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Côte d’Ivoire-Santé : Quand la crise de Covid-19 dévoile les affairistes au sommet de l’Etat ! (partie 2)

KABA NIALE

Durant la crise Covid, des acteurs étatiques de premier plan ont pesé de tout leur poids dans l’attribution de marchés de fournitures de masques chirurgicaux à certaines entreprises pharmaceutiques. Révélation.

Nialé Kaba « remerciée » par les dirigeants de Kolon ?

Que gagne la ministre Nialé Kaba en s’immisçant dans un domaine qui ne relève pas de son département ministériel ? Difficile de répondre à cette préoccupation. Mais son implication personnelle auprès de l’ex-directeur général de la NPSP CI ne semble pas avoir été oubliée par les dirigeants coréens. Un échange entre le représentant de Kolon et la ministre sur une messagerie privée montre que celle-ci a été ʽʽremerciéeʼʼ par l’un des dirigeants de l’entreprise.

« Il s’agit du contrat que vous avez facilité et pour lequel Mr Shin est venu vous remercier en personne », a rappelé S. Christian au cours de leur échange. En outre, au cours d’un entretien téléphonique, le 18 novembre 2021, avec la vice-présidente du Sénat Chantal Fanny, celle-ci a évoqué des bakchichs distribués sans qu’il soit possible de le vérifier avec certitude.

« Tout ça, j’ai les vocaux quand il (Seya, Ndlr) dit qu’il a donné de l’argent à tel ministre ou tel ministre ou telle personne, qu’il a donné de l’argent à des gens d’organismes internationaux, qu’il a vraiment donné des bakchichs à tout le monde…Au moment de payer la deuxième partie, il dit que nous (Fanny Chantal et Diaby Mamadou, médecin personnel du président de la République, Ndlr) n’avons rien fait, les gens que j’ai rencontrés n’ont rien fait. Il me dit que ce sont eux qui ont tout fait et qu’il a payé la ministre pour ça », a-t-elle expliqué. Par souci d’équilibre de l’information, un courrier a été adressée à Nialé Kaba en date 3 mars 2023 avec les questions suivantes :

1)   Quels sont vos liens avec les responsables de l’entreprise coréenne, en l’occurrence Messieurs Shin Sang-Ho, le vice-président du groupe Kolon et S. Christian Ernest, le représentant Afrique de ladite entreprise ?

2)   Vous avez reçu à votre résidence, le samedi 21 mars 2020, Messieurs Shin et S. Christian Ernest. Quel était la raison de leur visite ?

3)   Avez-vous proposé aux responsables de Kolon, une parcelle de terrain vous appartenant, sise à la zone PK 24 pour la construction d’une usine pharmaceutique ?

4)   Dans la même veine, auriez-vous soumis à vos interlocuteurs, une offre pour entrer dans le capital de Kolon pharmaceutique ?

5)   Avez-vous personnellement contacté le Professeur Yapi Ange Désiré, l’ex-Directeur Général de la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique Côte-d’Ivoire afin qu’il attribue à Kolon Corporation, un marché d’approvisionnement en produits pharmaceutiques, précisément un marché de fourniture de 10 millions de cache-nez à la NPSP CI ?

6)   Enfin, avez-vous reçu, en retour, un intéressement de la part de M. Shin, le vice-président de Kolon, après l’obtention par son entreprise du marché d’approvisionnement de la NPSP CI ?

Une réaction de la ministre via son directeur de Cabinet de KABA :

 

« (…) Il est de notoriété bien établie que la NPSP-CI relève de la tutelle du Ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture Maladie Universelle. Il s’ensuit que ce soit au titre du Ministère qu’elle dirige ou à titre personnel, Madame le Ministre ne peut donner d’instructions et s’immiscer ainsi dans la gestion ou le fonctionnement d’une entité à l’égard de laquelle elle n’a, de jure comme de facto, aucune emprise hiérarchique.

