Un autre énorme scandale secoue la république des « grilleurs d’arachides ». Détournements de fonds succèdent aux prévarications. C’est devenu routinier dans un pays d’impunis.
Mais, cette fois-ci, c’est la Cour des Comptes, instance qui contrôle la régularité des opérations dans les organismes publics, qui a levé le lièvre de la mauvaise gouvernance. Et l’odeur est fétide. D’où le sauve-qui-peut généralisé.
Au terme de l’année 2022, la juridiction financière signale que l’État n’a reçu, en tout et pour tout, que 86.713 FCFA au titre des cartes de séjour ou de résidence et 792.000FCFA, pour les 550.000 cartes nationales d’identité et les 33.000 passeports établis en Côte d’Ivoire.
Le ministre du Budget et du Portefeuille de l’État, Moussa Sanogo, a voulu se frayer une porte de sortie. Il a défendu que « les montants recouvrés au titre des documents ne sont pas en comptabilité de l’État, » parce que notamment l’Office national d’identification (ONI) est devenu l’Office national d’établissement de l’état civil et de l’identification (ONECI).
C’est d’autant à dormir debout que la SNEDAI, la seconde structure concessionnaire pour les passeports, s’est fendue d’un communiqué pour montrer patte blanche et établir les responsabilités.
Elle prend le contrepied du ministre et affirme qu’elle « s’est toujours acquittée, sur une base régulière, de ses obligations à l’égard de l’État en lui reversant sa quote-part contractuelle, » soit 20.000FCFA par passeport.
Mais deux problèmes sont apparus. D’un, elle se garde de donner le montant exact versé, pour sacrifier aux généralités. De deux, elle a ouvert, au nom de l’État, deux comptes séquestres, à la BACI et Ecobank (les banques où les demandeurs doivent payer les 40.000F pour la confection du passeport), mais ces montants recueillis n’ont pas été reversés à l’État, en violation des dispositions réglementaires.
En effet, conformément à l’article 879 du Code général des impôts, rappelé d’ailleurs par la Cour des Comptes, c’est au Trésor que les concessionnaires doivent réaliser, au final, les versements des droits de l’État. Et il y a anguille sous roche. Aussi, l’ONECI, qui établit à 5.000FCFA les CNI, a perdu la voix.
Et sans s’en rendre compte, la république de Côte d’Ivoire est en train de se mettre à l’heure de la république des voleurs. Et cela devant la faillite avérée de nos institutions, comme le Parlement, et en l’absence expressément voulue de la Haute Cour de Justice. Pour passer entre les mailles d’un temple de Thémis aux abois.
Par F. M. Bally
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