Pour son émission, ‘’Fenêtre sur l’Afrique’’, la dernière de l’année 2022, l’Invité du Journaliste Sylvain AMOS de la Radio Avulete Togo a été Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Coordination général du collectif pour la Vérité des Urnes Togo-Diaspora et membre de la Direction du Réseau de coordination de la Diaspora Togolaise Indépendante. Avec pour thème débattu: «Togo : Bilan de l’année et perspectives pour 2023».
Il y a avait de nombreux Leaders togolais d’opinion, au Togo et dans la Diaspora comme participants à l’émission dont : Dr. Richard TINDJO, Parti Démocrate Socialiste Africain, Prof. Dr. David DOSSEH, Association Togo Debout, Nicodème HABIA, Parti Les Démocrates, Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Association CVU-TOGO-DIASPORA, Me Raphaël KPANDÉE-ADZARÉ, CoDiTogo, Kouassi KLUSSÉ, Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), membres de la Diaspora togolaise. Sylvain AMOS au jeu de questions et réponses avec ses invités:
Sylvain AMOS : Les années 2021 et 2022 ont été le théâtre d’une guerre fratricide entre les dirigeants et militants des forces de changement démocratique au Togo. Pire que par le passé, la participation de l’opposition togolaise à l’élection présidentielle du 22 février 2022 en rangs dispersés a complètement plongé les forces de changement démocratique dans une crise de confiance et de défiance profonde. Des initiatives diverses pour tenter de recoller la cohésion brisée au sein des formations politiques de l’opposition et les organisations de défense des droits humains tardent malheureusement à porter des fruits. Comment expliquez-vous l’impossibilité pour les forces de changement démocratique à mutualiser leurs ressources pour mettre fin d’abord à la dictature héréditaire au Togo qu’elles prétendent toutes combattre ?
Yves Ekoué AMAÏZO Merci pour l’invitation.
A/ Permettez-moi d’abord de m’incliner devant la mémoire de tous ceux qui sont morts, et la douleur de ceux sont en prison, qui ont été torturés, qui ont souffert, ou sont en exil et luttent pour que la vérité des urnes et la démocratie effective triomphent au Togo. Ce qui signifie que le premier et le vrai problème n’est pas du côté du Peuple togolais, ni des représentations des alternatives politiques au pouvoir, que ce soit les partis politiques ou les organisations de la société civile y compris dans la Diaspora.- B/ Ce que vous appelez une «guerre fratricide entre les dirigeants et militants des forces de changement démocratique au Togo » est une réalité sur le terrain et dans la Diaspora. La raison repose dans la difficulté pour le Peuple togolais de faire un choix clair pour se choisir des dirigeants à partir d’un projet de société.
- En l’absence d’un projet commun, le débat porte sur les personnes et leurs égos. En fait, il n’y a pas de projet de société commun proposé au Peuple togolais, mais il y a eu des projets politiques pour porter au pouvoir tel ou tel individu politique. Le manque d’importance accordée par le Peuple togolais et ses représentants issus des partis politiques à la préparation de documents écrits présentant des visions et des choix sur le vivre ensemble est un fait. Pourtant, il faudra passer par là, puis y associer et faire adhérer les populations engagées en politique. C’est d’ailleurs une approche unitaire qui peut mettre fin à ladite guerre fratricide qui n’a pas lieu d’être.
C/ Bien sûr, avec un régime dictatorial, c’est la peur et l’impunité qui fondent les conditions de limitation des possibilités de s’organiser collectivement. Aussi, il devient fondamental de passer par au moins trois étapes, les valeurs éthiques africaines, le projet de transition et le projet de société commun. Il est plus facile à l’extérieur du Togo de s’organiser pour produire des documents. Mais, encore faut-il que les leaders togolais de l’opposition, partis politiques ou associations de la société civile en soient convaincus. Face à une forme de statu quo de la lutte pour le retour de la liberté et la fin de la peur et de l’autocratie au Togo, l’approche proposée par RCDTI et CVU-TOGO-DIASPORA, intitulée la Troisième voie pourrait intéresser une partie du Peuple togolais conscient.
