Durant la crise Covid, des acteurs étatiques de premier plan ont pesé de tout leur poids dans l’attribution de marchés de fournitures de masques chirurgicaux à certaines entreprises pharmaceutiques. Une enquête menée par NOEL KONAN (journaliste d’investigation) publiée par Ledebativoirien.net. Vous allez comprendre le leadership féminin. Révélations (fin).
Passe d’armes entre Chantal Fanny et S. Christian
La décision (unilatérale) de S. Christian de quitter l’université de la sénatrice et de ne plus lui payer un centime va engendrer une vive tension entre les deux. Leurs échanges sont assez édifiants. Le message de Chantal Fanny envoyé le 13 avril 2021 à l’ex-doyen académique de l’université Clairefontaine illustre bien le climat délétère qui règne désormais entre eux :
« Mr Seya, j’ai été fort désagréablement surprise d’apprendre ce jour que vous avez envoyé à Dr Zadi votre lettre de démission. J’en prends acte et je le déplore, c’est dommage que ça se termine ainsi. Clairefontaine a toujours voulu être une école familiale basée sur des valeurs relationnelles, voire familiales et non sur le matériel et l’hypocrisie. Vous quittez le navire, bon vent et rendez-vous très bientôt. NB : Dr Diaby et moi sommes toujours en attente de ce que vous savez. Business is Business. Ce volet-là, on ne le prendra pas en fair-play : Bien à vous ».
Face au message de la vice-présidente du Sénat, l’opérateur économique va rester de marbre. Mais en dépit du silence de son ex-collaborateur, Chantal Fanny n’abdique pas. Elle lui envoie un nouveau message le 20 avril 2021.
« Bonsoir Mr Seya, vous avez parlé du 15 avril pour la seconde tranche et aujourd’hui, on est au 20 avril. Comment on règle cette tranche ? », a-t-elle demandé. Son interlocuteur sort enfin de son silence et lui rappelle que le bon de commande obtenu a été « facilité » par la ministre Kaba Nialé et non par Dr Diaby.
« Dr Diaby n’a malheureusement jamais émis, ni facilité le Bon de Commande de millions de masques, et autres matériels, in fine, malgré les promesses et les relances que nous (KOLON) avions faites des mois durant (les documents que nous avons consultés confirment effectivement des échanges entre les dirigeants de Kolon et le médecin personnel du chef de l’Etat, Ndlr). Ce que nous avons livré a été facilité par la Ministre Kaba Nialé, le 21 Mars 2020 directement avec le PDG de mon entreprise coréenne KOLON », a répliqué le fournisseur pharmaceutique.
Sa réaction ne sera pas du goût de la sénatrice. « Je transmets immédiatement ce message à Dr Diaby. On n’offre pas à quelqu’un qui n’a rien fait 50 millions. Je vais demander qu’on vous le rende et il discutera directement avec le Ministre et le Pr Yapi. C’est facile après coup de dire qu’il n’a rien fait. Vos 50 millions vous seront rendus mais les responsabilités seront dégagées entre le Ministère et Pr Yapi. Vous aurez des nouvelles de Dr Diaby », a-t-elle prévenu avant de renchérir :
« Je connais Mme le Ministre Kaba depuis 1992 et elle était chargée d’étude du 1er Ministre Alassane Ouattara, je peux la considérer comme une sœur et d’après le Dr Diaby, le Pr Yapi a été, un moment, élevé dans sa famille, donc un petit frère à lui. Si le Dr n’avait rien à voir avec la facilitation de cette transaction, le Pr Yapi ne l’aurait pas appelé pour lui faire le point. Faites attention, en affaire, on ne fait pas de pirouette de ce genre, c’est un conseil ».
La police et la gendarmerie mises à contribution par la vice-présidente du Sénat
Lassée d’attendre le reliquat de la somme promise par l’opérateur économique, la sénatrice met, au bout du compte, ses menaces à exécution. Elle se rend à la police criminelle située dans la commune du Plateau (ex-police judiciaire) pour porter plainte contre son ex-collaborateur pour des faits d’abus de confiance. Le 29 avril 2021, S. Christian est joint au téléphone par un officier de la police criminelle. Ce dernier lui demande de se rendre dans leurs locaux en vue d’une audition.
