Lorsque le projet de construction de la Tour F a été rendu public, beaucoup n’y croyaient pas vraiment. Il était question d’une Tour de 74, voire 76 niveaux, ce qui ferait d’elle la plus haute d’Afrique. L’opinion était sceptique. Pourtant les travaux ont été effectivement lancés en Juillet 2021, et en cette fin d’année 2023, le chantier est en passe d’atteindre le niveau R+40.
Le projet est concret, il avance, et tout le monde voit aujourd’hui la Tour s’élever dans le ciel du Plateau. Mais attention, tout ne se passe pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, le projet est combattu en interne par le premier responsable de la construction dans le pays, le ministre Bruno Nabagné Koné (BNK). Le Cercle des Réflexions Libérales avec Douglas Mountain, vous guide dans un parfait décryptage de l’ambiance autour de la Tour F. Suivez plutôt avec Ledebativoirien.net.
Intervenant le 28 Février dernier sur la chaîne public RTI 1, le ministre a précisé que les « discussions étaient toujours en cours sur la hauteur finale de la tour, qui serait toutefois comprise entre 50 et 70 étages maximum ». La déclaration en soi était surprenante parce qu’elle signifiait qu’on avait lancé un chantier de cette envergure sans que tous les détails, notamment la hauteur de la tour, ne soient définitivement arrêtés. La logique aurait voulu qu’on se mette d’accord avant de commencer à construire, et non construire tout en discutant des caractéristiques de la Tour, notamment sa hauteur !
Sur la cause de cette réduction, le ministre BNK a donné l’argument classique. Le projet étant trop onéreux, il fallait réduire les coûts afin de poursuivre d’autres projets tout aussi importants, projets qu’il n’a cependant pas précisés. Encore une fois, il est surprenant que des coûts arrêtés lors de la mise en chantier de l’édifice, soient remis en cause plus tard par le Ministre au motif qu’ils auraient évolué. Une fois le projet lancé, cela signifie que les différentes parties se sont accordées sur son coût global. Affirmer que ce coût a évolué n’a tout simplement pas de sens. A moins que tous les détails de ce projet n’aient été initialement arrêtés, validés, puis remis en cause plus tard par le ministre Bruno Nabagné Koné (BNK), lorsque les choses sont arrivées à son niveau.
Un bras de fer à distance
Le projet a été conclu entre le Président de la République et l’architecte Pierre Fakhoury. Le Ministère de la Construction ne fut pas associé aux discussions. Ce n’est que dans la phase de mise en œuvre, concernant le volet administratif, que ce ministère est intervenu en tant que tutelle. Il se dit que le ministre BNK n’aurait pas apprécié que Pierre Fakhoury présente la chose au Président, sans au préalable en avoir discuté avec lui, le premier responsable de la Construction. Ainsi, là où sa signature est exigée, il ne cesse de remettre en cause les détails déjà arrêtés, une manœuvre destinée à faire comprendre à Pierre Fakhoury « qu’il a eu tort de ne pas être passé par lui en premier ».
Contrairement à son collègue des infrastructures économiques toujours sur les chantiers des ponts et des échangeurs, le ministre BNK n’a jamais visité le chantier de la Tour F. Cela veut tout dire. Il faut savoir que l’architecte Pierre Fakhoury a ses entrées à la Présidence depuis les Présidents Houphouët, Bédié, Gbagbo et aujourd’hui Ouattara. Il ne fait pas la cour aux ministres, mais s’adresse directement au grand Patron quand il doit discuter d’un projet important. Ainsi le pont de Cocody récemment inauguré, ne figurait pas dans le projet initial de valorisation de la baie de Cocody. On le doit à l’homme qui a su convaincre le Président que l’infrastructure soulagerait le carrefour de l’indénié, en reliant les communes de Cocody et du Plateau.
Lorsque le Président a donné son OK, le ministère des Infrastructures économiques n’a pas combattu le projet en s’acharnant à réduire les dimensions du pont, au motif que Pierre Fakhoury ne se soit pas adressé à lui en premier. Dans son discours lors de la cérémonie d’inauguration, le Président a rendu hommage à Pierre Fakhoury en précisant clairement que le pont était de lui. Un autre projet d’envergure conçu par l’homme sera bientôt lancé, le pont au-dessus du canal de Vridi, un pont à haubans haut de 60 mètres !
Une question d’égo
Aujourd’hui, la hauteur de la Tour F a été réduite semble-t-il de 74 à 64 étages. Que représentaient 10 étages dans le coût global ? En œuvrant à réduire la taille de la Tour, sous le fallacieux prétexte qu’il y aurait d’autres travaux « tout aussi importants à réaliser », le ministre BNK a tout simplement mis son orgueil en avant. Avec 64 étages, elle sera l’une des plus hautes, mais pas la plus haute. Or c’est un détail qui a son importance. Avec 74 niveaux, le record de la « Tour la plus haute », aurait frappé les esprits, fasciné l’imaginaire collectif, et conféré un rayonnement encore plus éclatant à la ville d’Abidjan.
Dans une autre déclaration à un média de la place, le ministre BNK a encore dévoilé ses intentions, affirmant que la tour ne sera pas « bling bling ». Autrement dit, elle ne va pas briller. On peut s’imaginer qu’après avoir réduit sa hauteur, il va maintenant s’attaquer à son intérieur, entre autres le nombre d’ascenseurs, le revêtement extérieur, les vitrages, les types de matériaux, la configuration des niveaux etc. etc…
En un mot, le ministre BNK veut conférer à la Tour un aspect et un fonctionnement banal, en la dotant du moins de commodités que possible. En exerçant son pouvoir ‘‘de nuisance’’, BNK montre que « c’est lui qui a le dernier mot en tant que ministre de la construction ». D’où un bras de fer feutré en ce moment avec PFO l’entreprise contractante.