Au surplus, et à titre personnel, elle n’entretient aucune relation avec le Professeur Yapi Ange Désiré, Directeur de cette structure au moment des faits », a démenti Yéo Nahoua, le directeur de Cabinet, en occultant les autres questions. « Nous avons le regret de constater que les informations ou documents demandés par vous, ne rentrent pas dans ce cadre (la loi relative à l’accès à l’information d’intérêt public, Ndlr). Pire, elles sont tendancieuses et portent sur la vie privée », a-t-il estimé.

Et pour conclure, le proche collaborateur de Nialé Kaba s’est montré très menaçant. « En tout état de cause, Madame le Ministre se réserve la possibilité d’exercer toutes voies de droit à l’encontre de telles allégations tendant à discréditer et porter atteinte à son image et à celle du Ministère qu’elle dirige », a-t-il prévenu.

Qu’en est-il des dirigeants coréens ? Contacté par courrier électronique le 7 juillet 2023, Byung Kweon Moon, l’un des dirigeants de Kolon, n’a pas répondu à notre correspondance. Curieusement, c’est son ex-représentant qui a finalement réagi. « J’ai vent, depuis des mois et des mois de ce que vous essayez de joindre tels ou tels autorités/ex-employeurs sur un dossier déjà en cours d’instruction au Parquet d’Abidjan depuis longtemps. Merci de faire preuve de plus de sagesse. Ce message vaut/tient lieu de décharge à votre égard… », a écrit S. Christian, le 11 juillet 2023.

S. Christian rafle un marché de gré à gré !

Alors que le contrat de la société coréenne s’est terminé prématurément du fait du non-respect (selon leur représentant) des conditions de paiement, S. Christian a fort opportunément récupéré la commande des 7 millions de masques restants à travers une procédure d’entente directe. Il a été retenu par la NPSP CI pour exécuter un marché de gré à gré de l’Unité de coordination des projets santé de la Banque mondiale (UCPS-BM) à travers le Projet d’achat stratégique et d’harmonisation des financements et compétences de santé (Spark-Santé) du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Il s’agit d’un marché de fourniture et livraison de masques de protection.

« Quelques semaines plus tard, la NPSP me joint et me demande, devant un parterre d’autres fournisseurs, si je veux prendre et assumer la suite du contrat restant, des 7 000 000 de cache-nez, à titre personnel, et donc en rien lié à la société KOLON. Je décide d’accepter le risque et le challenge par devoir citoyen mais aussi en tant qu’opérateur économique. C’est ainsi que le contrat des 7 000 000 de masques restants, cette fois-ci, est rédigé à mon endroit et par “entente directe” avec la Banque Mondiale, dans le cadre de leur projet SPARK. », a fait savoir S. Christian.

Après consultation des documents, il ressort clairement que Mme Nelly Gnahet épouse Kouadio-Kouadio, spécialiste en passation des Marchés senior, chef du service gestion des Marchés, Unité de coordination des projets Santé-Banque mondiale (UCPS-BM), a envoyé le 23 juin 2020, un courrier électronique au dirigeant de Zibo Gold International Trade Co Ltd pour l’informer du choix sa société « par la NPSP CI pour la fourniture et la livraison de produits de masques de protection ».

Le contrat ayant pour objet « Fourniture de masques de protection à la NPSP-CI dans le cadre de la riposte à la COVID-19 » est signé entre Konan Kouassi Clovis, le coordonnateur Spark-Santé et S. Christian, le fournisseur pharmaceutique qui, selon le contrat, est tenue de fournir et livrer sept millions de masques de protection à la NPSP-CI.  En contrepartie, Spark-Santé, l’acheteur, est tenu de lui payer la somme de 1 193 850 000 F CFA. Après la livraison des masques de protection en décembre 2020 par le dirigeant de Zibo Gold International Trade Co Ltd et le dépôt de ses factures, il est payé par la Banque mondiale le 8 mars 2021.

