Le 1er février 2024, le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier, Madame Kamagate née Nina Claude Michelle Amoatta, produit un communiqué indiquant qu’à « ce jour, l’instruction ouverte pour parvenir à la manifestation de la vérité suit son cour et tient à informer qu’aucune décision de condamnation n’est intervenue et que la procédure est au stade de l’information judiciaire. Les inculpés bénéficient en conséquence de la présomption d’innocence ». Un soulagement pour amis et proches des cadres du ministère de la Construction accusés, mais non encore désigné coupable. Mais, le Procureur ne balaie pas les accusations.
À la suite du Procureur, le 3 février 2024, le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme sort un communiqué annonçant qu’il appliquera strictement la loi si la culpabilité de ses cadres en cause est confirmée. « S’il est avéré au terme de l’instruction que la culpabilité ou la complicité de cadres du Ministère est confirmée, le MCLU appliquera strictement les dispositions prévues par la loi, dans toute sa rigueur, dans le respect des principes d’éthique et de déontologie définis par notre administration » indique le ministre Bruno Koné.
Puis le 25 février 2024, le journal gouvernemental ivoirien rendra public un gros déballage de celui-ci sur la même affaire, sans s’éloigner de l’esprit du communiqué du 3 février. Un autre signe de soulagement et c’est tout ? L’insatisfaction résultant de ces communiqués continue toujours de grandir dans l’Opinion. Le ministre doit-il simplement faire un pas ? Visitons ensemble le communiqué du Procureur pour mesurer l’ampleur.
Le Communiqué du Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier qui dévoile effectivement le scandale
« Depuis quelques temps, certaines publications sur les réseaux sociaux et dans la presse font état du démantèlement d’un prétendu cartel au sein du ministère de la Construction et de l’Urbanisme et de l’inculpation de certains agents dudit ministère. Le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et financier tient à faire savoir que le 28 mars 2023, des membres de la communauté villageoise d’ELOKATE ont saisi sont Parquet d’une plainte pour les faits de faux et usage de faux en écriture publique.
Au soutien de leur plainte, ils ont expliqué avoir découvert que la parcelle d’une contenance de 490 hectares 28 ares 57centiares sise dans le village d’ELOKATE, sur laquelle ils détiennent des droits coutumiers, a fait l’objet d’Arrêtés de Concession Définitive (ACD) établis au profit de plusieurs personnes physiques et morales.
Ils ont fait remarquer que ces personnes physiques et morales avaient utilisé un mandat donné à un responsable du domaine foncier du village d’ELOKATO aux fins de délivrance d’Attestations de propriétés coutumières portant sur les parcelles du village susdit, en vue d‘obtenir des Attestations de propriétés coutumières sur les parcelles du village d’ELOKATE. Selon les plaignants, les mis en cause ont également obtenu la délivrance des attestations domaniales sur leurs parcelles sise à ELOKATE, avec l’aide de certains agents du Ministère de la Construction et de l’Urbanisme.
Soupçonnant les actes établis d’être faux, ils ont recouru à un expert graphologue. Sur les faits dénoncés, le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier a instruit la Direction de la Police Economique et Financière à l’effet de diligenter une enquête. La procédure résultant de cette enquête a été transmise au Parquet, qui a requis l’ouverture d’une information judiciaire contre les nommés :
Bamba Daouda (Ndlr : Sous-directeur du Domaine Urbain chargé du traitement des dossiers de l’Arrêté de Concession Définitive-ACD et grandes parcelles) ; Diallo Abdoulaye (Directeur du Domaine Urbain) ; Kra Kouma (Directeur Général de l’Urbanisme et du Foncier et député de la nation); Hubert Kadjo Yomafou (Directeur de l’Urbanisme), agents du Ministère de la Construction et de l’Urbanisme et autres.
Le Juge d’Instruction du Pole Pénal Economique et Financier désigné à l’effet de mener à bien l’instruction a inculpé les susnommés pour les faits de faux et usage de faux commis dans des documents administratifs, escroquerie portant sur une somme estimée à cent milliards (100 000 000 000) de francs CFA et, de blanchiment de capitaux, et a ordonné une mesure de contrôle judiciaire à leur encontre.
