Dr Diakra Bogui, Porte-Parole Principal du Collectif des Docteurs Non-Recrutés de Côte d’Ivoire (CDNR-CI) avec une grosse aisance démonstrative aborde la crise du doctorat ressentie au pays du père fondateur Félix Houphouët-Boigny et du technocrate Docteur Alassane Ouattara, actuel président de la République. Ce Docteur ès lettres Spécialiste de Littérature Générale et Comparée, l’un des précurseurs de la lutte pour l’insertion des titulaires du Doctorat, après plus d’une année de révolte liée à leur statut de sans emploi, repose ici l’approche de solutions.
En compagnie de certains de ses compagnons de fortune, lors de cet entretien, dont, Dr Jean-Noël Ehounou, Dr ès Sciences de l’Eau et de l’Environnement, Spécialiste de l’étude des Changements Climatiques et de leurs implication sur les systèmes de production agricole, et Dr Goly Berenger, Dr historien, Spécialiste de l’Histoire Contemporaine, le porte-parole principal du collectif des docteurs non recrutés de Côte d’Ivoire éclaire, non sans rappeler certains acquis de leur combat. Suivez….
Ledebativoirien: Dr Diakra, quel analyse faites-vous de la sortie du Premier Ministre, relativement à la crise du Doctorat et à l’insertion professionnelle des 3000 Docteurs chômeurs ?
Dr Diakra : D’entrée de jeu, je voudrais préciser que les 3000 Docteurs chômeurs dont il est question, ne sont pas des Médecins. La formation et le recrutement des Docteurs Médecins obéissent à un autre système.
Il convient aussi d’indiquer que le Doctorant est un étudiant, généralement titulaire d’un Master et qui prépare un Doctorat. A partir du jour de sa soutenance, le Doctorant, c’est-à-dire, l’ancien étudiant aspirant au Doctorat, devient Docteur et est amené à faire valoir ses compétences sur le marché de l’emploi pour exercer en cette qualité. On parle donc ici de milliers de Docteurs qui après leur formation, sont en quête d’emploi et non de Doctorants qui sont encore des étudiants.
Pour revenir à votre question relative à la réponse que le Premier Ministre, son Excellence Monsieur Patrick Jérôme Achi a donné à votre confrère, le 21 Novembre 2021, nous ne sommes pas surpris, outre mesure, de cette sortie du premier ministre que seuls les fins analystes peuvent comprendre. Ce que l’opinion publique doit retenir, c’est plutôt l’esprit de son intervention et non la lettre.
A ce niveau nous avons fait plusieurs propositions au Ministère de l’Enseignement Supérieur, visant à permettre l’insertion de l’ensemble des Docteurs Non Recrutés dans tous les secteurs d’activités où ils sont susceptibles d’exercer.
En effet, depuis les premières actions publiques engagées par le Collectif des Docteurs Non-Recrutés de Côte d’Ivoire (CDNR-CI) dès octobre 2021, nous avons à plusieurs reprises, aussi bien devant le Ministre Diawara, que par voie de presse, annoncé, que nous avons produit le compendium des compétences des Docteurs qui est un réceptacle regroupant les principaux débouchés du Doctorat en Côte d’Ivoire, en fonction des profils et des spécialités des Docteurs.
Ce compendium des compétences doctorales est aussi sur la table de la Ministre de la Fonction publique depuis plusieurs mois déjà. Comme vous pouvez le noter, Il n’a donc jamais été question dans la lutte pour l’insertion professionnelle des Docteurs chômeurs, qu’ils soient tous recrutés nécessairement dans la fonction publique.
Huit ans après, avec la construction depuis lors, de l’université virtuelle et des universités de Man et San-Pedro, mais aussi les départs à la retraite, les décès et l’ouverture de nouvelles filières, les besoins du pays, seulement en Enseignants-chercheurs sont évalués aujourd’hui à environ 6500 Docteurs.
C’est pourquoi nous insistons sur des recrutements de masse dans nos universités où le déficit en Docteurs se pose avec plus d’acuité. En outre, l’éducation et la formation constituent le socle de tout développement durable. C’est pourquoi le père fondateur, le président Houphouët-Boigny aimait à dire et je cite : « Un pays n’a de richesses que d’hommes et de ressources humaines bien formées« , fin de citation.
La crise des 3000 Docteurs est d’autant plus incompréhensible qu’avec les besoins dans les universités publiques comme privées, et la centaine d’instituts et centres de recherche en Côte d’Ivoire, de même que dans l’administration publique comme privée, nous avoisinons des besoins nationaux estimés à plus de 7000 Docteurs. Donc, nous ne comprenons pas pourquoi nous en sommes à parler de docteurs chômeurs en Côte d’Ivoire.
LDI : Vous êtes engagés dans des pourparlers avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur depuis un moment. Que pouvez-vous dire à ce niveau ?
Depuis Décembre 2021, un cadre de dialogue a été effectivement mis sur pied. Plusieurs acquis ont été obtenus grâce à ce processus et à cette voie apaisée de recherche de solutions. Nous avons obtenu : le recrutement de 651 Docteurs pour l’année 2022 et au moins 635 Docteurs pour le mois de Février 2023. Ce qui portera le nombre de Docteurs Recrutés, entre Février 2022 et Février 2023 à au moins 1286 Docteurs, en une année, contre seulement 252 et 250 Docteurs recrutés respectivement en 2021 et 2020.
– le non renouvellement de certaines pièces constitutives du dossier de candidature (les articles déjà présentés, les diplômes légalisés, la copie du manuscrit de thèse,…) pour la seconde session de recrutement de l’année 2022; un accord tacite pour le recensement général de tous les Docteurs encore en attente d’un recrutement et pour leur insertion dans les autres secteurs d’activités sur la base du compendium des compétences des Docteurs, tout au long de l’année 2023.
LDI : À vous entendre on pourrait conclure que d’ici la fin de l’année 2023, il n’y aura pas un seul Docteur au chômage en Côte d’Ivoire. Alors, pourquoi avec des perspectives si encourageantes, l’on constate des mouvements d’humeur de certains Docteurs Non recrutés depuis plusieurs mois, ponctués par plusieurs interpellations ?
Les manifestations de certains Docteurs Non-Recrutés observés ici et là, résultent de l’impatience de quelques-uns de nos amis, qui souffrent des affres de la précarité. Notre quotidien difficile expose malheureusement certains de nos camarades aux sirènes de quelques politiciens populistes et démagogues, qui ont choisi de les utiliser pour leurs desseins personnels.
LDI : Bien saisi! Que voudriez-vous ajouter?
Vous me donnez l’occasion de remercier très sincèrement Monsieur le Ministre de l’Enseignement supérieur et son cabinet mais aussi l’ensemble du gouvernement pour les efforts importants déjà fournis et ceux qui seront consentis en 2023 pour mettre fin à cette crise, qui a suffisamment terni l’image de notre pays.
Je voudrais enfin, au nom de mes deux plus proches collaborateurs, Dr Ehounou et Dr Goly, membres du porte-parolat et au nom de l’ensemble des Docteurs du CDNR-CI, remercier chaleureusement votre structure pour sa sollicitude et la visibilité qu’elle ne cesse de donner à nos activités. Merci pour votre fidélité. Bonne et Heureuse année 2023 à tous.
Ledebativoirien.net
HERVE MAKRE