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Crise  universitaire en Côte d’ivoire: le Programme ‘‘5 universités en 5 ans’’ n’était pas de trop-l’Enseignement Supérieur une priorité?

 

L’évolution et la situation du système universitaire, toujours une  préoccupation en Côte d’Ivoire.  Des observateurs, par des analyses peignent l’environnement et énoncent quelques pistes conduisant  à une meilleure appréciation de la réalité dans l’Enseignement supérieur en Côte d’Ivoire.  

Certainement que le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, Professeur Adama Diawara, face aux internautes dans le talk-show, ce jeudi 15 septembre 2022, saisira l’occasion  pour éclairer mieux, l’opinion sur cette perception de l’enseignement supérieur ivoirien. En attendant, Ledebativoirien.net  propose les analyses de quelques observateurs sur cette situation.

 

Pourquoi l’enseignement supérieur n’a jamais vraiment été une priorité en Côte d’Ivoire

« De 1960 à 1990, c’est-à-dire pendant trente ans, en dehors des grandes écoles publiques de Yamoussoukro, la Côte d’Ivoire n’avait qu’une seule université publique, l’Université de Cocody aujourd’hui Université Félix Houphouët-Boigny, créé en 1963 pour accueillir 6000  étudiants. La décennie 1991-2000, est celle qui a vu la naissance du plus grand nombre de structures d’enseignement supérieures publiques. L’université de Bouaké créée en 1992 devenue depuis l’université Alassane Ouattara.

L’année 1996, a vu la création de l’université d’Abobo-Adjamé devenue aujourd’hui Université Nangui Abrogoua et les URES (Université Régionale d’Enseignement Supérieur) de Daloa et de Korhogo. Il a fallu attendre ensuite l’année 2016, soit  20 ans après, pour voir la construction de l’Université de Man, qui est censée accueillir à terme 3 000 étudiants.

Les dernières-nées des universités sont celles de San-Pédro en 2021, construite aussi pour accueillir, in fine, 3 000 étudiants et celle d’Agboville. Mais les capacités d’accueil actuelles de ces deux universités, qui ressemblent davantage à des URES, sont très faibles.

Dans un pays qui a en moyenne 60 000 bacheliers par an depuis au moins 10 ans, les nombreuses grandes écoles boutiques qui ont fleuri sur la période 2000-2020, ne suffisent pas pour combler le déficit important en structures d’enseignement  supérieures de qualité.

Nos universités publiques sont dépassées depuis au moins une vingtaine d’années.

A cela s’ajoute des curricula de formation hérités de la colonisation, et qui n’ont jamais vraiment été adaptés aux normes de qualité internationales et aux besoins de développement du pays, dans un monde concurrentiel et en perpétuelle mutation.

Dans l’Enseignent Supérieur Ivoirien, presque tout est à faire. Les universités actuelles sont très largement insuffisantes. Le niveau de formation laisse largement à désirer avec un nombre insignifiant de Docteurs pour assurer la formation des étudiants dont le nombre ne cesse de croître d’année en année. Pourtant de 2012 à 2022, le Système Éducation-Formation ivoirien a formé 3 000 Docteurs pour le Chômage. Quel paradoxe !

Le matériel logistique et didactique pour garantir une formation de qualité, dans nos structures d’enseignement supérieur est soit vieillissant, soit inexistant. Les 3/4 des grandes écoles privées ne remplissent pas les critères de compétence et de performance requis si bien que ces structures devraient être fermées.

Il est donc temps, grand temps, que nos décideurs comprennent que l’Education ce n’est pas seulement l’Enseignement primaire ou secondaire, où il y a d’ailleurs beaucoup à faire, malgré les efforts déjà consentis. Le développement durable d’un pays procède d’une vision programmatique, qui repose-t-elle même sur le développement d’un capital humain de pointe.

Nous rêvons d’un pays où les décideurs, penseront moins à détourner les deniers publiques, pour envoyer leur progéniture se faire former en Europe, En Amérique ou en Asie. Mais travaillerons plus à créer chez nous, des conditions sociales profitables au plus grand nombre d’ivoiriens.

