Dr Pascal Tanoh Adjéhi « …Nous sommes rassurés que les ministres mettront fin à la crise du Doctorat en Côte d’Ivoire»/Interview
Dr Pascal Tanoh Adjéhi est le porte-parole du Collectif des Docteurs non recrutés en situation de glissement catégoriel de Côte d’Ivoire. Ils sont titulaires du doctorat et exercent au sein de la Fonction Publique. Avec l’annonce du concours de recrutement session 2023 de 700 Assisatnts par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, il lève un coin de voile sur la situation professionnelle en Côte d’Ivoire des titulaires de ce diplôme universitaire (le dernier), peu valorisé par la Fonction publique. Cependant, une atmosphère nouvelle semble émerger pour une autre perception du doctorat, certainement née des efforts conjugués des ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Fonction Publique.
Avec Ledebativoirien.net-LDI, allons-y dans la tête d’un fonctionnaire titulaire du doctorat, Dr Pascal Tanoh, qui ne passe pas par quatre chemins devant l’agitation de certains de ses condisciples en attente d’un numéro matricule. Suivez !
Le Debat Ivoirien: Le ministère de l’Enseignement Supérieur a officiellement ouvert le concours pour le recrutement 2023 des Assistants. Où en êtes-vous au niveau de votre collectif ?
Dr Pascal Adjégi Tano : Bonjour Monsieur le journaliste. En ce qui concerne le lancement du concours de la session 2023, nous ne pouvons qu’exprimer notre satisfaction, sachant qu’il y a eu antérieurement des années successives où ce concours n’a pas été lancé. Ce qui a engendré un flot important de docteurs sur la touche.
Pour notre collectif du fonctionnaire, en situation de glissement catégoriel, c’est une aubaine, une bonne occasion de revalorisation de notre statut. Car il est constaté que, seul ce ministère se penche véritablement sur la question de la promotion des fonctionnaires titulaires du Doctorat.
Dans certains ministères, les fonctionnaires qui ont obtenu le Doctorat au cours de leur carrière, sont devenus les derniers de la classe. Je veux dire, ce haut diplôme n’impacte point leur carrière et pire, il leur faut renoncer à leur grade s’il est déjà au-dessus de A4, avant d’espérer une promotion par concours à l’Enseignement Supérieur.
Suivez avec moi, le cas d’un fonctionnaire qui a le grade A7 dans un ministère donné. Il n’y a jusque-là pas connu de promotion avec son titre de Docteur et est obligé de tenter une renonciation de son grade A7 en vue de candidater pour le recrutement à l’Enseignement Supérieur, puisqu’il est à quelques pas près de la retraite. Paradoxalement, lorsque nous tentons les mises à disposition, c’est peine perdu: avis généralement défavorable. Si donc l’Enseignement Supérieur nous ouvre ses portes, nous ne pouvons qu’être heureux. C’est pourquoi nombreux sont ceux d’entre nous qui s’attèlent à constituer leurs dossiers et bosser durement dans l’espoir d’une promotion.
LDI : La surprise de ce concours c’est aussi le complément du nombre de postes budgétaires annoncé qui était de 675 et qui passe à 700. Comment l’accueillez-vous ?
A ce point précis, nous ne le demandions pas à travers des formules radicales, mais bien mieux en termes de doléance que partagent la majorité des docteurs en attente de recrutement nouveau ou de promotion. Avec l’annonce du relèvement des postes budgétaires, notre satisfaction s’est accrue et nous sommes rassurés que les perspectives ouvertes par le Ministre Diawara et la Ministre Anne Ouloto, permettront d’ici peu de mettre fin à la crise du Doctorat en Côte d’Ivoire.
Vous avez des préoccupations spécifiques à liées votre segment de docteurs à la Fonction publiques, ce recrutement les prend-t-il en compte ?
Là où il y a eu quelques grincements de dents au niveau de notre collectif, c’est que les 25 postes budgétaires complémentaires sont seulement au profit des recrutements nouveaux et des contrats. Toutefois, suite à nos plaidoyers, la hiérarchie a fait des ouvertures, en permettant aux fonctionnaires dont les spécialités n’étaient pas prises en compte au départ, de participer désormais dans certaines disciplines où toutes les spécialités sont maintenant acceptées. Aussi, l’analyse de la conformité entre disciplines, spécialités visées par les candidats et leurs parcours, dégage de nombreuses possibilités de candidatures à beaucoup de docteurs issues des différentes catégories.