- D/ Enfin, c’est à cette condition qu’un groupe de personnalités politiques et citoyennes pourra reconstruire la crédibilité d’une opposition politique indépendante de Faure Gnassingbé et de son système, mais aussi indépendante des partis politiques institutionnels. Il y va de l’identité et l’existence politique même des organisations de la société civile togolaise, systématiquement considérées comme des entités à cannibaliser par les partis politiques et surtout ceux du pouvoir, et non à valoriser comme des acteurs à part entière en politique. Ce qui ne veut pas dire que les propositions proposées par la société civile ne seront pas élaborées avec des acteurs des partis politiques ou indépendants.
- Le principe de travail de RCDTI et CVU-TOGO-DIASPORA repose sur la compétence6 et l’inclusivité. Mais il faudra mettre en place dans l’organisation de la troisième voie, un système démocratique de prise de décision et de respect de la décision majoritaire pour avancer. Les critiques constructives sont non seulement recevables, mais demandées et recommandées. Pour les critiques non-constructives, le silence est d’or. C’est pour cette raison que la rédaction de documents de base par des experts devrait permettre de construire ensemble un projet pour le Peuple togolais. Il ne s’agit plus de tenter de « détruire », sans justificatifs d’ailleurs, des individus qui ont chacun leur expertise et leur compétence pour soutenir l’avenir du Togo.
Par ailleurs, il faut constater le recul de la « cohésion au sein des formations politiques de l’opposition et les organisations de défense des droits humains » qui ne doit pas étonner. Il s’agissait d’une cohésion de façade. Cette hypocrisie envers le Peuple togolais ne pouvait que se briser. Il est donc question d’une véritable reconstruction que nous, RCDTI et CVU-TOGO-DIASPORA, appelons la TROISIEME VOIE, celle que nous proposons et qui peut être construite ensemble dans le cadre de conférences inclusives.
Mais, il n’est pas possible, dans un premier temps, d’inviter les représentants du système Gnassingbé, ni des individus espions du pouvoir Gnassingbé ou sans capacités, pour faire des propositions constructives dans la gestation d’un tel projet. Une fois le projet de base adopté par les représentants de l’alternative politique7 et citoyenne, il est suggéré, devant le Peuple togolais, de présenter les projets des Gnassingbé face au projet alternatif afin d’imposer un processus électoral permettant de choisir librement le projet que le Peuple togolais se sera choisi. Cela suppose aussi un changement fondamental du côté du pouvoir et du système Gnassingbé. Les partenaires au développement du Togo et amis des organisations citoyennes seront amenés à faire pression sur le pouvoir dictatorial et liberticide.
Notre proposition qui impose de revenir aux valeurs africaines ancestrales pose problème à plusieurs responsables togolais de l’opposition qui sont souvent bien éloignés dans la pratique de ces valeurs et préfèrent se contenter d’une approche populiste qui n’est d’ailleurs pas efficace.
La mutualisation des groupes de citoyens souhaitant un véritable changement démocratique au Togo suppose d’abord de se rencontrer sur la base d’une proposition écrite, d’accepter de fixer les règles internes de fonctionnement et de prise de décision, puis de travailler pour obtenir un consensus sur une charte des valeurs , un projet de transition politique dit « charte de la mutation du Togo9 » et un projet de société commun.
La mutualisation passe par un travail sérieux et approfondi sur l’offre politique, économique, sociale, juridique, environnementale qui sera proposée au Peuple togolais et l’adhésion d’une partie majoritaire du Peuple togolais à cette proposition. Il faut toutefois faire attention à des citoyennes et citoyens togolais qui ont pour mission de déstabiliser toutes les initiatives de construction d‘une alternative politique au Togo. Mais, la fin de l’autocratie héréditaire du système Gnassingbé au Togo ne peut être combattue par des gens qui, en catimini, travaillent avec ce même régime. Le Peuple togolais devra en prendre conscience pour ne plus se faire rouler dans la farine de manioc par une partie de l’opposition qui légitime Faure Gnassingbé et son système avec en contrepartie, des actions pour donner l’image d’une démocratie qui fonctionne. Il ne s’agit vraisemblablement pas des exemples similaires au Cap-Vert. La lutte pour le retour de la liberté et le choix souverain du Peuple togolais de choisir ses dirigeants doit absolument reprendre en 2023.
