« …hommage au Peuple Malien », par Ahoua DON MELLO
« Après une période de lumière qui a duré des siècles, le Mali, terre de Soundjata Kéita, de Kankan Moussa et de Modibo Kéita, est entré, comme tout le continent africain, sous les lourdes dalles de l’esclavage, de la colonisation et de la Françafrique. Ce 14 janvier 2023, ce pays célèbre sa première journée de «La souveraineté retrouvée» qui fait poindre à l’horizon les lueurs d’une nouvelle période de lumière.
Quel sens historique doit-on donner à cette journée de «La souveraineté retrouvée » ?
Si l’histoire de l’Afrique, encore enseignée dans de nombreuses écoles du continent cache sa gloire passée pour justifier la mission civilisatrice de l’esclavage et de la colonisation et l’animalisation de l’Africain dans des zoos lors des expositions universelles en Europe, les 8 volumes de 800 pages chacun sur l’histoire générale de l’Afrique produits par l’UNESCO, de 1963 à 2000, avec 230 chercheurs dont un tiers de non africains, sont venus restituer toute sa gloire passée, et aussi son déclin.
Les clichés racistes créés par cette période sombre continuent d’induire des complexes de supériorité et de donneurs de leçons chez certains et des complexes d’infériorité et de résignés chez d’autres. C’est donc en se référant à ces volumes que nous allons situer dans une perspective historique, la journée de «La souveraineté retrouvée» pour contribuer à guérir les complexes et renforcer la foi des peuples africains en un avenir glorieux.
DE LA LUMIERE A L’OBSCURITE
L’histoire glorieuse du Mali commence par la naissance de l’Empire du Ghana qui fût fondé par le peuple Sarakolé entre le IIIe et le VIIIe siècle de notre ère. Cet Empire était à cheval sur le Mali actuel et la Mauritanie et avait pour capitale Koumbi-Saleh.
L’Empire du Ghana a tiré sa puissance de l’exportation du sel et de l’or vendus en partie en Europe et en Arabie. Grâce à ces produits, il étendit son territoire vers le Tekrour (actuel Sénégal) et vers le Manding (Est de La Guinée).
Mais à partir du XIe siècle, l’Empire du Ghana passa sous domination Almoravide, empire berbère qui s’étendit jusqu’au Sud de l’Europe, puis, en 1235, sous celle de l’empire du Mali avec Soundjata Kéita qui créa la charte du Manding.
Sous sa férule, l’Empire du Mali s’étendait du Sahara à la forêt, de l’Océan Atlantique à la boucle du Niger et englobait de grandes parties des territoires actuels du Mali, de la Guinée, du Sénégal, de la Gambie, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie.
Soundjata Kéita établit la capitale de l’Empire à Niani dans la Guinée actuelle ; Tombouctou qui a suscité l’émerveillement de René Caillé, était la capitale économique et culturelle. L’Empire du Mali réussit, dans la paix, à faire coexister diverses ethnies que sont : les Touaregs, les Wolofs, les Bambaras, les Songhaïs, les Dialonkés, les Malinkés, les Dogons etc. Toutes ces populations avaient en effet adhéré à la Charte du Mandingue.
L’économie de l’Empire du Mali reposait sur l’agriculture, l’artisanat, l’or, l’ivoire et le commerce avec le bassin méditerranéen. L’âge d’or de l’Empire fût atteint sous le règne de Kankan Moussa, vers 1312. Pendant cette période, l’Empire du Mali s’étendit de l’Adrar des Ifoghas à l’estuaire de la Gambie.
En 1324, Kankan Moussa effectua un pèlerinage à la Mecque avec tellement d’or (environ 10 tonnes) que le cours du métal précieux aurait baissé pendant plusieurs années. Il reste d’ailleurs, jusqu’à aujourd’hui l’homme le plus riche de la planète.
La puissance économique et militaire de l’Empire du Mali est un don du fleuve Niger. Grâce à elle, le rayonnement de Tombouctou, la capitale économique et culturelle de l’Empire et de son illustre Roi Kankan Moussa franchit toutes les frontières.
L’un des empereurs, Aboubakari II, tenta d’envoyer une expédition maritime de 200 bateaux vers l’Amérique sans y parvenir. Aboubakari II, lui-même, aurait décidé de relever le défi à la tête de 3 000 bateaux. Il n’en est jamais revenu. En revanche, là où Aboubakari II a échoué, Christophe Colomb réussit.
Essentiellement à cause de l’invention de la caravelle, un bateau adapté à l’agitation de la mer. L’échec d’Aboubakari II et la victoire de Christophe Colomb ferment la période de gloire de l’Afrique à travers l’Empire du Mali et ouvrent la période la plus sombre de son histoire qui a commencé par la déportation et la mise en esclavage des créateurs de la richesse dorée de l’Empire du Mali.
Suite à la conférence de Berlin en 1885, la France prend possession de tous les territoires de l’Empire du Mali après avoir vaincu Samory Touré et El Hadj Omar Tall. Le soudan français est ainsi créé le 18 août 1890 et intégré à l’Afrique Occidentale Française (AOF) en 1895.
Dès lors, l’Empire français s’accapare des richesses aurifères qui ont contribué à la puissance de l’Empire du Mali et soumet la population aux travaux forcés pour la production du coton et de l’arachide. En 2018, la Banque de France possède 2437 tonnes d’or qui constituent 64% de ses réserves de change tandis que le stock d’or de la BCEAO regroupant les pays du territoire de l’Empire du Mali, reste plafonné à 36.5 tonnes (4.6 tonnes par pays) ; ce qui représente à peine 10.4% de ses réserves de change.