Pensez-vous que la ministre de la Fonction publique mesure la situation ?
Nous ne cesserons pas de réitérer nos remerciements à la Ministre de la Fonction Publique et à son cabinet, pour tous les efforts continuellement consentis dans le sens de la revalorisation de notre statut, de titulaire du doctorat la Fonction Publique. Dans nos doléances à son endroit, nous avons souhaité des mobilités internes et aussi externes qui puissent amener les fonctionnaires titulaires de Doctorat à embrasser d’autres emplois supérieurs.
Bien évidemment la Fonction Publique est à pieds d’œuvre pour faciliter la promotion des fonctionnaires titulaires d’un doctorat n’ayant pas impacté leurs carrières. Nous sommes donc en mesure de signaler déjà que l’Etat ne nous a pas oubliés. Nous avouons qu’avec la crise du Doctorat, nombreux sont nos collègues fonctionnaires qui préparent le doctorat, qui ont marqué un arrêt dans leurs études académiques, sous le poids du découragement.
Il reste important de souligner que cette « punition » va bientôt muer en satisfaction. Notons que le Président de la République, son Excellence Alassane Ouattara, lui-même semble plus pressé de voir le nouveau Statut Général de la Fonction Publique prendre effet. De même, avec la création de nouveaux emplois, nous espérons que chaque fonctionnaire titulaire du Doctorat, sera à la place qui lui sied, en vue de servir davantage le pays et participer pleinement à son émergence.
Nous réitérons donc nos remerciements à son Excellence le Président Alassane Ouattara, au Premier Ministre, chef du gouvernement, Monsieur Achi Patrick; A madame la Ministre Anne Ouloto de la Fonction Publique et au Ministre Adama Diawara de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, voire à l’ensemble du Gouvernement de Côte d’Ivoire.
Pour rappel, dès la mise sur pieds de notre collectif en juillet 2022, c’est avec le Cabinet de la Fonction Publique que nous avons ouvert les premiers échanges sur la question et nous avons eu des séances de travail très enrichissant au niveau du Cabinet, dont les portes nous sont restées grandement ouvertes jusqu’à ce jour. Quant au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, nous reconnaissons que le Ministre Adama Diawara et son cabinet posent de bonnes actions pour la prise en compte du Doctorat à la Fonction Publique.
Nous attendons que les fonctionnaires titulaires du Doctorat soient véritablement impactés par ce diplôme, au vue de leurs expériences socioprofessionnelles et des années de souffrances endurées sur tous les plans; quand nous savons aussi qu’il est combien pénible de concilier Travail-Famille et Etudes académiques.
Ce recrutement 2023 se passe comme vous le voulez dans de bonnes conditions avec un engouement ?
Avec les acquis observés au niveau des postes budgétaires, des possibilités de candidature élargies et des perspectives d’insertion à venir juste après les résultats de ce concours, nous sommes encore satisfaits. En tout cas, les membres de notre plateforme sont très mobilisés pour participer au concours et ils le préparent avec tout le sérieux possible.
LDI : Des docteurs non recrutés continuent d’appeler au boycott du concours de recrutement, quelle est votre analyse ?
A ce propos, je note que chacun est libre face à son avenir. Ce qui est choquant et étonnant, c’est que des gens qui appellent au boycott rasent les murs pour candidater. J’appelle ça de la pure sorcellerie. Les exemples sont légion depuis que ces gens lancent le boycott. Ils parlent de boycott, mais certains parmi eux sont admis lors de la proclamation des résultats. Cela montre que ce sont de vains mots pour amuser la galerie.
Il y a un jeu de rôle qui consiste à distraire les Docteurs pour s’accorder plus de chance pendant la compétition. Moi j’ai bien noté de tels cas au sein de notre collectif. Mais Dieu n’aime pas ce genre de distraction. Soyons un peu franc et humain. La chance ne vient au rendez-vous que lorsqu’elle se sait accompagnée de travail, d’efforts et de sérieux. Arrêtons de distraire nos amis. Soyons moins méchants et ne nous croyons pas trop rusés.
Le machiavélisme broie toujours du noir devant la justice divine. Chacun est donc libre dans ses projets. Je n’en disconviens pas. Et chaque Thèse à son histoire propre. Je n’ai pas à mon niveau l’âme d’un esclave et je refuse le destin d’une feuille morte qui est livrée aux caprices du moindre vent. Je ne subirai jamais les caprices de quiconque banderait vainement ses muscles devant une situation aussi sérieuse que la crise du Doctorat.