« Elle m’envoie un message de menace et quelques jours après, elle me convoque à la police criminelle pour abus de confiance portant sur un montant de 100 000 000 francs CFA ! », a relaté le fournisseur pharmaceutique. Que s’est-il passé à son arrivée dans les locaux de la police criminelle ? « Je m’y rends et j’explique ma version aux officiers de police, notamment que ce n’est pas elle qui a suscité et facilité ledit marché. Le commissaire, chargé du dossier, nous demande de négocier et de nous entendre. Je le sens très gêné », a-t-il relaté.
Mais au terme de son audition, S. Christian va signer, « sous la contrainte », une reconnaissance de dette. « Après consultation de ma banque, je me résous à casser mon dépôt-terme bancaire et de retirer mes derniers 30 000 000 F CFA restants disponibles pour les lui remettre, suivant une reconnaissance de dette illégale signée à la police sous la contrainte et devant officier de police judiciaire », a-t-il témoigné.
Devant le Commissaire de police, il s’était également engagé à débuter le paiement au profit de la plaignante une semaine après. Il va effectivement signer le 5 mai 2021, un chèque d’une valeur de 30 millions FCFA et le remettre à l’officier de police. « Après mon passage à la police criminelle, une semaine après, je devais effecteur les premiers paiements. Je suis venu remettre le chèque de 30 millions F CFA entre les mains du commissaire de police », a-t-il affirmé. Ce chèque est encaissé dès le lendemain par la sénatrice.
Mais le défaut de diligence du fournisseur pharmaceutique après son second paiement, va pousser Chantal Fanny, déterminée à obtenir le paiement intégral de l’argent qui lui a été promis, à saisir la section de recherches de la gendarmerie nationale, située également dans la commune des affaires pour des faits d’abus de confiance commis par l’ex-doyen académique de son université.
« Et c’est comme ça un jour, j’étais à l’université de Grand Bassam en train de dispenser des cours quand j’ai été appelé par le commandant Ouattara Benjamin…Une fois arrivé sur les lieux, je me rends compte qu’elle me poursuit pour des faits d’abus de confiance portant sur la somme de 100 millions F CFA », a raconté l’opérateur économique.
Dans les locaux de la maréchaussée, face aux officiers de police judiciaire, chargés de son audition, le mis en cause leur donne sa version des faits. Mais en dépit de ses explications, le dirigeant de société est gardé à vue dans les violons de la gendarmerie le 5 octobre 2021 et libéré dans la soirée du 6 octobre, après un entretien avec le commandant Ouattara Benjamin. Mais avant son départ, une nouvelle convocation lui est remise pour revenir le 8 octobre pour la même affaire. Le jour indiqué, il se rend à la gendarmerie sans être reçu. Dix jours après, le commandant Ouattara Benjamin le rappelle de nouveau pour lui demander de passer.
Arrivé à 10 H dans les locaux de la section de recherches de la gendarmerie le 20 octobre, il va y rester pendant plusieurs heures et libéré vers 23 heures après avoir signé trois chèques d’une valeur de 70 millions F CFA au profit de Chantal Fanny, correspondant au reliquat de la somme promise. Le premier chèque d’un montant de 25 millions F CFA devait être encaissé le 5 janvier 2022, le deuxième chèque au montant identique devait être payé le 5 avril 2022 et le troisième chèque d’une valeur de 20 millions F CFA était encaissable le 5 juillet 2022.
Quelques jours après la signature des chèques, S. Christian va adresser un courrier au gestionnaire de son compte bancaire pour effectuer une opposition au paiement desdits chèques. En plus de son opposition au paiement, il a adressé au Commissaire du gouvernement le 28 décembre 2021, un courrier de plainte contre le commissaire Edjro de la police criminelle et Ouattara Benjamin le commandant de la section de recherches de la gendarmerie nationale. Et le 29 décembre 2021, il a aussi adressé au président du Sénat, un courrier de plainte contre la sénatrice.