Nous voici, de nouveau, à la veille d’une nouvelle année électorale au Togo. En effet, en 2023, se tiendront des élections régionales et législatives au Togo. Les élections fraudées et volées systématiquement par les gouvernants actuels au Togo sont-elles finalement utilisées comme une arme redoutable pour maintenir l’opposition togolaise dans la division, l’incompréhension et la désunion ?
Oui, les élections au Togo sont fixées unilatéralement par le parti au pouvoir et les élites au pouvoir. Ne pas y participer d’une part revient à légitimer le boycott. Du coup, toutes les décisions où l’opposition est absente se feront sans elle. Mais, l’opposition ne portera pas la responsabilité de cet état de fait. Y participer d’autre part dans des conditions avérées de contre-vérités des urnes, c’est s’engager pour tromper le Peuple togolais, puisque la participation de l’opposition sera utilisée comme un faire-valoir, et surtout permettra de justifier que l’on peut vivre dans une fausse démocratie avec une opposition qui fera semblant de contester.
En effet, la majorité automatique des affidés du pouvoir, notamment les membres du parti de Faure Gnassingbé, le parti Union pour la République (UNIR, ex-Rassemblement pour le Peuple togolais (RPT)) et les représentants des nouveaux partis dits centristes qui servent de satellites au parti UNIR ne se gêneront pas pour démontrer la légitimité des décisions majoritaires, qui ont vu une participation marginale des partis dits de l’opposition très, très modérée, ou des partis d’opposition extrêmement minoritaires.
Des efforts isolés ou concertés pour faire renaître l’espoir populaire d’un véritable changement démocratique au Togo se poursuivent tant dans la diaspora que sur le terroir national ?
YEA. Oui, mais compte tenu des alignements des uns et des autres, cela se traduit par l’émergence de plusieurs structures autonomes, parfois infiltrées par le système Gnassingbé. Mais, à part faire du buzz dans les réseaux sociaux, ou se plaindre et donner des instructions sans conséquences à Faure Gnassingbé et au pouvoir togolais, il n’y a, à ma connaissance, pas de véritables projets de société ou projets, il semble que de nombreux citoyennes et citoyens togolais sont des véritables «consommateurs » d’information politique mais rechignent à donner de leur temps, de leur argent et surtout de leur intelligence pour construire, soutenir et améliorer les actions existantes et/ou en cours. Il faut espérer que cela change en 2023.
YEA. La réponse tient principalement en deux points : • A/ la volonté du Peuple togolais de ne plus accorder sa confiance à des gens qui l’ont trompé ou conduit à se retrouver dans une impasse politique aujourd’hui.
- B/ la volonté des dirigeants politiques qui souhaitent un changement politique au Togo de proposer un projet de transition et un projet de société commun et demander au Peuple togolais de s’en approprier et d’en faire un projet politique commun sur une base démocratique et d’élection des représentants de cette structure sans l’intervention des agents liés de près ou de loin à Faure Gnassingbé et à son système pervers et déstabilisateur.
En effet, c’est sur la base de propositions écrites, appropriées, décentralisées et réajustées que des femmes et des hommes pourront émerger sur une base démocratique comme pouvant porter ces propositions adoptées dans les conférences inclusives. Ceci pourra recréer la crédibilité aujourd’hui perdue de l’opposition institutionnelle togolaise. Le patriotisme seul ne suffit pas. Il faut être capable d’offrir des propositions concrètes, alternatives et pouvant servir de feuille de route dans le cadre d’une gestion future alternative du pouvoir. Pour gagner du temps, il importe d’anticiper et de proposer un document sur le projet de transition politique, à la différence du Mali ou du Burkina qui s’y sont attelés après un Coup d’Etat.
Vous êtes un leader d’opinion au Togo et dans la diaspora. Quelles sont vos propres résolutions pour aider à l’aboutissement du long combat populaire pour l’alternance politique et la bonne gouvernance sociale et économique en 2023 au Togo ?
Alors comment sortir du dilemme que constitue une partie de l’opposition légitimatrice et alimentaire?
