous ayez dépensé beaucoup d’argent. Pour eux c’est votre devoir de leur partager l’argent malgré les dépenses que vous avez effectuées. Très vite, les funérailles deviennent l’objet de racket, de marmaille, d’escroquerie.
Après avoir effectué toutes les dépenses, viennent le moment pour chacun et chacune des parents venus aux funérailles de dresser la liste des dépenses extra que vous devrez effectuer. Exemple côté maman ou papa du défunt ou de la défunte: les tantes, les sœurs, les enfants, les neveux, les cousins, les oncles tous, vous devez leur donner de l’argent. Oui vous devez leur donner de l’argent en plus qu’ils aient tout pris chez le défunt ou la défunte sous prétexte que c’est leur frère, ou sœur, etc. Après les funérailles, la veuve se retrouve pauvre et seule avec ses enfants, pareil pour le mari, ou les enfants si c’est maman ou papa qui est décédé. Ils et surtout elles vont prendre tout ce qui se trouve dans la maison: ustensiles de cuisine, bijoux, pagnes, vélos, les plantations, motos, voitures, même la maison car pour eux c’est un droit de récupérer tout ce que le ou la défunte a laissé comme bien. La présence et l’avenir des enfants du défunt ou de la défunte ne les intéressent pas.

 Que deviennent les cimetières dans cela?

Les cimetières construits avec des milliers, voire des millions de francs tombent très vite aux oubliettes. Quelques rares fois, certaines personnes surtout les femmes font un tour rapide au cimetière de leurs proches le plus souvent à l’occasion de la fête aux morts dans le mois de Novembre à l’occasion de  la fête de Toussaint ou à l’occasion de l’enterrement d’un nouvel corps. Mais de manière générale, les cimetières ne sont pas entretenus en pays Bété et Dida. Alors à quoi a servi tout ce folklore?

 Conclusion

En pays bété et didas, l’on accorde plus d’importance au décès qu’au malade. On se dit qu’on ne verra plus le mort donc il faut manifester suffisamment notre attachement, notre considération à travers des manifestations, des rituels qui dépassent parfois le bon sens. L’intention de départ n’était pas mauvaise en soi mais avec le temps il y a eu trop d’abus dans le système d’organisation des funérailles. Celles-ci tournent le plus souvent en lieu de retrouvailles entre amis et parents mais aussi en occasions de racketter les veuves, les orphelins, et les veufs. Ces pratiques qui persistent au nom d’une certaine tradition ou solidarité culturelle doivent cesser ou au mieux doivent y être extirpés, tous les aspects négatifs dont par exemple remplir le cercueil des pagnes kitas et bijoux de valeurs, chaussures. Il faut également cesser d’appauvrir les veuves, les veufs, les enfants orphelins en les rackettant au maximum en plus des dépenses exorbitantes. Ces pratiques ont donc des effets néfastes et j’interpelle ici l’Etat de Côte d’Ivoire pour y voir de près en prenant des mesures rigoureuses dans ce sens. Aucun ressortissant de ces régions du pays n’ose en parler publiquement faute d’y perdre sa vie, c’est aussi cela l’autre côté de nos traditions en Afrique. Tout le monde reconnaît que ce n’est pas bon mais personne n’ose en parler au nom des valeurs ancestrales en Afrique.  

Mgr Robert Atéa a impulsé quelques changements

Grâce à Monseigneur Robert Atéa (l’un des premiers prêtres ivoiriens fils de la région du Goh connu pour sa proximité avec les fidèles sous l’appellation de ‘‘Téa Labbé’’, facilitant l’appellation ‘‘l’Abbé Atéa’’), prêtre de la région à l’époque avait initié des actions dont ci-dessous quelques-unes. Il avait estimé qu’il y avait beaucoup de pratiques inutiles et même nuisibles et avait donc commencé à impulser quelques changements. Malheureusement, étant malade et mort par la suite, il n’a pu achever l’immense travail qu’il avait commencé. Ci-dessous quelques changements introduits: 1-La dépouille de la défunte n’est plus transférée dans son village d’origine. La défunte doit être enterrée dans le village de son mari si elle est encore mariée à son époux de son vivant bien attendu. A l’époque c’était la bagarre sur le choix du lieu de l’enterrement entre les parents de la défunte et ses beaux parents 2-Les funérailles que je qualifierais de funérailles du quarantième jour sont abolies. A l’époque ces cérémonies pouvaient avoir lieu même un an après l’enterrement. C’était également l’occasion pour demander encore de l’argent pour n’avoir pas enterré dignement tel ou tel par exemple par le passé. Cette étape est abolie grâce à l’Abbé Robert Atéa. Aujourd’hui, tout le monde se sépare le lendemain après l’enterrement, sauf quelques membres proches de la famille peuvent encore traîner les pas.
3-On ne se cogne plus la tête contre les murs ou contre les arbres comme par le passé 4-On ne se gratte plus le visage 5-On ne se roule plus à terre en règle générale 6-On ne cause  plus de misères  à la veuve comme par le passé… Autant d’avancées obtenues grâce  aux bons  offices du Prélat de sa Sainteté, Mgr Robert ATEA, Ex-Vicaire Général de l`Archidiocèse de Gagnoa décédé, le vendredi 25 septembre 2009 à Gagnoa, après 50 ans au service de Dieu. Et de son peuple. Hommages et bénédictions à lui. Vivement que ces pratiques actuelles soient revues et améliorées pour le bien-être des populations, car elles deviennent plus nuisibles qu’utiles au pays bété et dida. A nous revoir. Merci. Dr. Charles Koudou, Administrateur de la Santé, Consultant Indépendant en Santé et Développement,  Fondateur de la Société Civile Conscience Nationale pour le Développement.» ledebativoirien.net
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