«La justice change les plans de Vincent Bolloré mais pas son départ d’Afrique »
MANAGEMENT OPAQUE DU BIG BUSINESS EN AFRIQUE
L’absence d’anticipation des dirigeants africains dans la chaîne de valeur «logistique en Afrique » a conduit à des performances logistiques africaines non optimales. Le problème est que cela ne profite pas aux Peuples africains. Les impôts, taxes et redevances divers qui « rentrent » dans les caisses de l’Etat sont souvent sous-évalués, quand ils « rentrent » …
C’est dans cet environnement du management de certains dirigeants africains que Vincent Bolloré a réussi, en 30 ans environ, à bâtir une partie de son empire en Afrique. Il en a profité pour réinvestir en France, voire à contrôler des groupes français, naïfs sur l’agressivité managériale développée avec succès en Afrique par certains opérateurs dans le secteur du transport-logistique. Bolloré demeure un actionnaire principal de plusieurs sociétés agissant en Afrique, connues et moins connues (plantations, entrepôts, Hubs routiers et ferroviaires, communication, édition, etc.) Seules les concessions portuaires pourraient en apparence disparaître de cette liste, même si personne ne sait si une partie des sommes récoltées dans l’opération de vente de Bolloré Africa Logistics ne sera pas réinvestie en actions directement ou indirectement dans MSC ou ses démembrements.
Au-delà du flair et de l’agilité de Vincent Bolloré, le PDG du Groupe Bolloré, c’est aussi la pression judiciaire qui l’a conduit, par anticipation, à conclure la vente d’une partie de « lui-même » en Afrique, à savoir sa société « Bolloré Africa Logistics » à un « concurrent » ami, la société italo-suisse MSC. La gestion familiale opaque de MSC ressemble, à s’y méprendre, à sa conception du « Big Business en Afrique », non sans influence des dirigeants africains, frileux en termes d’exposition publique de leurs affaires et n’utilisant la concurrence que pour satisfaire des intérêts bien éloignés des intérêts du Peuple africain.
LOGISTIQUE EN AFRIQUE : MANAGEMENT FAMILIAL OCCIDENTAL FACE AU MANAGEMENT DE LA FACILITÉ DES RICHES AFRICAINS LIÉS AU POUVOIR EN PLACE
Face à l’impossible évitement de la comparution devant un tribunal correctionnel en France, Vincent Bolloré, breton de France, vient démontrer son sens aigu de l’agilité en management international. Tous les actifs de la société Bolloré Africa Logistics viennent officiellement d’être vendus à l’armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC1) pour 6,3 milliards d’Euros, dont 5 milliards d’Euros net pour le Groupe Bolloré. Gianluigi Aponte, le père, est le fondateur de MSC. C’est son fils Diego Aponte qui gère le groupe depuis 2014 et a une réputation de ne jamais publier de chiffres sur ses activités et encore moins sur ses résultats.
Il ne s’agit nullement d’un désengagement d’Afrique de Vincent Bolloré, 17è fortune de France en 2021, mais plus d’une anticipation intelligente pour anticiper les conséquences de difficultés judiciaires en France, liées à son procès dit du «plaider coupable» dans une affaire de corruption de chef d’Etat au Togo.
Mais pourquoi autant de précipitation ? Un besoin de transmission du vivant à ses ayants-droits (enfants) peu disposés à continuer dans un style de management opaque et basé sur des relations personnelles avec des dirigeants africains autocrates et peu respectueux des droits humains, des droits des peuples et instituant l’impunité des crimes en général, les crimes économiques en particulier ?
Une partie de la réponse pourrait être trouvée au cours du procès en correctionnelle en France pour corruption au Togo s’il a lieu. La gravité des faits reprochés a conduit la justice française à conclure que la procédure choisie du « plaider coupable » était inadaptée par essence, qu’il était « nécessaire » que ces faits, passibles d’un maximum de cinq ans de prison, soient jugés par un tribunal correctionnel.
Mais où sont les riches Africains qui auraient pu gérer en Afrique les infrastructures portuaires et logistiques ?