S. Christian « neutralisé » par la justice
Après l’envoi des courriers aux autorités administratives et militaires puis une publication faite le 10 janvier 2022 sur le réseau social Facebook, la vice-présidente du Sénat porte une énième plainte contre son ex-collaborateur. Elle le poursuit cette fois-ci pour les faits de dénonciation calomnieuse et de diffamation.
Convoqué de nouveau par la section de recherches de la gendarmerie le 12 janvier, le fournisseur pharmaceutique va, après son audition par les gendarmes, être déféré au parquet du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau.
Son dossier mis en instruction, le mis en cause échappe de justesse à la prison. Il est néanmoins placé sous contrôle judiciaire par une juge d’instruction. Et chaque deux semaines, il doit se rendre au parquet du tribunal du Plateau pour un contrôle judiciaire.
La réaction de docteur Diaby et la vice-présidente du Sénat
Dr Diaby Mamadou, médecin particulier du président de la République et chef du Service de santé et des affaires sociales de la Présidence de la République, régulièrement cité dans cette affaire a été contacté en vue d’avoir sa réaction.
A cet effet, nous lui avons envoyé le 18 novembre 2021, un message sur son téléphone portable pour lui demander son rôle dans l’attribution de marchés de fourniture de masques chirurgicaux à l’entreprise pharmaceutique coréenne et Zibo Gold International Trade Co Ltd. Alors que nous nous attendions à la réaction de celui-ci, grande fut notre surprise de recevoir dans la soirée, l’appel téléphonique de la sénatrice. « Il y a le docteur Diaby qui m’a dit que vous lui avez envoyé un message ? » ‘‘Effectivement, parce que j’essaie de cerner tous les contours de cette affaire’’.
« Moi, de toutes les façons, moi, c’est ma structure. Et une structure est libre. Moi, je fais de l’intermédiation. Je peux appeler n’importe qui avec qui j’ai de bons rapports pouvoir m’aider à faire avancer les travaux. Que
ce soit lui (Dr Diaby Mamadou, Ndlr) que ça soit même le ministre, que ça soit le professeur Yapi, si j’ai de bons rapports avec eux, je fais tout pour faire avancer un dossier », a-t-elle réagi.
Poursuivant son explication, elle tente de justifier les paiements reçus de la part de l’opérateur économique : « L’intermédiation n’est pas interdite en Côte d’Ivoire et puis ce n’est pas incompatible avec ce que je fais.
Parce qu’actuellement, j’ai ma société puisque je ne travaille plus. Tant que je suis sénateur, je ne suis plus fonctionnaire, je peux faire mes business et mon cabinet fait de l’intermédiation. Le chèque qu’il a donné, c’est au nom du cabinet ».
Et pourtant, sur le relevé d’identité bancaire de la société Zibo Gold International Trade Co Ltd que nous avons consulté, il n’est mentionné nulle part le nom d’un cabinet d’intermédiation mais plutôt le nom de la sénatrice. Elle s’est également prononcée sur les plaintes initiées à l’encontre de son ex-collaborateur.
« Donc la première fois, je l’ai envoyé à la police criminelle. Quand j’ai fait écouter les audios, il a dit qu’il va payer le reste de l’argent qu’il me doit. Il a signé un premier chèque. Il reste encore de l’argent à payer. Au moment de payer ce reliquat, il dit qu’il n’a pas de l’argent pour payer, de patienter.
Ça tardait et comme je connais les gens de la police criminelle, je me suis rendue à la brigade de recherches de la gendarmerie. A la brigade de recherches, on l’a appelé, il est venu et il a signé trois chèques pour me payer le reliquat de ce qu’il me doit, il va payer au fur et à mesure. Moi, j’attends », a-t-elle indiqué.
Pour finir, elle met en garde : « Parce que moi, je vais porter plainte pour diffamation hein. Parce que la manière dont il est en train de parler avec des journalistes, moi, je ne parle pas de vous, c’est une forme de chantage pour ne pas que je rentre dans mes fonds », a-t-elle conclu. Fin.
Dire que la Coivid-19 n’était pas qu’un mal et une crise sanitaire en Côte d’Ivoire, avec un leadership féminin en première ligne (Ndlr) !
LEDEBATIVOIRIEN.NET
Par NOEL KONAN pour enquetemedia.info–disponible