Quel que soit notre force, notre corpulence, la dimension de nos muscles, la force de l’argument supplante toujours l’argument de la force. Tout finit à la table des négociations. C’est pourquoi il est impérieux de commencer par là; surtout dans un contexte où celui qui est en face est ouvert et non fermé aux échanges, aux discussions.
Moi je désire candidater. Chacun ayant ses aspirations, je ne peux m’opposer aux désirs de quelqu’un d’autre. Les conditions d’organisation du concours étant pour moi claires, précises, je vais me permettre de tenter ma chance et espérer avoir ma promotion à travers le Doctorat que j’ai obtenu au prix de mes propres efforts et moyens.
Pensez-vous que le ministre de l’Enseignement Supérieur Pr Adama Diawara fait assez dans la résorption de la crise du doctorat en Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui on parle de candidature unique. Nous ne faisons plus le « tourisme », la balade dans toutes les villes pour déposer nos dossiers de candidature dans chaque université du pays. Il y a aussi le droit unique de candidature, une souplesse dans les dossiers: cette année il n’y a plus de thèse physique à déposer et les fonctionnaires sont maintenant exemptés du certificat de nationalité.
Les UE fondamentales pour les auditions sont limitées à celles de la licence 1. Nous sommes à 700 postes budgétaires pour ce concours. L’ouverture du concours à plusieurs disciplines et spécialités, la loi sur l’enseignement supérieur et ses effets sur l’insertion des diplômés du supérieur…Mieux, les perspectives à venir annoncent un recensement des différentes catégories de Docteurs après la proclamation des résultats de la session 2023. Ceci en vue de trouver d’autres perspectives d’insertion digeste: on peut citer les voies de l’enseignement général secondaire, de l’enseignement technique et professionnel secondaire et aussi la Fonction Publique. Comment ne pas lui être reconnaissant et encourager ses efforts pour que d’ici fin 2023 cette crise du Doctorat soit un vieux souvenir!
Avez-vous une adresse particulière pour tous les docteurs non recrutés, confondus ?
C’est au nom de votre grandeur d’esprit et de la confiance que vous avez placé en nous, que j’ai pu supporter et surpasser ces langues démagogiques pour qu’on aille jusqu’au bout. Les diverses missions engagées auprès des autorités compétentes étaient et continuent d’être appréhendées par ces oiseaux de mauvaises augures, comme une entreprise égoïste. Il faut selon eux rejoindre la rue, changé de méthodes de revendications…
Ils vont loin, en continuant de me livrer à leurs réseaux de calomnieuse pour des actes non fondés et injustifiés. Dieu nous voyant tous, j’assume. Même le Christ n’a pas fait l’unanimité. Je retiens avec cette expérience que partout où l’on veut bien faire, il y a toujours des esprits négatifs qui cherchent à le pousser dans le gouffre. Si c’est parce que je n’ai pas dévié notre ligne directrice et qu’on me prend pour un ennemi, je mets toujours Dieu au-devant. Il rétablira tout, dans la conscience de mes détracteurs, pour qui je continuent de me battre sagement.
A mes cadets qui attendent leurs premiers matricules, je dirai de ne pas céder au désespoir et de préparer le concours. Je salue notamment l’ensemble des collectifs ayant opté pour le dialogue social. C’est grâce à nos compréhensions communes de la crise, que les autorités ont pu prendre certaines mesures qui sont au bénéfice de tous, sans exception. Partout où nous nous retrouverons demain, cultivons toujours la responsabilité, restons de vrais leaders qui participent intelligemment à la résolution des problèmes.
Le Doctorat, une fois reconnu à la Fonction Publique, nous redonnera le sourire tant dans les amphis que dans les hauts lieux de l’administration. Nous réitérons notre reconnaissance sans faille à Ledebativoirien, qui nous a suivi et encadré dans notre mission de négociation concernant la crise du Doctorat. Vive la Côte d’Ivoire, pour que vive des diplômés de Doctorat en pleine activité. Merci et bonne chance à tous.
LDI : Merci Dr Pascal Tanoh porte-parole du collectif des docteurs en situation du glissement de Côte d’Ivoire.
Ledebativoirien.net
par HERVE MAKRE