Les riches africains, souvent liés au pouvoir en place, préfèrent la facilité, l’anonymat et refusent la responsabilité. Du coup, ce sont des stratégies de gestion en réseaux ou bandes organisées, dans des milieux ésotériques et secrets, qui ont permis à de nombreux occidentaux de se retrouver en position de concurrence déloyale au plan mondial.
Mais le temps des arrangements personnels avec les Chefs d’Etat ou avec des militaires affairistes africains est en phase terminale compte tenu des exigences d’un monde multipolaire avec des opérateurs de pays émergents de plus en plus conscients de leurs droits et des enjeux de puissance, comme la Chine… Mais, l’anticipation des dirigeants africains a été absente et souvent, ces derniers semblent avoir conservé la méthode du management de la facilité en optant pour le plus «offrant» pour la défense de leurs intérêts et moins l’intérêt des Peuples africains.
ABSENCE D’ANTICIPATION DES DIRIGEANTS AFRICAINS DANS LA LOGISTIQUE
Pour positionner le manque d’anticipation des dirigeants africains dans le domaine de la valeur ajoutée à gagner dans la chaine de valeur transversale que constituent les transports et la logistique, il convient de rappeler selon les données de la Banque mondiale en 2020 que la région Asie de l’Est et Pacifique avait un trafic de containers dans ses ports de 436 millions de EVP (équivalent Vingt Pieds) ou TEU (twenty-foot Equivalent Unit en anglais). En comparaison, le trafic mondial était de 758,7 millions de EVP/TEU alors que toute l’Afrique subsaharienne atteignait difficilement les 17,1 EVP/TEU. Il n’y a donc pas « photo » …
Sauf qu’il s’agit là d’un indicateur qui témoigne de la vision court-termiste des dirigeants africains qui n’ont ni vu venir l’importance du secteur logistique et surtout la valeur ajoutée et la richesse qui devaient revenir à l’Afrique et qui ont été cédées à des sociétés privées, sur la base de relations personnalisées, et souvent manquant de transparence, quand il ne s’agit pas de fraudes difficilement prouvables compte tenu de l’opacité des prises de décisions et des informations publiques.
La notion de logistique comprend tout un ensemble d’activités destinées à assurer une fluidité et une rapidité dans la coordination entre le transfert d’un bien d’un endroit à l’autre avec le minimum de formalités grevant les coûts ou générant des dégâts environnementaux. Il s’agit donc autant de flux de biens, marchandises que des services ou de l’information.
Il s’agit pour une logistique performante de pouvoir mettre en place des infrastructures, des institutions, des transporteurs, des procédures, et du personnel non bureaucratique pour mettre à disposition dans un temps rapide sinon optimal entre deux endroits géographiquement déterminés, un bien ou une marchandise ou un service au bon moment, au bon endroit, au moindre coût ou le plus compétitif, et sans conséquence sur l’environnement et la biodiversité, ce tout en conservant la qualité du bien transporté, entreposé et distribué.
L’efficience passe aussi par la digitalisation des opérations logistiques. Des progiciels informatiques et des systèmes experts spécialisés en logistique sont en train de remplacer les humains et de réduire la bureaucratie et les retards causés par les « roitelets de circonstances », inconscients de leurs rôles négatifs dans l’ensemble de la chaine de valeur logistique en Afrique. La performance logistique africaine, au regard de cette définition, n’est pas performante.
UNE PERFORMANCE LOGISTIQUE AFRICAINE NON OPTIMALE
A force de se concentrer sur la mise en place d’infrastructures physiques sans y mettre les moyens financiers endogènes, les dirigeants africains se sont retrouvés après 4 décennies, soit près de 40 ans de programmes pour le développement des transports en Afrique, à manquer d’infrastructures dans les principaux secteurs que sont les routes, le rail, le transport maritime, l’infrastructure digitale et surtout ce qui fait l’efficience de tout cet ensemble, la performance logistique.
Il faut reconnaître que pour de nombreux dirigeants africains, la notion de performance ne prend de la valeur que lorsqu’il s’agit de mesurer les « rentrées» dans leurs escarcelles personnelles ou celles de leurs familles ou encore celles des affidés clientélistes. Il n’est pas possible de comprendre la notion de performance logistique sans une pensée holistique en termes d’efficience. Or, le logiciel de pensée de la plupart des dirigeants africains, souvent autant par entêtement que par manque d’intelligence, se limite à optimaliser tout ce qui leur permet de s’éterniser au pouvoir en s’organisant pour bloquer l’alternance politique.
