Le prophète Élie Padah, pasteur de l’Église évangélique des rachetés du Christ, était, le 29 avril 2023, formel dans ses envolées: « Un autre fils emblématique de ce pays rentre en Côte d’Ivoire cette année même. Il va rentrer; c’est scellé. » L’affaire est-elle donc vraiment pliée!?
Le 11 novembre, Soro Kigbafori Guillaume, ancien chef de la rébellion et ex-président de l’Assemblée nationale, a annoncé qu’il mettait fin à son exil politique. Le 23 décembre 2019 et en provenance de Paris, l’ex-Premier ministre a dérouté son avion vers Accra, au Ghana. Après plusieurs mois de séjour en Europe où il avait commencé sa campagne pour la présidentielle de 2020, il n’était plus en odeur de sainteté avec le pouvoir Ouattara, qui avait prévu de l’arrêter à son arrivée pour tentative de déstabilisation du régime et détournement de deniers publics.
C’est le début de l’errance. La lune de miel, depuis longtemps entamée, venait de virer au fiel entre les anciens alliés, devenus des ennemis intimes, prêts à se livrer une guerre sans merci. Et les jugements par contumace vont alors s’enchaîner. Le 28 avril 2020, Soro est condamné à 20 ans de prison ferme et cinq de privation de ses droits pour « recel de détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux. »
Une année plus tard, soit le 23 juin 2021, il prend la perpétuité pour « complot, tentative d’atteinte contre l’autorité de l’État, diffusion et publication de nouvelles fausses jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement, ayant entraîné une atteinte au moral des populations. » Le pouvoir a déployé le rouleau compresseur. Le parti de Soro Guillaume, le GPS, est declaré dissous et tous ses biens, confisqués. Et pour boucler la boucle de la chasse à l’homme, un mandat d’arrêt international est lancé.
De ce fait, les services secrets et les chasseurs de primes, qui ont procédé à l’arrestation du capitaine Séka Séka (en transit à l’aéroport d’Abidjan) et à l’extradition des Moïse Lida Kouassi et Charles Blé Goudé, respectivement du Togo et du Ghana, ont lancé une impitoyable traque. L’exil n’est déjà pas doré. Et si à cela, il faut ajouter l’argent qui devait commencer à manquer, avec les comptes bancaires et biens saisis, et les cachettes qu’il fallait régulièrement changer (Paris, Bruxelles, Dubaï, Istanbul, etc.) pour échapper aux poursuivants, Soro Guillaume ne pouvait qu’être au bout du rouleau.
Il n’est plus que l’ombre de lui-même, avec le vide qui s’est fait autour de lui. Ses chefs militaires et responsables politiques de la rébellion armée l’ont presque tous abandonné.
Et ses soutiens extérieurs se sont, eux aussi, évaporés comme neige au soleil. Néanmoins, il a voulu apparaître, dans sa déclaration, comme le « tiénigbanani », le courageux qui a dirigé une rébellion armée. Pourtant, se refusant à fouler le sol ivoirien pour affronter, comme il le conseillait à Blé Goudé, la justice ivoirienne, il continue l’exil au Niger et se montre « faux brave ».
Amaigri et ne pétant pas la grande forme, il a été reçu, ce lundi 13 novembre 2023, par le général A. Tchiani, chef de la transition militaire nigérienne, qui a eu maille à partir avec la CEDEAO. Et ce qui apparaît comme un affront à Alassane Ouattara, chef de file de l’aile dure, peut bien cacher un piège susceptible de se refermer sur Soro.
Le Niger manœuvre afin d’obtenir, à défaut de la levée totale, l’allègement des sanctions draconiennes qui le frappent. Et dans les tractations et le plan commun diplomatiquement ourdi, Soro pourrait très bien servir d’appât. Le chef de l’État ivoirien a rencontré, à Ryad où il était pour le sommet Arabie Saoudite-Afrique, Ali Mahaman Lamine Zeine, le Premier ministre du Niger. Ce n’est ni fortuit ni anodin.
Dans le rapport des forces, l’ex-Premier ministre ivoirien ne paraît donc pas être sorti de l’auberge. Car s’il « rentre cette année », Élie Padah n’a pas dit dans quelles conditions. Et avec cette épée de Damoclès, qui reste suspendue sur sa tête, Soro Guillaume a des raisons de continuer à ruminer, contre Ouattara, une colère noire.
Alors en liberté, il était déjà très amer, le 18 mai 2019, en tournée à Katiola. « Gbagbo m’avait prévenu, mais je n’ai pas écouté ses conseils. Il doit se dire là-bas (alors en détention à la CPI): ‘J’ai parlé au petit; je lui ai donné des conseils mais il n’a pas écouté.’ En tout cas, c’est bien fait pour moi, » regrettait-il.
En effet, le « tyran », le « xénophobe » et le « dictateur » Gbagbo qu’ils s’étaient acharnés à combattre par les armes, n’a pas manqué de mettre en garde Soro et ses partisans, qui doivent bien se mordre les doigts aujourd’hui. « Vous me combattez, disait-il, pour un homme que vous ne connaissez pas. Vous êtes sur le mauvais chemin et vous allez me regretter un jour. Les plus chanceux d’entre vous seront jetés en prison et les plus malchanceux seront tués ou exilés. » Et comme chahutent les Ivoiriens, ils sont en train de lire l’heure. » Par F. M. Bally.
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