Toute la puissance économique et financière de l’Empire du Mali passe alors d’un seul coup à l’Empire colonial français puis à la France. Tel est l’enjeu de la lutte pour la souveraineté du peuple malien qui concerne tout le futur du continent Africain. Car la victoire du Mali sera semblable à la victoire de Soundjata Keita. En revanche, sa défaite sera semblable à la défaite d’Aboubakari II et de Samory Touré.
DE L’OBSURITE A LA LUMIERE.
A l’issue du référendum organisé par la France sur l’Empire français, la République soudanaise est proclamée en 1958. Modibo Keita proclame l’indépendance de la République Soudanaise sous le nom de la République du Mali le 22 Septembre 1960.
En 1968, Modibo Keïta fut renversé par un coup d’État conduit par le lieutenant Moussa Traoré, qui instaura une dictature. Le 26 mars 1991, celui-ci fut renversé à son tour par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Après une période de transition, ce dernier instaura un processus démocratique avec l’élection d’Alpha Omar Konaré en 1992, qui sera réélu en 1997.
En 2002, le général Amadou Toumani Touré, qui avait pris sa retraite de l’Armée pour se présenter, fut élu président de la République du Mali, et réélu en 2007. Le 22 mars 2012 Amadou Toumani Touré fut renversé par un putsch, mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo dans un contexte de rébellion touarègue et d’attaques djihadistes.
Après une transition, Ibrahim Boubacar Keïta fut élu président de la République en septembre 2013 puis sera réélu en 2018 au terme d’une élection contestée. Le gouvernement doit faire face à une situation sécuritaire désastreuse induite par une rébellion et des attaques djihadistes.
En 2011, Mouammar Kadhafi est renversé et assassiné. De nombreux combattants Touaregs de son armée regagnent le Mali où une nouvelle rébellion se prépare. Fin 2011, est fondé le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) revendiquant l’indépendance.
Début 2012 est fondé Ansar Dine (les Défenseurs de la religion) avec pour objectif, l’application de la charia au Mali. Ansar Dine est allié à AQMI (Al Qaida pour le Maghreb Islamique) de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar dit le Borgne. AQMI est issu d’une scission du Groupe Islamique Armé (GIA) bras armé des islamistes pendant la guerre civile Algérienne et ayant fait allégeance à Al Qaida. En janvier 2013, les djihadistes lancent une offensive sur le sud du Mali, dont Lyad Ag Ghali est le principal initiateur. Le 9 janvier, il dirige l’assaut sur la ville de Konna qui est conquise.
Cette attaque provoque dès le lendemain une intervention militaire de l’armée française et de plusieurs pays africains. Les djihadistes d’Ansar Dine et d’AQMI abandonnent leurs positions et se réfugient dans l’Adrar des Ifoghas.
Le 29 janvier 2013, une conférence de donateurs internationaux à Addis Abeba promet au total, 455 milliards de dollars principalement pour financer l’opération militaire et la France réaffirme sa volonté de rester le temps qu’il faut. Cette déclaration est restée sans suite significative et la situation sécuritaire devient de plus en plus désastreuse.
Les 5 et 19 juin 2020, à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko, des dizaines de milliers de manifestants sortent dans les rues pour réclamer la démission d’Ibrahim Boubakar Kéita. Le 18 août 2020, vers 16 h 30, Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre, Boubou Cissé, sont arrêtés.
Une transition militaire dirigée par Assimi Goita et comme Premier Ministre Choguel Maiga s’ouvre après avoir renversé la transition civile. Sous la pression de la rue qui demande le départ des troupes françaises et l’arrivée de la Russie, la France annonce le 10 Juin 2021, le départ de l’opération Barkhane déployée par la France contre le terrorisme et dénonce la présence de la société privée Russe Wagner au Mali.
Arrivée en colon en 1898 et en sauveur en Janvier 2013, l’armée française quitte définitivement le Mali le 15 août 2022 et s’ouvre une période d’espoir d’une plus grande souveraineté pour le peuple Malien sous la direction d’Assimi Goita.
La journée du 14 Janvier 2023 sonne donc comme un nouveau départ vers la conquête de la pleine souveraineté du peuple Malien sous la conduite d’Assimi Goita. Le plus dur reste à venir pour défendre la souveraineté et retrouver la prospérité et la gloire.
L’un des rares pays subsahariens à produire du blé, détenant l’une des plus grandes réserves d’hydrogène naturel au monde pour une économie décarbonée, avec 70 tonnes d’or produits par an et 50 tonnes par an à récupérer des mains des rebelles et djihadistes, le Mali a les moyens de sa prospérité, à condition d’avoir la pleine souveraineté sur son or comme Kankan Moussa et de rendre navigable en toute saison le fleuve Niger.
Le peuple Malien et son Chef portent donc une lourde responsabilité. Assimi Goita se souvient certainement de cette phrase de l’hymne du Manding à l’endroit des Rois (Faama) du Manding : «Faama, le peuple te fait confiance parce que tu incarnes ses vertus».
« Peuple du Mali, votre échec sera un échec pour tout le continent avec des conséquences semblables à l’échec d’Aboubakari II et de Samory Touré. Votre victoire, en revanche, sera un espoir pour tout le continent comme le fut la victoire de Soundjata Kéita et la prospérité du Mali de Kankan Moussa. L’espoir est permis», par Ahoua Don Mello.
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