Il n’est donc pas possible de laisser le secteur de la logistique fonctionner dans un environnement prévisible, organisé et de concurrence libre. Bref, il fallait faire de l’interventionnisme étatique sans pour autant être responsable des échecs liés aux conséquences des immanquables favoritismes qui produisent de la corruption…
La performance logistique a pour objectif principal en termes d’efficience d’assurer une forme d’optimalité entre les moyens disponibles engagés à savoir les coûts d’une part et la capacité à organiser une efficacité fonctionnelle en limitant l’impact négatif, les fameuses externalités, sur l’environnement, ce dans un environnement géographique mondialisé.
Concrètement, il s’agit de gérer au mieux les flux physiques de marchandises et services entre des acteurs économiques dans le cadre d’agglomération de chaines de valeurs. La complexité, l’impératif de l’agilité, l’urgence de la réactivité supposent une maîtrise qui a souvent conduit les chefs d’Etat africains, souvent complexés ou agissant comme des «sous-préfets d’intérêts étrangers», à aller rechercher les compétences à l’étranger, souvent sous forme de contrats de sous-traitance ou de concession de longue durée renouvelables et sans transparence.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. Profitabilité conséquente de ce secteur de la logistique pour les «actionnaires» et profitabilité lilliputienne pour le budget de l’Etat sous forme d’impôt ou retour sur investissement, ce qui se remarque par le manque à gagner pour le Peuple africain en termes d’investissements de bien-être. La performance logistique en Afrique est non-optimale pour le Peuple africain.
TRANSMISSION D’UNE PARTIE DES RICHESSES GÉNÉRÉES PAR BOLLORÉ AU TOGO EN ANTICIPATION
La vérité est que les investissements importants à consentir pour une amélioration de la performance logistique dans les espaces portuaires en Afrique, a conduit à engager la garantie ou la contre-garantie des Etats africains, sans contreparties vérifiables en termes de contrôle sur les activités de ceux qui se sont retrouvés adjudicataires sans véritables appels d’offres transparents. Les bénéficiaires de ces garanties se sont retrouvés pris dans une forme de spirale du «donnant-donnant» qui a conduit à promettre des «retours sur favoritisme ou retours pour préférence clientéliste» qui ont été allègrement confondus avec des «retours sur investissement».
Dans tous les cas de figure, le Peuple africain et panafricain n’en a pas vu la couleur. La réalité est que le Peuple africain, dans les pays concernés, a systématiquement été lésé car sans redevabilité et transparence, il était impossible de savoir combien ont réellement été engagés, investis et surtout combien tout ceci a généré en termes de bénéficies et d’impôts, sans compter le coût parti de la corruption.
En effet, dans le cas du Togo, une partie importante des investissements portuaires provenant d’investissements publics allemands ont transité par le budget du Togo. Autrement dit, le Togo a simplement favorisé des opérateurs économiques étrangers dans des conditions opaques, en n’oubliant pas d’assurer une participation d’acteurs liés au pouvoir tant dans les ressources humaines que dans l’actionnariat des sociétés concessionnaires, qui n’ont pas manqué de créer de nombreuses sociétés écrans ou paravents pour démultiplier l’opacité du montage financier.
Officiellement confondant information et communication, la propagande dans les médias se résume à : «une société concessionnaire» s’occupe de tout et le «gouvernement» n’a presque «rien» déboursé» ! Paradoxalement, cela a plu à une partie du Peuple africain, bercé dans une forme d’ignorance géographiquement localisée au niveau national, du fait du contrôle de la plupart des médias locaux par les «apparatchiks» du pouvoir. Il ne faut pas négliger les soutiens explicites ou implicites de certains médias occidentaux sommés d’insister sur les ondes que leurs Etats ne sont en rien impliqués dans les malheurs et dans la mauvaise gouvernance en Afrique.
