CEDEAO-A la lumière des putschs en Afrique de l’Ouest depuis Août 2020, nous avons aujourd’hui une meilleure compréhension du déroulé de ses opérations, et pouvons dégager des pistes de solutions pour les prévenir, au cas échéant pour les mâter. Le putsch du Niger est un « copié-collé » de celui de la Guinée Conakry en Septembre 2021, qui a vu le renversement du président Alpha Condé.
Dans les deux cas, les putschs ont été menés par les gardes présidentielles, les unités justement chargées de les prévenir ou les mater au besoin. L’opération a consisté à prendre en otage le président dont on est censé assurer la surveillance, ce qui permet d’éviter une riposte immédiate de l’armée. Ensuite engager les tractations pour obtenir son ralliement, certainement en promettant des postes dans le nouveau régime qui se mettra en place.
Il est difficile que le cambriolage d’une banque échoue lorsqu’il est orchestré par celui-là même qui détient la clé du coffre-fort. De même, il est tout aussi difficile qu’une tentative de putsch échoue lorsqu’elle est mise en œuvre par l’unité qui est censée riposter aux putschs. Pourtant au Cameroun en 1983, la garde présidentielle installée par l’ancien président Ahmadou Ahidjo, avait tenté de renverser le président Paul Biya en fonction depuis un an. Elle avait été écrasée par l’armée qui ne s’était pas ralliée. Bien sûr nous sommes ici dans un cas extrême, mais cela montre qu’un putsch mené par la garde présidentielle, n’est pas fatalement condamné à réussir. Tout dépend de l’attitude du reste de l’armée.
Un putsch est toujours l’œuvre d’un petit groupe d’officiers, pour une raison simple. Plus il y a de monde impliqué dans la planification, plus le secret sera difficile à garder. Ainsi les putschistes sont toujours une minorité au départ. Le reste de l’armée ne se rallie que devant le fait accompli. Mais l’armée peut aussi ne pas se rallier, et dans ce cas, ne serais-es-ce que numériquement, elle est toujours en capacité de briser un putsch quel qu’il soit. Aussi la question qui se pose est de savoir pourquoi elle ne le fait pas dans certains cas. Comprendre cela c’est comprendre ce qui détermine la réussite ou l’échec d’un putsch.
Lorsque l’armée « ne bouge pas »
, cela signifie de facto un ralliement. En réalité, un putsch est un coup de poker, les auteurs font le pari que l’armée va se ranger à leurs côtés, ils avancent dans le vide. Raison pour laquelle le véritable meneur n’apparaît généralement qu’un ou deux jours après l’opération, lorsqu’il a la certitude que l’armée s’est finalement ralliée. Ainsi le dernier mot dans un putsch revient toujours au reste de l’armée, c’est ce qu’il convient de retenir. Un putsch n’est en rien un » événement fatal « , quand bien même le président serait otage des putschistes.
La réussite d’un putsch est d’abord une affaire de psychologie. Toute armée hésite à « tirer sur elle-même ». Lorsque le pouvoir en place est renversé par un groupe d’officiers avec quelques troupes en soutien, l’armée aura tendance à se ranger derrière les « nouveaux maîtres », plutôt que de rétablir l’ancien régime, car cela reviendrait à combattre contre elle-même. C’est ce « blocage psychologique » qui empêche dans la majorité des cas les armées d’écraser les putschs. Un autre facteur intervient. Durant les premières heures d’un putsch, un « vide » s’installe. C’est à ce moment que les tractations sont menées pour rallier le reste de l’armée. Il est crucial pour l’Exécutif en place, de ne pas laisser ce vide s’installer, s’il veut reprendre la main.
Or très souvent dans ce moment déterminant, l’initiative est laissée aux putschistes, alors qu’en réalité ils n’ont pas encore le soutien de l’armée. C’est ce vide qui est fatal au régime en place. Personne ne veut prendre les devants pour coordonner la réponse aux putschistes. Tout le monde cherche à se « mettre à l’abri ».
Or chez les militaires, devant ce vide, « celui qui donne le premier ordre devient de facto le chef ». C’est quelque chose de caractéristique dans la psychologie des hommes en armes. Le grade ne compte pas. Celui qui se met devant la situation et prend les initiatives devient tout de suite le patron, il prend tout de suite l’ascendant sur les autres.
Pour déjouer un putsch,
le régime doit absolument montrer qu’il est toujours en place en prenant le contrôle des canaux de communication, et en mobilisant de façon visible quelques troupes, juste pour montrer à la fois à la population et aux putschistes qu’il est en place. Ce déploiement de troupes va tout de suite établir un rapport de force. La perspective de combats fera toujours reculer « d’une manière ou d’une autre » les mutins ou putschistes.
Parce que dans les toutes premières heures, ils savent n’ont pas encore le ralliement de l’armée, et ne pourront pas soutenir un « assaut compact » de celle-ci. Répétons-le, il ne s’agit pas de tirer le moindre coup de fusil, mais de seulement mobiliser de façon visible une partie de l’armée pour envoyer un « message » aux officiers qui tirent les ficelles.
Cela suffira. Les putschistes tenteront alors de négocier une sortie, quand bien même ils détiendraient le président en otage. Contrairement à ce que l’on pense, ils n’oseront pas s’en prendre à lui quoi qu’il arrive, parce qu’il sera un peu comme leur « assurance vie ».
Mais les troupes loyalistes doivent avoir la conviction que le régime est toujours en place, que la chaîne de commandement officielle tient toujours, elles ne doivent pas se dire qu’elles vont donner l’assaut dans le vide, pour une autorité qui n’existe plus.
Elles doivent clairement sentir que les autorités sont toujours en place, alors elles obéiront et les putschistes seront rapidement isolés. Bien sûr, cela suppose que parallèlement il faut mener les tractations pour rallier les chefs des différents corps, il ne faut pas laisser uniquement les putschistes s’activer sur ce terrain.
En Afrique, les gardes présidentielles sont des unités qui ne dépendent pas du haut commandement de l’armée. Elles sont directement commandées par un état-major incorporé à la présidence.
Elles sont mieux équipées et mieux rémunérées, d’où une défiance avec le reste de l’armée. Au Niger, l’armée a produit son communiqué de ralliement deux jours après la prise en otage du président, c’est dire que les différents chefs de corps n’ont pas été facile à « convaincre », c’est aussi dire que les autorités ont disposé de deux jours pour inverser le cours des événements. Par Douglas Mountain – Le Cercle des Réflexions Libérales.
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