« Heureusement, sans aucun acompte, pour cette commande de 7 000 000 de cache-nez, en sus de mes fonds personnels, je parviens à prendre des prêts privés, de gauche à droite avec amis et connaissances, sans garantie bancaire et sans aide d’aucune tierce structure afin de finalement honorer l’entièreté du marché à fin décembre 2020. Trois mois plus tard, le 8 Mars 2021, je suis enfin payé par la Banque Mondiale, après confirmation de toute régularité dans le cadre de ma livraison », s’est-il vanté. Mais l’opérateur économique n’aura pas le temps de profiter des fruits de son labeur.

Le couple Diaby réclame (avec force) sa part du gâteau

Le dirigeant de Zibo Gold International Trade Co Ltd reçoit, le 12 mars 2021, plusieurs appels téléphoniques et du Dr Diaby Mamadou, médecin particulier du président de la République et de Fanny Chantal, vice-présidente du Sénat, chargée de la diaspora et de la coopération internationale et fondatrice de l’Université internationale Clairefontaine. Que veulent-ils exactement ? « (…) Le 12 Mars 2021, je reçois 12 appels de ladite sénatrice et de son compagnon, qui se trouve être un des médecins et conseiller du Président de la République. Au téléphone, elle me signifie que l’argent étant arrivé, elle réclame sa part de 10% du montant du contrat total. Même pas du bénéfice, mais du montant total du marché (!) qui s’élève à 1.193.000.000 F CFA », s’est insurgé S. Christian dans un courrier intitulé « Pour l’éclatement de la vérité : Affaire Sénatrice FANNY / Mr SEYA » datant du 2 décembre 2021.

Le 13 mars 2021, le patron de Zibo Gold International Trade Co Ltd finit par faire une proposition de paiement à la sénatrice par note vocale.  « Ce que je vous propose, le montant total de la commande était à peu près un milliard de francs CFA. Il y a tellement de personnes avec qui gérer, il y a tellement de personnes à qui je dois donner certaines choses parce qu’elles ont été aussi à la base de l’obtention de la commande. (…) Je propose donc de payer 50 millions F CFA cette semaine. Je vais me rendre à ma banque demain ou mardi. Je propose de payer encore 50 millions F CFA en avril et 50 millions F CFA le mois qui suit. Les derniers 50 millions F CFA que je vais payer, là, c’est pour maman Fanny pour l’aide que vous nous avez apportée, pour l’accompagnement. Ça n’a rien à avoir avec les 10% du docteur Diaby…. Voici ma proposition, je ne sais pas comment vous la trouvez », a-t-il proposé.

Au sujet du premier paiement, l’opérateur économique a également déclaré au cours de l’entretien téléphonique du 18 novembre 2021 : « J’ai fait le chèque de 50 millions FCFA et c’est à son fils que j’ai remis. Avant de le remettre à son fils, j’ai d’abord voulu lui parler. Mais elle m’a dit qu’elle est en France…Je me rends à l’hôtel Ivoire, précisément au parking pour lui remettre le chèque. Il remet le chèque à sa maman et deux jours après, elle encaisse le chèque. »

Mais contre toute attente, S. Christian va, après l’émission, le 19 mars 2022, du premier chèque d’une valeur de 50 millions F CFA au bénéfice de la vice-présidente du Sénat et son encaissement par celle-ci le 22 mars 2022, refuser tout autre paiement. Le motif ? 

« (…) Après ce premier pas, je prends attache avec les différents fournisseurs et ceux qui ont facilité le dossier et je m’aperçois que ce n’est pas la bonne dame qui fut au cœur de ladite facilitation. Et qu’il s’agit seulement et uniquement que de la ministre, dont j’ai parlé plus haut…Je lui fais savoir cette donne, et en plus de ma démission de son université, cette nouvelle information provoque son ire », a-t-il raconté. Mais le dirigeant d’entreprise n’est pas au bout de ses peines.

A SUIVRE avec  NOEL KONAN pour enquetemedia.info

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