Mais, la vérité finit toujours par se savoir, surtout quand, dans le cas des relations entre Vincent Bolloré et Faure Gnassingbé au Togo, la justice française a réussi le tour de force de perquisitionner le siège du Groupe Bolloré à Paris, à la recherche principalement de «fraudes fiscales». La vente précipitée d’une partie de l’empire Bolloré Logistics Africa relève autant d’un management Agile que d’une anticipation si tout devait « tourner au vinaigre » au cours d’un procès en correctionnelle. La transmission du vivant est toujours plus intéressante fiscalement que dans toutes les autres conditions à savoir : après un décès ou suite à une décision de justice.
CLARIFICATIONS DEMANDÉES PAR LA JUSTICE FRANÇAISE SUR TOUTES LES RICHESSES GÉNÉRÉES PAR BOLLORÉ AU TOGO EN RÉSEAUX
De nombreuses pièces à conviction ont donc conduit la société morale et les personnes physiques responsables de cette société à «plaider coupable» de corruption sur la base de procédures françaises basées sur le «consensualisme», à savoir la «reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)» pour les personnes physiques dont Vincent Bolloré, Président Directeur Général (PDG) et deux de ses collaborateurs Gilles Alix, Directeur Général du groupe Bolloré et Jean-Philippe Dorent Directeur International de l’agence Havas, filiale de Bolloré et une « Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) dont a bénéficié le Groupe Bolloré.
Rappelons que la justice française enquête sur «les conditions d’obtention en 2010 de deux terminaux à conteneurs par le Groupe Bolloré à Lomé (Togo) et à Conakry (Guinée)». En fait, les allégations portent sur le fait que «Vincent Bolloré» aurait «utilisé sa filiale de communication Havas pour faciliter «l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé en Guinée» et la «réélection de Faure Gnassingbé en 2010 au Togo via des missions de conseil et de communication sous-facturées».
En conséquence, ce genre d’arrangements, difficilement vérifiables car se déroulant en bandes ésotériques organisées, aurait permis au groupe d’obtenir encontre partie des concessions portuaires et des terminaux à conteneurs dans les deux capitales. La réélection de Faure Gnassingbé, comme toutes les élections où il a participé au Togo (2005, 2010, 2015 et 2020) font l’objet de contestations des principaux partis d’opposition togolais et des associations de la société civile togolaise y compris dans la Diaspora, qui militent pour la transparence des élections et la vérité des urnes.
Selon la justice française, les faits reprochés auraient «gravement porté atteinte à l’ordre public économique» et «porté atteinte à la souveraineté du Togo». C’est à ce titre et pour permettre à Vincent Bolloré de clarifier l’opacité de sa relation avec l’exécutif togolais, Faure Gnassingbé, que le tribunal exige une tenue d’un procès en correctionnelle, ce qui permettrait en parallèle, à des organisations de la société civile de se porter partie civile.
Il apparaît tout à fait légitime que la justice française qui découvre des documents compromettants en parallèle à la recherche de preuves sur d’éventuelles fraudes fiscales en France, demande des clarifications approfondies devant un tribunal correctionnel en France sur les richesses générées par les responsables en chef du Groupe Bolloré au Togo, que ce soit en bandes organisées en réseaux ou pas. Bien qu’il n’y ait pas de présumé corrupteur sans un présumé corrompu, ou vice-versa, l’Etat togolais, par la voix de son Ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, a assuré que les «conditions au Port de Lomé garantissent la concurrence et la compétitivité», sans convaincre puisqu’il a ajouté que «L’Etat togolais n’a aucun élément fiable du dossier qui est en cours en France».
Le ministre togolais des transports, Ninsao GNOFAM, a précisé à ce qui tient lieu d’Assemblée nationale togolaise en juin 2018 que le Groupe Bolloré aurait réalisé l’ensemble des investissements «sur fonds propres de plus de 150 milliards de Fcfa pour le 3e quai» et que le Groupe MSC (Lomé Container Terminal) aurait investi «300 milliards de FCFA pour la construction de la darse». De ce fait, « la concession de 35 ans accordée au Groupe Bolloré était logique compte tenu du montant de l’investissement». La société Bolloré aurait acquitté « toutes ses obligations fiscales et contractuelles», soit 14 milliards FCFA (21,4 millions d’Euros) versés au titre de l’impôt et 84 milliards FCFA (128,1 millions d’Euros) payés au port de Lomé à titre de redevance.