Un montage financier sur le modèle chinois de construction des infrastructures
En tant qu’édifice public, la construction de la Tour F est entièrement à la charge de l’Etat. Toutefois, selon le montage financier mis en place, PFO l’entreprise chargée des travaux, doit apporter une partie du financement sous forme d’un prêt. En fait, elle doit financer sur fonds propres une partie de l’infrastructure, l’Etat ivoirien apportant le reliquat du budget, un peu à l’image de la méthode chinoise. C’est ce montant réclamé à l’Etat que le ministre BNK s’acharne à réduire, ce qui passe par la modification des caractéristiques de la Tour. Les chiffres n’ont pas été officiellement communiqués, mais le coût de la Tour avait initialement été évalué à quelque 250 milliards FCFA.
On pourrait croire que le ministre BNK est un gestionnaire rigoureux, discipliné, soucieux des ressources publiques. Seulement les scandales récurrents au niveau de la caisse du Guichet Unique du Foncier et de l’Habitat (où son nom est toujours cité), mettent à mal cette image. Dans le dernier scandale en date de juillet dernier, dans une conférence de presse, d’ex-agents ont déclaré « qu’en compilant toutes les sorties illégales de fonds, imputées au ministre depuis qu’il est en fonction (juillet 2018), ils aboutissent à la somme de 100 milliards FCFA !».
C’est énorme. Le procureur de la République, la haute autorité pour la bonne gouvernance, ou même l’inspection générale d’Etat auraient dû se saisir de la question, vu les sommes mises en cause. Mais ce ne fut pas le cas. Le ministère de la Construction a toujours été cité comme le plus corrompu, et visiblement le ministre BNK marche dans les pas de ses prédécesseurs.
Il est temps de sortir des voies timides et mettre en place des projets audacieux comme cela se fait ailleurs.
Dubaï regorge d’infrastructures futuristes uniques en leur genre dans le monde. Quand on pense à cette cité, c’est d’abord la Burj-al-khalifa, la plus haute tour du monde qui vient à l’esprit, ou encore la Burj-al-arab, cette tour (un hôtel) en forme concave bâtie sur une presqu’île artificielle et qui fut longtemps le symbole de la ville. Ces deux tours reçoivent des visiteurs du monde entier, elles frappent les esprits par leur gigantisme et leur architecture audacieuse. Derrière ces édifices il y a tout simplement de la vision en premier lieu, puis de la volonté ensuite. Ces édifices ont généré un »effet d’entraînement » sur le secteur de la construction à Dubai, en ce sens qu’il s’est déclenché une course au gigantisme.
C’est triste que des individus tels que le ministre BNK s’acharnent à combattre des rêves qu’ils sont incapables de faire. On ne peut que regretter que ce grand monsieur, qui dit-on « connaît papier », (dans le parlé populaire ivoirien, un homme intelligent avec un parcours scolaire, universitaire et professionnel brillant) combatte un rêve destiné à faire de la Côte d’Ivoire une nation toujours plus attractive. En tant que premier responsable de la construction, le ministre BNK est celui qui devrait accélérer la mise en œuvre du projet. C’est dommage que pour des questions d’égo, ce soit le contraire qui se produise, qu’il agisse comme une cinquième colonne. Il faut dénoncer cette attitude.
Avec la Tour F, et le futur pont de Vridi, la Côte d’Ivoire montre qu’elle peut aussi surprendre le monde à l’image des capitales du moyen orient. Le plus haut immeuble d’Amérique Latine, le Gran Torre Santiago au Chili, fait 62 étages. La Côte d’Ivoire fait mieux avec la Tour F, elle montre que ces édifices sont aussi à la portée des pays africains. » Par Douglas Mountain Le Cercle des Réflexions Libérales.
LEDEBATIVOIRIEN.NET
Post-scriptum
Il ressort clairement de nos échanges au lendemain de la publication, que le Ministre a visité le site à trois reprises. Une fois, avec le Premier Ministre Patrick Achi, une autre fois, il y est allé seul, puis une seconde fois avec le premier ministre Achi. De son bureau c’est avec joie que tous les jours il regarde les travaux avancer. L’année dernière lors de la conférence annuelle du ministre la question lui a été posée sur le dossier. Il a fait savoir qu’initialement la Tour F est à 74 étages.
Autre à savoir, les discussions se tiennent à haut lieu. PFO finance, l’Etat paie après. C’est l’honneur du pays. Le ministère est juste maitre-d’œuvre, mais c’est PFO qui fait le projet. Lorsque le ministère veut des images, il adresse un courrier à PFO.
A titre d’exemple, pour l’édition de son agenda 2024, le ministre a adressé un courrier à PFO. C’est dire que le seul maitre sur le terrain de la Tour F reste PFO. Autre exemple, des médias Français et Suisse ont voulu faire un documentaire ou dossier sur la Tour F. Le ministre BNK a donné son accord, tous les médias y compris la RTI étaient déjà en mouvement pour le dossier. Mais à la dernière minute, le Premier ministre d’alors Patrick Achi, n’a pas jugé utile que le tournage pour le dossier soit fait. L’émission n’a pas eu lieu. Une preuve supplémentaire que le Ministre de la Construction n’agit pas sur le projet.
Il existe une convention PFO et l’Etat de Côte d’Ivoire, ce n’est pas avec le ministère. C’est une fierté pour le ministre que ce projet aboutisse sous lui. Le nombre d’étages peut changer mais cela n’altère en rien la dimension du projet. Il y a une parfaite entente entre PFO et le ministre. Qui en veut au ministre ?
HM