Cissé Ibrahim Bacongo et Adama Bictogo ne travaillent pas main dans la main à Yopougon. Une guerre ouverte oppose le « maire des maires », le ministre-gouverneur du district autonome d’Abidjan, au maire de cette commune de la capitale économique du pays.
En effet, le samedi 27 janvier 2024, pour mettre le quartier de Gesco au diapason du développement du pays et le sortir du ghetto, le district a procédé à des démolitions de maisons dans quatre sous-quartiers (Judé, HKB, cité Eden et Pays-Bas).
Sans aviser ni le premier magistrat de la commune (alors en mission en Belgique) ni la municipalité.
Bictogo est donc sorti de ses gonds pour taper du poing sur la table. « Je refuse que tout engin entre à Yopougon sans mon autorisation, » a-t-il tempêté, le lundi 29 janvier au cours d’un meeting au quartier sinistré. « Quelle que soit la compétence du gouverneur, il ne peut pas venir dans la commune de Yopougon pour détruire des maisons, alors que moi-même je ne suis pas là, » a-t-il asséné face à un public acquis.
La colère d’Adama Bictogo était à son comble. Dès sa prise de fonction, le 2 janvier, Cissé Bacongo s’est donné pour mission d’appliquer la méthode de démolition et de destruction qu’il a menée, en tant que maire (2018-2023) et tambour battant, dans la commune abidjanaise de Koumassi.
Ainsi, le 4 janvier, en violation du décret n°84-851 du 4 juillet 1984 portant déclaration des voieries et réseaux divers d’intérêt national et d’intérêt urbain dans les limites de la ville d’Abidjan, il a conduit, dans la commune du Plateau et sans ménagement, le déguerpissement des occupants du marché Djè Konan du jardin Aristide Brian et la destruction de la flore des alentours du palais du district.
Et pour « restaurer et préserver les espaces verts, promouvoir un environnement sain dans le district, » comme il l’a promis, Bacongo a dans son collimateur plusieurs sites et quartiers précaires dont Boribana, dans la commune d’Attécoubé. La démolition de cet immense bidonville, initialement prévue pour le 8 janvier a été reportée sine die mais les 22 mille habitants restent sur le pied de guerre.
Aussi, Bictogo a-t-il voulu se démarquer de cette politique sans aucune mesure d’accompagnement, qui a laissé plusieurs habitants de Koumassi à la rue. « Je ne suis pas venu à Yopougon pour casser, mais pour rassembler, » a-t-il mis en garde.
En réalité, la coupe est pleine. Les propos sans gants et publics de Bictogo sont symptomatiques du malaise et d’une crise politique larvée au RHDP. Ce sont deux barons et non des moindres du parti au pouvoir qui s’affrontent et règlent leurs comptes.
L’un, le ministre-gouverneur, est le secrétaire exécutif du RHDP. L’autre, le maire de Yopougon, est l’ancien directeur exécutif du RHDP et actuel président de l’Assemblée nationale. Deux apparatchiks, qui sont les pères « de tracteurs » pour le premier et « de tabourets », pour le second.
La souterraine lutte de positionnement et de clan autour d’Alassane Ouattara n’est donc plus à fleuret moucheté; elle a commencé à faire rage. Et les belligérants, sous divers motifs, dégainent les sabres pour en découdre. Et, dans le bras de fer, Bictogo a déjà prévenu ses rivaux: « Rien ne m’impressionne, rien ne me fait peur. » Et un homme averti en vaut deux.
Par F. M. Bally
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