Selon ce Ministre, «le Togo n’est pas concerné par l’instruction en cours en France» et serait prêt à coopérer avec les autorités judiciaires françaises si une demande est faite. «Nous n’avons rien à nous reprocher».
En réalité, l’Etat togolais n’est pas concerné par la procédure juridique du plaider coupable, mais risque de l’être dans le cadre d’un procès en correctionnelle, ou indirectement dans le cadre d’un autre procès auprès de la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique occidentale (CEDEAO) mettant en cause la légalité constitutionnelle du Président du Togo.
Rappelons que la justice française a refusé de passer par pertes et profits sous couvert d’une peine minimale le crime économique reproché à Vincent Bolloré et ses deux adjoints. En refusant d’homologuer l’accord négocié sur une procédure de « plaider-coupable » entre Vincent Bolloré et le parquet national financier (PNF), la Justice française a de sérieux doutes sur l’adéquation de la peine envisagée et la gravité des faits reprochés à savoir : Vincent Bolloré et consorts auraient «gravement porté atteinte à l’ordre public économique» et «à la souveraineté du Togo».
URGENTE TRANSPARENCE SUR LES 1,3 MILLIARDS D’EUROS DES « ACTIONNAIRES MINORITAIRES PRIVÉS » ET LES DETTES EN COURS RECONNUES PAR LE GROUPE BOLLORÉ
Avec l’absence de risque de change avec la monnaie Franc CFA non convertible en devises étrangères sans l’autorisation des autorités françaises (Trésor Français), les opérations de ce secteur logistique dans les ports et les containers avec des acteurs compétents, intelligents et surtout visionnaires en termes d’anticipation de génération de valeurs ajoutées et de richesses ne pouvaient qu’être extrêmement rentables, surtout qu’avec la garantie ou la contre-garantie de l’Etat, l’opérateur n’avait quasiment aucun risque.
Tous les risques encourus venaient grossir la dette extérieure du pays qui a émis la contre-garantie, parfois sans que l’investissement ne produise d’effets tangibles en termes d’impôts pour le budget de l’Etat. Dans l’opération de finalisation de la vente des activités logistiques du Groupe Bolloré Africa Logistics à l’armateur italo-suisse MSC, une entreprise multinationale du transport maritime opérant aussi dans le port de Lomé, la reprise des actifs du Groupe Bolloré s’élèverait à 6,3 milliards d’Euros et inclut la reprise de dette, des sommes versées à des actionnaires minoritaires.
Si Le Groupe Bolloré a empoché 5 milliards d’Euros, la question serait de savoir, si la transparence prévaut quant à la composition des 1,3 milliards d’Euros qui comprend autant des «actionnaires minoritaires privés» et les dettes en cours reconnues par le Groupe. Toutes les dettes en contre-garanties à la charge des Etats africains risquent de ne jamais apparaître. Quant aux noms des actionnaires minoritaires, il faut espérer, sans se faire d’illusion, que les noms -ou plutôt les prêtes noms- des chefs d’Etat africains apparaissent au grand jour. Il s’agit d’un point crucial qui pourra être soulevé par les parties civiles lors du procès en correctionnelle de Vincent Bolloré, surtout que lors des perquisitions, ces informations, sous scellés, doivent être disponibles.
Dans le cas du Togo, cela devrait conduire à une démission immédiate de Faure Gnassingbé et certains de ses parents, travaillant ou ayant travaillé pour le Groupe Bolloré. L’enjeu est de taille pour le Peuple togolais qui semble ne pas saisir l’importance des enjeux pour son avenir. L’explication se trouve souvent dans le niveau sans égal de corruption et d’accaparement des fruits de la croissance de ce secteur dans un environnement sans concurrence réelle et une opacité dans les résultats économiques et financiers rapportés au public, pas nécessairement aux actionnaires dont plusieurs refusent d’apparaître sur la place publique.
