Cette enquête sur une mafia à Abidjan proposée par ledebativoirien.net est conduite de bout en bout par le journaliste Noel Konan, membre du consortium international de journalistes qui a révélé le scandale du Pandora Papers dévoilant la présence du premier ministre ivoirien, Patrick Achi dans des paradis fiscaux. Il monte une fois encore en haute au large des lagunes ébrié. Embarquez pour les berges lagunaires!
Le remblayage, une activité bien encadrée par la loi
En principe, le remblayage est l’action de remblayer, c’est-à-dire de rapporter une masse de matières pour élever un terrain ou combler un creux. En Côte d’Ivoire, cette opération est encadrée par le décret n°2019-591 du 3 juillet 2019 relatif au remblayage, aux aménagements par endiguement, enrochement des rivages de la mer et des voies d’eau intérieures. Le remblayage, selon ce texte réglementaire, est interdit.
«Les interdictions prévues aux articles 2 et 3 qui précèdent ne s’appliquent pas aux remblayages, endiguements, enrochements ou aux autres types de travaux susceptibles de modifier l’aspect naturel des rivages de la mer et des voies d’eau intérieures, lorsque lesdites opérations sont réalisées par l’Etat, ses démembrements ou par toute personne morale de droit privé bénéficiaire d’une concession de service public pour des motifs d’intérêt général, notamment : la réalisation de travaux ou d’ouvrages publics ; la protection de l’environnement ; l’aménagement ou la réhabilitation des rivages », explique cette disposition réglementaire.
En outre, cette dérogation n’est possible qu’après une autorisation d’exploitation du domaine public maritime ou fluvio-lagunaire, accordée par l’Autorité maritime administrative, à la suite d’une enquête publique. « Nulle personne
En somme, l’autorisation accordée par le ministre chargé des Affaires maritimes et portuaires doit être précédée d’une enquête de commodo et incommodo et sur avis de la Commission d’autorisation. L’enquête est publique et elle vise à informer, à recueillir les avis et oppositions auprès des populations. Le remblayage partiel de la baie de Biétry et de Vridi, par la société Jade Invest a-t-il été effectué conformément à ce cadre règlementaire ?
Le deal entre les dirigeants du port, le chef d’Abia Gnambo et Jade Invest
L’on découvre aisément, après lecture de la décision rendue par le juge des référés, suite à sa saisine par la Société ivoirienne de raffinage (SIR), dans le cadre d’un litige qui l’a opposé à la société Jade Invest et Gnagne Nimba Richard, le chef de ladite communauté, que le PAA, en prélude à l’extension de la zone portuaire et après négociation avec ladite communauté, a cédé à celle-ci, une partie de la baie de Biétry et de Vridi.
Et ce, en compensation de l’occupation de la zone allant à «Zimbabwé», un quartier précaire de la commune de Port-Bouët, au barrage de la Sir (sic). Un arrangement qui interroge à plus d’un titre. Le décret n°98-151 du 25 mars 1998 portant délimitation des zones d’extension du port autonome d’Abidjan à Locodjro, Ile Boulay et au cordon Littoral et le décret n°2001-143 du 14 mars 2001 portant approbation des statuts du Port Autonome d’Abidjan et reclassification des immobilisations concédées incluent-elles la partie cédée par les dirigeants de la société d’Etat, dans le domaine portuaire?
Les dirigeants de la société portuaire sont-ils compétents pour céder le domaine public lagunaire à une communauté villageoise, sachant que le domaine public est incessible, inaliénable et imprescriptible ? Suite à cette « cession à titre de compensation », Gnagne Nimba Richard, le chef de village d’alors, va solliciter la société Jade Invest-derrière laquelle se cache le groupe Carré d’Or, son financier- afin d’effectuer le remblai d’une zone de 32 hectares, via un contrat de remblayage.
Ainsi, le 19 octobre 2015, sollicite-t-il, au nom de la communauté villageoise, un Arrêté de concession définitive(ACD) auprès du service du Guichet unique du foncier et de l’habitat, enregistrée sous le n° ACDHAOC4-002-201500000489. Le 21 octobre 2015, l’Attestation domaniale n°15017/MCLAU/DGUF/DDU/COD-AO/DT/BK est délivrée à la collectivité villageoise sur ladite parcelle de terrain. Le 6 novembre 2015, le plan du titre foncier n° 202121 de la circonscription foncière de Port-Bouët est délivré par le Géomètre assermenté du Cadastre. Et enfin, le 06 janvier 2016, Mamadou Sanogo, le ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme d’alors signe l’arrêté n°16-0072/MCLAU/DGUF/DOU/COD-AQ/KAM pour accorder la concession définitive de la parcelle de terrain d’une superficie de 352.979 m², sise à Port-Bouët, à la collectivité villageoise de Petit Bassam.
