« Un scandale financier de grande ampleur secoue encore la République, cette fois ci il s’agit du ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme. Quatre responsables de ce ministère sont accusés d’avoir détourné plus de 100 milliards de francs CFA en émettant des Arrêtés de Concession Définitive (ACD) au profit de diverses personnes physiques et morales, sur la base d’attestations de propriété coutumières obtenues frauduleusement.
Tout commence par une plainte déposée par des membres de la communauté villageoise d’ELOKATE, qui ont dénoncé une tentative de spoliation de leurs droits coutumiers sur une parcelle de 490 hectares, située dans leur village. Selon eux, des agents du ministère de la construction ont délivré des ACD à des tiers, sans leur consentement ni leur indemnisation.
Alerté par cette plainte, le Procureur de la République près le Pôle Pénal Économique et Financier a ordonné une enquête de la Direction de la Police Économique et Financière, qui a conduit à l’inculpation des agents du ministère, dont Bamba Daouda, Diallo Abdoulaye, Kra Kouma et Hubert Kadjo Yomafou.
Les inculpés sont poursuivis pour faux et usage de faux commis dans des documents administratifs, escroquerie portant sur une somme estimée à 100 milliards de francs CFA et blanchiment de capitaux. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire et ont vu leurs passeports leur être retirés.
Ces affaires qui ternissent l’image du RHDP
Nous rappelons que ce scandale financier n’est pas le premier du genre qui éclabousse le régime du RHDP. En effet, ces dernières années, plusieurs affaires ont révélé des cas de détournement, de corruption, de malversation et de mauvaise gestion des fonds publics, impliquant des personnalités proches du pouvoir.
Ces affaires ternissent l’image du RHDP, dont le président présente comme le parti de la bonne gouvernance, de la transparence, et du développement. Elles ont aussi jeté le discrédit sur les institutions chargées de la lutte contre la corruption, comme la Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG), la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), ou la Cour des comptes, qui semblent impuissantes ou complices face à ces pratiques illicites.
Elles continuent enfin de susciter l’indignation et la colère des populations qui subissent les conséquences de la mauvaise gestion des ressources publiques, à travers la hausse du coût de la vie, la baisse du pouvoir d’achat, la dégradation des services sociaux de base, et l’aggravation de la pauvreté.
Le président Alassane Ouattara a fait des efforts de transparence mais…
Certes, le président Alassane Ouattara a fait des efforts de transparence, en publiant régulièrement les rapports de la Cour des comptes, en adhérant à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), en créant le portail unique des services à l’investisseur (PUSI), ou en lançant le projet e-gouvernement.
Mais ces efforts sont annihilés par l’entourage et le système autour de lui, qui profitent de leur position pour s’enrichir illicitement, au détriment de l’intérêt général. Le président Ouattara doit donc prendre des mesures fortes pour assainir la gestion des affaires publiques, sanctionner les coupables de corruption, et rétablir la confiance des citoyens et des partenaires.
Sinon, il risque de compromettre les acquis économiques et sociaux de son mandat, et de fragiliser la stabilité et la cohésion du pays. Face à ce fléau de la corruption, qui gangrène la société ivoirienne, il faut agir vite et fort.
Il faut mettre en place des solutions efficaces et durables, qui permettent de prévenir, de détecter, et de réprimer les comportements illicites. Parmi ces solutions, nous proposons de :
• Renforcer la transparence et la redevabilité des institutions publiques, en publiant régulièrement les informations relatives aux budgets, aux marchés publics, aux recettes fiscales, aux dépenses sociales, etc. Cela permettrait aux citoyens de suivre l’utilisation des fonds publics, et de dénoncer les cas de corruption ou de mauvaise gestion.
• Promouvoir la participation citoyenne et le contrôle social, en impliquant les acteurs de la société civile, les médias, les organisations professionnelles, les syndicats, les associations, etc. dans le suivi et l’évaluation des politiques publiques, la formulation des revendications, et le dialogue avec les autorités. Cela permettrait de renforcer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés, et de créer une culture de la responsabilité et de l’intégrité.
• Améliorer le système judiciaire et le cadre légal, en garantissant l’indépendance, l’impartialité, et l’efficacité des juges, des procureurs, et des avocats, en renforçant les capacités et les moyens des institutions de lutte contre la corruption, en adoptant des lois et des normes conformes aux standards internationaux, et en assurant leur application effective. Cela permettrait de réduire l’impunité, de sanctionner les comportements illicites, et de protéger les droits et les intérêts des citoyens.
Il est donc temps de réagir, et de restaurer les principes de la République de Côte d’Ivoire
Ces solutions ont fait leurs preuves ailleurs, et pourraient être adaptées au contexte de la Côte d’Ivoire. Elles nécessitent toutefois une volonté politique forte, une mobilisation sociale large, et une coopération internationale soutenue.
La corruption n’est pas une fatalité, elle peut être combattue et vaincue, si nous nous donnons les moyens de le faire.
Comme le disait Thomas Jefferson, “lorsqu’une fois qu’une République est corrompue, il n’y a aucune possibilité de remédier à l’un des maux croissants qu’en supprimant la corruption et en restaurant ses principes perdus ; toute autre correction est ou inutile ou un nouveau mal”. Il est donc temps de réagir, et de restaurer les principes de la République de Côte d’Ivoire ». Par Ahouman Gaël Lakpa, écrivain, poète, et analyste politique.