Le bras de fer entre Abidjan et Bamako vu par le journaliste ivoirien Ferro Bally dont l’analyse force l’admiration selon des observateurs parce que mettant en parallèle les pratiques des pouvoirs ivoiriens et maliens dans un paysage politique ouest africain. Voici son analyse du jour.
AU PIED DU MUR
« Hasard du calendrier ou agencement bien planifié!? Alassane Ouattara éteindra, à Rome, le 20è anniversaire de la rébellion armée, que conduisait Soro Kigbafori Guillaume (aujourd’hui banni) et qui avait pris fait et cause pour lui.
En effet, alors que Laurent Gbagbo attendait, dans cette Ville éternelle, d’être reçu, le 20 septembre 2002 par le pape Jean-Paul II, le pays était attaqué, dans la nuit du 18 au 19 septembre, dans une tentative avortée de renversement du régime.
20 ans exactement après cet épisode, Alassane Ouattara suivra presque le même programme que son prédécesseur: audiences avec le pape François et les autorités italiennes. A l’instar de la sortie de Gbagbo dans une atmosphère politique nationale assez tendue, cette visite officielle de Ouattara se passe dans un contexte de crise juridico-diplomatique avec un pays voisin, le Mali, qui tourne à l’épreuve de force.
Le 14 septembre, avant de prendre l’avion pour Rome, Ouattara a tapé du poing sur la table. Les autorités militaires maliennes, qui détiennent, depuis le 10 juillet 2022, désormais 46 militaires ivoiriens poursuivis pour « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État », attendent du gouvernement ivoirien l’extradition d’opposants maliens basés en Côte d’Ivoire.
Ouattara, au bord du syndrome d’Hubris, n’entend rien lâcher. Il compte désormais sur la Cedeao pour imposer de nouvelles sanctions contre le Mali et réussir là où le secrétaire général de l’Onu et le président en exercice de l’Union africaine ont, notamment, échoué: le retour des soldats qualifiés d’otages.
Mais il se trouve au pied du mur. A la fin de la guerre post-électorale (décembre 2010-avril 2011), non seulement le couple Gbagbo a été arrêté, mais Ouattara a lancé une chasse à l’homme avec plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre ses opposants dont certains ont été exécutés.
Ahoua Don Mello a échappé, le 12 juin 2014, à l’arrestation à l’aéroport de Douala (Cameroun). Moïse Lida Kouassi, le 6 juin 2012 à Lomé (Togo), Charles Blé Goudé, le 17 janvier 2013 à Tema (Ghana), le commandant Jean-Noël Abéhi et Jean-Yves Dibopieu, le 4 février 2013 à Accra (Ghana), ont été arrêtés manu militari et extradés en Côte d’Ivoire.
Même le commandant Séka Yapo Anselme, plus connu sous le nom de Séka Séka, ex-aide de camp de Mme Simone Ehivet-Gbagbo, n’a pas échappé au coup de filet. Le 15 octobre 2011 et trahi, il a été arrêté à l’aéroport international d’Abidjan à bord d’un avion en transit entre Accra et Conakry.
Le régime ivoirien fait désormais la sourde oreille et n’entend point faire bénéficier aux autorités maliennes cette mesure dont il a profité pour mettre sous l’éteignoir ses plus farouches adversaires. Et le séjour carcéral des militaires ivoiriens hélas! se poursuit depuis plus de deux mois.
En outre, si Ouattara, en tant que chef suprême des armées, remue ciel et terre pour obtenir la libération des commandos ivoiriens au Mali, depuis son retour définitif au pays, le 17 juin 2021, Laurent Gbagbo ne cesse, à son tour, de dénoncer une situation ubuesque.
Toutes les autorités politiques de la guerre post-électorale sont libres. Sans compter qu’aucun chef de corps des Forces de défense et de sécurité (FDS) – les généraux Philippe Mangou (chef d’état-major des Armées), Tiapé Kassaraté Édouard (commandant supérieur de la gendarmerie) et Brédou M’Bia (directeur général de la police) – n’a été inquiété.
Laurent Gbagbo lui-même en tant que chef suprême des Armées, a été acquitté, le 31 mars 2021, à la CPI de toutes les charges. Le 6 août 2022, à Abidjan, Ouattara lui a aussi accordé la grâce présidentielle.
Mais des militaires, dont certains sans jugement, qui exécutaient ses ordres et ceux de la hiérarchie, ont perdu leur liberté et vivent le jeu du chat et de la souris. Certains sont libérés au compte-goutte. D’autres sont encore et toujours aux arrêts. Et depuis plus de dix ans, ils sont détenus comme des otages du régime».
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Texte F. M. Bally
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