Un terrain à usage d’habitation curieusement vendu à des opérateurs économiques !
« La concession définitive, objet du titre foncier n° 202.121 de Port-Bouët, accordée à la Collectivité villageoise de Petit Bassam suivant Arrêté n°16-0072/MCLAU/DGUF/DDU/COD-AO/KAM est frappée, à compter de la date de signature, des clauses restrictives suivantes :
1) Commencer les travaux de construction dans un délai de (12) mois ; 2) réaliser entièrement la mise en valeur du terrain en cause par l’édification de bâtiments en matériaux définitifs à usage d’habitation dans un délai de cinq (05) ans (…) », précise ce texte.
Le site remblayé vendu à des sociétés privées et à des particuliers
Après le morcellement du site de 35 hectares en plusieurs titres fonciers, des entreprises privées et des particuliers vont acquérir à des prix exorbitants les parcelles de terrain morcelées. Fait troublant, le groupe Carré d’Or de la famille Ezzedine, s’est curieusement, taillé la part du lion. En effet, deux entreprises dudit groupe, à savoir la Société de distribution de toutes marchandises Côte d’Ivoire (SDTM-CI) attributaire du lot 2, objet du titre foncier n° 203 712 et Global manutention Côte d’Ivoire (GMCI) attributaire du lot 12, objet du titre foncier n° 209 063 ont respectivement obtenu des superficies de 14 hectares 5 ares 6 centiares et 1 hectare 67 ares 19 centiares, soit un total de 15 hectares 72 ares 25 centiares.
Cette dernière a, à son tour, réalisé le 2 juin 2017, une hypothèque conventionnelle de 11 300 000 000 (onze milliards trois cent millions) FCFA au profit de la Société ivoirienne de banque (SIB). Une véritable spéculation sur un terrain destiné à l’usage exclusif d’habitation. Mais ce n’est pas tout !
Qui sont les autres acquéreurs des parcelles ?
Outres ces sociétés de la famille Ezzedine, d’autres entreprises, sociétés civiles immobilières et des particuliers ont également acquis des terrains. C’est le cas de la Compagnie ivoirienne de coton (CIC), la Société de transformation de noix de cajou (STNC), la société Ivory Diamond Cement (IDC), la société Bondoukou Manganèse et IPF. La première société est détentrice d’un terrain d’une superficie de 40 000 m² formant le lot 3, objet du titre foncier n° 203 711, suivant acte de morcellement-vente rédigé par le même notaire, Me Ouattara Mamadou les 17 juin 2016 et 03 juillet 2016, publié au livre foncier à la date du 7 septembre 2016. Le certificat de mutation de propriété foncière n° 201603168 a été lui établit par la suite le 9 septembre 2016, au profit de de la Compagnie ivoirienne de coton (COIC).
En ce qui concerne la troisième société, Ivory Diamond Cement (IDC), elle est propriétaire du lot 14, objet du titre foncier n° 208 919 d’une contenance de 14 765 m². La société Bondoukou Manganèse a été attributaire d’un terrain d’une superficie de 5 612 m² sur le titre foncier n° 210 607. Enfin la société IPF a acquis une parcelle de terrain d’une superficie de 38 952 m² sur le titre foncier n°204 481.
Parmi les acquéreurs, il y a également plusieurs sociétés civiles immobilières. On peut citer entre autres la Sci Kama détenant des superficies de 20 000 m² et 807 m², objet des titres foncier n° 207 017 et n° 207 500, la sci Tropical, propriétaire d’une parcelle de terrain de 20 001 m² formant le lot 8, objet du titre foncier n° 205166, la sci le Grand
En ce qui concerne les personnes physiques, on peut citer Cissé Namizata, propriétaire d’une parcelle de terrain d’une superficie de 2 000 m² formant le lot 16, objet du titre foncier n° 208 918, Dosso Golé qui a acquis 1 699 m² sur le titre foncier n° 212 484 et Mariamou Fofana qui possède 1 000 m² de terrain sur le titre foncier n°212 485. Aujourd’hui, sur le site de la communauté villageoise, plutôt que des bâtiments à usage d’habitation construits, ce sont des entrepôts, à perte de vue, qui ont été réalisés par la plupart des acquéreurs… A SUIVRE 2ème partie / Remblayages illicites des baies lagunaires dans le district d’Abidjan -Le ministre Koné Bruno, ‘’complice’’ ? -Le Dr du Domaine portuaire, propriétaire d’une SCI…
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Texte de NOËL KONAN