Alassane Ouattara à l’heure des grandes manœuvres politiques
Dans son édition du 07/02/2023 ‘‘Africa Intelligence’’, ce site professionnel, un quotidien d’informations publié en français et en anglais qui se donne pour mission de décrypter l’actualité des pouvoirs économiques et sur des réseaux de pouvoir politiques du continent africain, fait quelques révélations, sur l’ambiance politique en Côte d’Ivoire. Avec une seul maître du jeu. Suivez !
A huit mois des élections locales et régionales et à deux ans de la présidentielle de 2025, Alassane Ouattara veut renforcer sa majorité. Son parti, le RHDP, s’est lancé dans une vaste campagne de ralliement qui affaiblit directement Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. En coulisses, un remaniement ministériel est par ailleurs à l’étude.
La séquence promet d’être « historique ». Ce 8 février, le président ivoirien Alassane Ouattara doit réunir de nouveau ses deux prédécesseurs Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié dit « HKB » à Yamoussoukro. L’ambiance s’annonce néanmoins différente de leur précédente entrevue, le 14 juillet 2022. En effet, la relation entre Bédié et Gbagbo a beaucoup évolué en six mois. Alors que les deux hommes étaient liés par une alliance en bonne et due forme, l’ancien président Bédié se montre désormais beaucoup plus évasif sur ses projets de futures alliances politiques.
Départs et dissensions au PDCI
En bon tacticien, le chef de l’Etat ivoirien n’a cessé de vouloir éloigner la perspective d’un front commun entre les deux ex-présidents. Ces derniers mois, il a échangé à plusieurs reprises avec Bédié par téléphone. Fin novembre, ils ont évoqué la situation financière fragile du second : l’ancien président n’a, en effet, plus accès à certains de ses comptes qui étaient domiciliés dans un établissement bancaire ivoirien ayant fait faillite. Une situation dont s’est émue à plusieurs reprises « HKB » à Alassane Ouattara.
Outre ces problèmes financiers, Bédié doit par ailleurs faire face à un Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) plus que jamais divisé. Le départ de son directeur de cabinet, Narcisse N’dri, au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est venu jeter une lumière crue sur les dissensions entre les cadres de la formation. N’dri n’est pas le seul baron à regarder ailleurs : au moins cinq maires de la formation sont actuellement en discussion avec le RHDP pour finaliser une alliance aux élections locales de novembre. Plusieurs voix au sein du parti s’inquiètent par ailleurs des supposées velléités de départ de l’ancien maire de la commune du Plateau, Noël Akossi Benjo. Il rejoindrait ainsi Richard Yara, membre du bureau politique du PDCI et Raymond Yapi N’dohi, ancien maire de Koumassi, qui ont tous les deux annoncé leur ralliement à la majorité en décembre.
Le congrès de la discorde
Le parti de HKB, qui passe désormais le plus clair de son temps dans sa résidence de Daoukro, à plus de deux cents kilomètres d’Abidjan, est divisé en deux grandes tendances. Les défenseurs de Bédié plaident pour l’organisation d’un congrès extraordinaire au premier trimestre 2023, préalable à un congrès ordinaire prévu à l’été 2023. Un évènement qui doit, selon les partisans de HKB, permettre de « toiletter » certains textes tout en mettant en conformité les statuts du parti.
Dans l’autre camp, regroupés autour du numéro deux du PDCI, Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif du parti, se sont réunis des cadres tels que Georges Philippe Ezaley, secrétaire exécutif adjoint, Robert Niamkey Koffi – nommé par « HKB » pour organiser les élections au sein du parti – ou encore Suy Bi Gohoré Emile, le conseiller juridique de la formation politique. S’ils ne s’expriment jamais publiquement sur la crise qui secoue actuellement le PDCI, ils s’opposent en coulisses à la tenue de tout congrès extraordinaire.
Rente viagère de Gbagbo
Tout en débauchant au PDCI, Ouattara a également apaisé ses relations avec Laurent Gbagbo. Comme révélé par Africa Intelligence (AI du 17/01/23), le président ivoirien a ordonné le 10 janvier 2023 le paiement des arriérés de la rente viagère que réclamait le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) en tant qu’ancien chef de l’Etat depuis 2020.
La somme, estimée à un peu plus de deux milliards de francs CFA (environ trois millions d’euros), a été réceptionnée six jours plus tard sur le compte bancaire ivoirien de Laurent Gbagbo. Un virement qui vient mettre fin à une séquence politique de près de trois ans durant laquelle Ouattara aura été, de bout en bout, le maître des horloges. De la délivrance d’un passeport diplomatique à Laurent Gbagbo en novembre 2020, à son retour en Côte d’Ivoire six mois plus tard, en passant par la grâce présidentielle dans l’affaire dite du « casse de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) », Alassane Ouattara aura avancé carte sur carte selon un timing directement impulsé par ses soins.
Deux jours après le virement du 10 janvier, Alassane Ouattara s’est entretenu dans le plus grand secret au téléphone avec son prédécesseur. Si leurs relations restent fraîches, Gbagbo se montre désormais en privé moins critique à l’endroit de son successeur.
Alliance avec le FPI
La direction du RHDP continue également de scruter l’activisme de la nouvelle formation lancée par Gbagbo en août 2021 : le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). Frappée elle aussi, à l’instar du PDCI, par d’importantes dissensions internes, elle peine pour le moment à trouver sa dynamique et à engranger les soutiens escomptés. L’ancien ministre de la jeunesse de Gbagbo, emprisonné avec lui à La Haye, Charles Blé Goudé, refuse pour le moment d’adhérer à la formation et plusieurs cadres du PPA-CI se montrent de plus en plus critiques sur le fonctionnement interne du nouveau parti.
Si Gbagbo est parvenu à emmener plusieurs barons de son ancien parti, le Front populaire ivoirien (FPI), son ex-premier ministre Pascal Affi Nguessan, à la tête de la formation depuis 2001, a quant à lui annoncé le 28 janvier une alliance inédite avec le RHDP.
Si la décision vient d’être officialisée, cela fait plus d’un an et demi qu’il négociait les contours de cet accord avec la majorité présidentielle. Les discussions ont ainsi débuté dès septembre 2021 sous l’impulsion d’Adama Bictogo, alors directeur exécutif du RHDP. A l’époque, l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne avait discrètement reçu à plusieurs reprises l’épouse de Pascal Affi Nguessan, Angeline Kili, particulièrement influente auprès de son mari.
Remaniement en avril ?
Alors que le RHDP multiplie les ouvertures et les nouvelles alliances, des scénarios de remaniement ministériel sont évoqués à bas bruit à Abidjan. Une opération qui pourrait à la fois permettre de constituer un gouvernement de combat pour aller aux élections locales et régionales d’octobre et novembre 2023, mais aussi de récompenser de nouveaux soutiens de la majorité. Si les contours de cet hypothétique remaniement restent encore très flous,
Il pourrait intervenir au mois d’avril, soit un an jour pour jour après la dernière dissolution du gouvernement qui avait débouché sur la mise en place d’une équipe resserrée et sur la nomination d’un vice-président en la personne de Tiémoko Meyliet Koné.
La manœuvre devrait toutefois être délicate. Si en public le RHDP affiche une certaine unité de façade, les premières lignes de fracture se dessinent entre plusieurs puissants poids lourds de la majorité, alors que l’ombre de la présidentielle de 2025 plane chaque jour un peu plus sur les bords de la lagune Ebrié. A SUIVRE.
Ledebativoirien.net
Par Africa Intelligence
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