LE RYTHME DE LA CONSTRUCTION DES UNIVERSITÉS NE SUIT PAS L’ÉVOLUTION CROISSANTE DES ÉTUDIANTS

« Ce n’est pas normal que le gouvernement ne puisse pas avoir la capacité d’absorber au moins 70% des nouveaux étudiants ivoiriens. Et pourtant même pour un pays sans statistique générale, la prévision est facile à faire dans le domaine de l’éducation. Car l’Etat sait combien d’élèves sont au CP1 actuellement, combien sont au CM2, en troisième et en terminale. Alors pourquoi chaque année, on doit toujours les gérer de façon exceptionnelle et aléatoire comme si c’était une surprise ?

Nous devons normalement avoir des universités qui naissent chaque année jusqu’à atteindre la saturation. C’est ainsi que les pays qui ont rendu l’école publique et obligatoire ont procédé. La France par exemple a construit 80% de ses universités entre 1945 et 1970, soit plus de 50 universités en moins de 30 ans.

C’est pareil aujourd’hui pour la Chine qui en construit des dizaines par an. En Corée du Sud, nous avons plus de 550  universités, dont plus de 200 universités publiques, pour une superficie de 100 210 Km2. En Côte d’Ivoire, nous sommes à 8 universités publiques pour 322 462 Km2 et une pléthore de grandes écoles boutiques.

Dans notre pays, nous avons observé de 2010 à 2020, soit en 10 années, la naissance d’une seule université neuve (Man) avec une capacité de moins de 500 étudiants. Donc 10 années pour un pays qui a en moyenne plus de 60 mille bacheliers par an soit plus de 600 mille bacheliers sur ces 10 ans pour une université de 500 places.

Lorsqu’on considère la période allant de l’an 2000 à aujourd’hui, ça donne deux universités neuves San Pedro et Man avec une capacité respective de 300 et 500 étudiants. Donc même pas une capacité de 1000 places créées pour environ 2 millions de bacheliers sur cette même période.

C’est une honte pour la Côte d’Ivoire et chaque année on assiste à cela sans qu’aucune mesure urgente et vigoureuse ne soit prise dans ce domaine-là. Nous pensons que ce problème doit être l’affaire de tous. Et non pas une question purement politique pour dire que celui-ci a fait ça ou celui-là n’a rien fait.

Dans une République moderne et modèle, l’école est une institution. Si nous le voulons, nous le pouvons, Il n’est pas trop tard pour bien faire les choses.

La France n’a pas construit 50 universités en moins de 30 ans, parce qu’elle avait beaucoup d’argent. Mais parce que c’était le besoin du moment car l’école avait été rendue obligatoire et libre d’accès après la seconde guerre mondiale. La France pouvait dire qu’elle avait d’autres priorités après la seconde guerre mondiale, et c’était légitime. Mais elle savait que la formation, était la priorité des priorités, si elle voulait faire face aux défis nouveaux.

Elle savait qu’elle aurait donc beaucoup d’étudiants à gérer et a pris des mesures exceptionnelles. Cela fait maintenant plus de 30 ans qu’aucune université n’est née en France parce qu’elle a atteint la saturation. Si bien qu’elle accueille en plus, les étudiants des autres pays pour atteindre sa capacité maximale qui est au-delà de ses étudiants. Aujourd’hui elle crée des écoles de formations spécialisées pour répondre à la demande d’emplois du moment ou du futur.

Au regard de ce qui précédé, le programme 5 universités en 5 ans n’était pas du tout de trop. Dommage qu’il ne fut pas respecté. La Côte d’Ivoire gagne en moyenne 4000 milliards par an, soit plus de 40 mille milliards sur ces 12 dernières années ou plus de 70 mille milliards ces 20 dernières années. Donc avec toute cette somme nous n’avons pas pu faire des universités alors que la jeunesse représente 80 % de la population.

Logiquement la jeunesse devrait avoir la moitié de cet argent et comme la priorité des jeunes est la formation on aurait dû ressentir cela dans la construction des universités. Nous invitons nos dirigeants à répondre davantage à ce problème, parce que ce qui a été fait est certes appréciable, mais cela reste largement insuffisant pour assurer le développement durable d’un pays comme la Côte d’Ivoire.

Aujourd’hui on sait combien d’enfants sont au CP1 et au CM2. Demain nous devons être capables de savoir, combien on aura en terminale et à l’université. Donc prenons les mesures nécessaires dès maintenant. «Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple » (Georges Jacques Danton).

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