FRANC CFA: TRANSFERT VERS LA FRANCE SANS RISQUES ET SANS VÉRITABLES CONTRÔLES
Si la monnaie utilisée n’était pas le Franc CFA, monnaie fabriquée et sous contrôle de la France, les transferts des «retours sur investissements» et des «dividendes» ou autres facilités effectuées en France sans risques et sans véritables contrôles auraient été plus compliqués, surtout que le Togo est de plus en plus connu comme un espace où «le fisc togolais perd chaque année environ 22 milliards FCFA [(33,4 millions d’Euros) NDLR] à cause des déclarations «abusives » de l’impôt sur les sociétés par les multinationales».
Selon le rapport conjoint de Tax Justice Network, de Global Alliance for Tax Justice et Public Services International de novembre 2020 intitulé « Justice fiscale : état des lieux », il a été reconnu que «l’évasion fiscale au Togo est principalement le fait des grandes entreprises étrangères. A elles seules, elles seraient responsables d’un abus lié à l’impôt chiffré à 38,85 millions de dollars EU par an (21,5 milliards FCFA), soit 93% des pertes fiscales évaluées12».
En 2021, le Togo a perdu un montant estimé à 23,1 millions de $EU, soit près de 2,3 % des 1 milliard de dollars de recettes fiscales, soit environ un manque à gagner et donc une perte sèche de 3 dollars américain par citoyen (soit 1852 FCFA par personne13) sur les 8 millions d’habitants du Togo. La traçabilité de la destination finale est difficile à identifier car l’essentiel de ces transferts irréguliers en 2021 transite par les quatre pays principaux suivants : Les Emirats Arabes Unis pour 41 %, la Chine pour 17 %, le Liban pour 13 % et l’Afrique du sud pour 9 %15.
De nombreux pays comme la France ou les Etats-Unis qui se retrouvent à 2 % bénéficient de la transférabilité illimitée du Franc CFA et aussi d’un transfert indirect à partir des Emirats arabes unis. Le niveau de confidentialité ou de secret entourant ces opérations est d’autant plus élevé que les transferts vers les destinations finales doivent être protégés.
C’est ainsi que le score estimant le niveau de transfert dans l’opacité est de 100 % en cas de secret total, il s’élève pour, Les Emirats Arabes Unis à 78, la Chine à 60, le Liban à 64, l’Afrique du sud à 56, les Etats-Unis à 63, et la France à 5016. En 2022, selon toujours Tax Justice Network, la transparence fiscale aurait permis d’éviter qu’un quart de l’argent des contribuables soit perdu à cause des abus des entreprises. Le problème est qu’en Afrique en général, au Togo en particulier, les agents au sommet de l’Etat ou leurs représentants sont parties prenantes de ces entreprises, spécialisées dans les opérations de transferts illicites et d’évasion fiscale.
LA JUSTICE PEUT AIDER À RÉDUIRE L’OPACITÉ DU GRAND BUSINESS EN AFRIQUE
La vente de Bolloré Africa Logistics à la société multinationale MSC a bien eu lieu avant la fin de l’année 2022. Si en logistique, c’est l’anticipation qui prime et fait la différence, Vincent Bolloré au même titre que Gianluigi Aponte et son fils Diego Aponte, propriétaires de MSC, ont compris que faire des affaires dans le secteur du transport et de la logistique passe par le respect de l’opacité des dirigeants africains, peu enclins à servir en priorité le Peuple africain.
Néanmoins, il faut bien constater que les dirigeants africains qui ont cédé leurs ports et autres concessions en s’assurant de la sauvegarde de leurs intérêts ou ceux de leur clan aux dépens des populations africaines devront un jour répondre de leurs choix. Car il ne s’agit là nullement d’un choix stratégique de management, mais bien d’un choix unilatéral, anti-démocratique d’enrichissement aux dépens du Peuple africain.
Le Togo devrait servir de cas d’école. Si la justice française a malgré tout, sans passer par la case tribunal correctionnel, réussi la prouesse de changer les plans stratégiques de Vincent Bolloré, cela n’a pas nécessairement conduit à son départ d’Afrique.
Comment passer du management opaque dans la logistique en Afrique partiellement «imposé» grâce à l’impunité institutionnalisée par certains chefs d’Etat africains, au management participatif, demeure un défi, voire une énigme. A moins que la justice africaine ne vienne prendre le relais de la justice française ! » Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Directeur général, Afrocentricity Think Tank.
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