« Ouf Ouf ouf » peut-on s’exprimer après le retour des 46 soldats ivoiriens détenus à Bamako pendant quasiment 06 mois. Condamnés à 20 ans de réclusion, les soldats ont été graciés le 06 Janvier dernier, et ont regagné Abidjan le Samedi 07 peu avant minuit, accueillis dans la liesse la plus totale par le Président, et pratiquement toute la nation (Ministres, autorités militaires, chefs coutumiers, familles …etc..). On peut le dire, cette question a rassemblé les Ivoiriens.
Pour rappel, 49 soldats ivoiriens sont arrêtés à l’aéroport de Bamako le 10 Juillet 2022, alors qu’ils étaient allés prendre la relève de leurs collègues qui assuraient la sécurité de l’aéroport de Bamako. La junte malienne les accuse d’être des « mercenaires » et exige l’extradition de trois personnalités maliennes réfugiées en Côte d’ivoire en contrepartie à leur libération. Ainea Ibrahim Coulibaly, un opposant qui s’était déclaré » président du Mali » dans une vidéo sur les réseaux sociaux le 17 Février 2022, date initiale de la fin de la transition, Hubert Tiéman Coulibaly le dernier Ministre de la défense d’IBK, et Karim Keïta, le fils de l’ancien IBK. Il était président de la toute puissante « Commission de la Défense » à l’Assemblée nationale, laquelle votait et allouait les crédits militaires. Beaucoup voyaient en lui le véritable patron des forces armées.
La réputation de la Côte d’Ivoire en tant que terre d’asile aurait été ruinée si elle avait cédé. Beaucoup d’opposants et de familles d’opposants d’Afrique de l’Ouest, et du Centre résident discrètement dans le pays. Un malaise se serait emparé de ces personnes, même si elles ne sont pas toutes maliennes. C’était un dangereux précédent qui allait être ainsi créé. Dès le départ, la Côte d’Ivoire a pris le parti d’intégrer la CEDEAO dans le dossier, alors que Mali voulait que la question soit traitée entre les deux Etats. D’Août à la mi-Septembre, plusieurs chefs d’Etat de la sous-région ont fait le voyage à Bamako pour infléchir la position des maliens. 03 soldates sont libérées le 03 Septembre pour « raisons humanitaires ». Pour les 46 autres, le pouvoir malien reste inflexible. L’intervention des guides religieux des deux pays n’y change rien.
Le 29 Septembre, mandatés par la CEDEAO, les présidents Ghanéen et gambien se rendent à Bamako, dans la « mission de la dernière chance ». Après leur passage, des bruits laissent présager une libération « sans conditions » des soldats. Mais quelques jours plus tard, la Côte d’Ivoire reçoit du Mali, un document à « valider ». Assimi Goita, conscient désormais que la Côte d’Ivoire n’extradera jamais les personnalités demandées, formule de nouvelles exigences.
2- Le Mali exige le limogeage de l’actuel Vice-Président de la BOAD, Moustapha Ben Barka, un malien nommé sous IBK, et son remplacement par un autre Malien que la junte allait proposer.
3- N’ayant plus accès au marché régional des capitaux depuis les sanctions prises de Janvier à Juillet 2022, le Mali exige que la Côte d’Ivoire intervienne en faveur de sa demande de financement auprès de la BCEAO, une demande formulée en Septembre 2022 et restée sans suite.
Pour la Côte d’Ivoire, ces nouvelles exigences relèvent de nouveau du chantage. Elles sont toutes aussi inacceptables que les premières. Refusant de donner une suite à ce document, le pays informe les Nations Unies de sa volonté de retirer ses troupes engagées au Mali au sein de la MINUSMA à partir de 2023. Le dialogue est désormais rompu entre les deux capitales. Le 04 Décembre, au terme de son sommet annuel, la CEDEAO lance un ultimatum à la junte, les soldats doivent être libérés au plus tard le 31 Décembre à minuit. Il est clair que les sanctions sont désormais sur la table.
Si les sanctions prises en Janvier 2022 et levées en Juillet, ont été étudiées afin de « ménager les populations », ce qui a permis au pays de tenir six mois, cette fois-ci la CEDEAO allait avoir la main extrêmement lourde car elle jouait sa crédibilité. Les sanctions sur la table étaient suffisamment dures pour « amener rapidement la junte malienne à capituler ». C’est ce message que le Président Faure est allé porter au Mali, et c’est cela en fin de compte qui a fait reculer les Maliens.
L’économie malienne tourne au ralenti depuis deux ans. De nouvelles sanctions pouvaient déboucher sur des contestations, des marches. Face aux difficultés économiques de tout ordre, des troubles étaient à craindre, un rejet de la transition.
C’est face à ce risque, face à cette perspective de troubles sociaux dû aux potentielles difficultés économiques, que la junte malienne a finalement cédé. Il s’agissait maintenant d’habiller cela sans perdre la face, avec la signature du mémorandum, le procès express, le non-pourvoi en cassation de la défense (le fait de ne pas faire appel de la sentence), et la grâce présidentielle.
Peut-on parler d’une issue par le dialogue ? La crise aurait certainement duré encore des mois si les sanctions n’avaient pas été mises dans la balance. S’il y a eu dialogue, ce dialogue a plutôt échoué. Dès lors qu’on lance un ultimatum, c’est qu’on ne dialogue plus, on engage un rapport de force.
Le Président Ouattara a voulu repousser au maximum le moment où il serait obligé de prendre des sanctions. Il s’est finalement rendu à l’évidence : tous les dictateurs ne sont sensibles qu’au langage de la force, Assimi Goita n’en fait pas exception.
Ledebativoirien.net
Avec Douglas Mountain