A notre humble avis, il faudra d’abord, en 2023, trouver un consensus entre une opposition élargie (partis politiques et organisations de la société civile) pour un mode de fonctionnement démocratique basé sur des décisions souveraines de chacune des réunions que nous appelons les conférences inclusives au niveau du RCDTI et du CVU-TOGO-DIASPORA. Le problème est que cela demande beaucoup d’efforts dans la préparation et que de nombreux dirigeants de l’opposition estiment que ce n’est pas nécessaire, qu’ils ou elles n’ont pas le temps. Du coup, c’est la loi de celui qui est déjà en place, une forme de dictature dans ce qui tient lieu d’opposition au Togo. La division, l’incompréhension et la désunion sont la marque de ceux qui ne veulent rien construire en commun sur des bases démocratiques au service du Peuple togolais.
Par ailleurs, il ne faut plus donner un rôle principal aux autorités religieuses compte tenu des nombreuses erreurs passées et pour certaines, leurs rôles de collaborateurs et légitimateurs du système Gnassingbé. Balayer ce qui est illégitime relève de la légitimité. D’ailleurs, au cours de l’année 2022, dans le cadre d’un procès contre l’Etat togolais, le groupe CVU-TOGO-DIASPORA et consort a demandé à ce que certains dignitaires religieux comparaissent devant la Cour de Justice de la CEDEAO pour préciser à la face du monde et du Peuple togolais, s’ils ont agi ou pas comme des complices du système Gnassingbé et des traitres quant à la défense du Peuple togolais.
Votre mot de fin, Dr. Amaïzo ?
Le principe des conférences inclusives suppose que la méthode repose sur des processus de décision transparents et souverains. Ce qui signifie que l’avenir de la représentation d’une opposition togolaise devrait passer par une représentation issue principalement de la société civile, y compris la Diaspora. Il faudra veiller à ne pas se faire infiltrer par les agents du système Gnassingbé en mission commandée, notamment dans les réseaux sociaux.
Aussi, personne ne peut contraindre un Peuple à choisir des élites politiques qui ne sont pas exemplaires ou éthiques pour sortir de l’impasse politique au Togo. Le Peuple togolais conscient et engagé devra accompagner le mouvement dynamique d’une solution qui ne se trouve plus avec des femmes et hommes politiques du passé, mais avec celles et ceux du futur. Néanmoins, ces dernières et ces derniers doivent nécessairement être exempts de corruption, opter pour les valeurs africaines ancestrales de dignité, de vérité et de justice. Bref, l’avenir des représentants du Peuple togolais devra passer par l’exemplarité. Un des premiers consensus à obtenir pourrait se faire sur une Charte de refondation du Togo qui serait une Charte comprenant les valeurs que chaque Togolaise et Togolais engagé et déterminé à mener la lutte à sa fin devra accepter et respecter.
C’est pour nous, ce qui explique le retard dans l’organisation d’une alternative écrite et crédible. En 2023, chaque togolaise et togolais devra proposer le « COMMENT » et moins le « Y A Qu’à » … Il est vrai que des forces militaires se sont rangées du côté d’un Président illégal et anticonstitutionnel, ce avec l’appui de certains pays occidentaux. Mais, la vérité et la justice du Dieu créateur des Africaines et des Africains finiront par triompher.
RCDTI et CVU-TOGO-DIASPORA restent disponibles pour une synergie des luttes, dès lors que les principes de valeurs éthiques (Charte des valeurs) et approches opérationnelles (projet de transition, projet de société commun) proposés sont mis en concurrence et partagés pour assurer une cohérence et une convergence. Les approches proposées seront décentralisées et ajustées au niveau de chacune des communes ou entités délocalisées du Togo. Les conférences inclusives proposées, sous toutes les formes, permettront de valoriser les documents d’unification des forces alternatives du changement. Il y va de l’unité16 des forces alternatives pour la mutation du Togo. Je vous remercie pour l’invitation et vous souhaite, ainsi qu’au Peuple togolais, une année 2023 sous l’esprit maâtique de nos ancêtres et du Dieu unique créateur.
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Avec Afrocentricité Groupe