A ce jour, l’instruction ouverte pour parvenir à la manifestation de la vérité suit son cours. Le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier tient à informer qu’aucune décision de condamnation n’est intervenue et que la procédure est au stade de l’information judiciaire. Les inculpés bénéficient en conséquence de la présomption d’innocence. Aussi, tout en insistant sur le caractère secret de l’instruction, le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier tient à indiquer que la violation de ce principe est passible de poursuites pénales ». Fait à Abidjan, le 1er février 2024-le Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier, Madame KAMAGATE née NINA CLAUDE MICHELLE AMOATTA. »
Que dire sinon, temps de réagir !
“Au banquet de la corruption, l’or vaut plus que la foi !”, dit-on. Mieux, dans ‘‘Choses vues’’ Victor Hugo écrit : « Je disais hier à Ch. Dupin: – M. Guizot est personnellement incorruptible et il gouverne par la corruption. Il me fait l’effet d’une femme honnête qui tiendrait un bordel ».
Un scandale financier de grande ampleur secoue encore la Côte d’Ivoire. Cette fois, c’est du côté du ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme. Quatre responsables de ce ministère sont inculpés ‘‘de faux et usage de faux commis dans des documents administratifs, escroquerie portant sur une somme estimée à cent milliards (100 000 000 000) de francs CFA et, de blanchiment de capitaux’’.
C’est la décision d’inculpation, du 16 janvier 2024 du juge du 3ème cabinet d’instruction du Pôle Pénal Economique et Financier comme l’éclaire le communiqué du procureur. Et ce, en émettant des Arrêtés de Concession Définitive (ACD) et autres au profit de diverses personnes physiques et morales, sur la base d’attestations de propriété coutumières frauduleux. Ce scandale financier n’est pas le premier du genre qui éclabousse le régime actuel en Côte d’Ivoire. Puisque ces dernières années, plusieurs affaires ont révélé des cas de détournement, de corruption, de malversation et de mauvaise gestion des fonds publics, impliquant des personnalités proches du pouvoir.
Ces affaires il est clair ternissent l’image du parti présidentiel en Côte d’Ivoire même si ce parti semble botter en touche en fermant les yeux sur ces scandales. Et pourtant, le Président du parti présidentiel fait la promotion de la bonne gouvernance, la transparence dans la gestion des deniers publics, en témoignent les différents rapports de la Cours des Comptes ainsi que la création d’une Haute Autorité de la Bonne Gouvernance, d’une Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF). Bref.
A l’observation, les efforts du chef de l’Etat pour l’émergence de la Côte d’Ivoire sont annihilés par un système profitant à ses mandataires au détriment de l’intérêt général.
Dans le cas présent, tout a commencé par une plainte déposée par des membres de la communauté villageoise d’ELOKATE, qui ont dénoncé une tentative de spoliation de leurs droits coutumiers sur une parcelle de 490 hectares, située dans leur village. Selon les plaignants, des agents du ministère de la Construction, tenu par le ministre Bruno Koné ont délivré des ACD à des tiers, sans leur consentement.
Saisi par leur plainte, le Procureur de la République près le Pôle Pénal Économique et Financier ordonne une enquête de la Direction de la Police Économique et Financière, qui conduit à l’inculpation des agents du ministère, dont Bamba Daouda, Diallo Abdoulaye, Kra Kouma et Hubert Kadjo Yomafou, sur décision du juge d’instruction commis pour la tâche. Les inculpés sont poursuivis pour faux et usage de faux commis dans des documents administratifs, escroquerie portant sur une somme estimée à 100 milliards de francs CFA et blanchiment de capitaux.
Ils ont été placés sous contrôle judiciaire et ont vu leurs passeports leur être retirés. Ils sont en liberté pour avoir payé une caution chacun. Voilà pour les faits. Mais, le cas de l’Agence de gestion foncière, dont le Directeur général, Coulibaly Lamine qui serait en prison est parlant d’autant qu’il n’a pas bénéficié du parapluie contrôle judiciaire en payant aussi une caution. Alors qu’ils répondent tous de la même autorité.
Des sanctions attendues ou à venir?
Certains observateurs, après que cette affaire a été portée au grand jour pensent que l’on aurait applaudi, si le gouvernement ivoirien n’avait pas habitué le commun des mortels aux effets d’annonce pour noyer les lourds soupçons qui pèsent sur de hauts cadres de l’administration du pays, comme on a pu l’observer dans des audits des entreprises publiques ou à capitaux publics. De gros effets d’annonces alors que l’on attend des sanctions exemplaires.
Les Ivoiriens ont encore à l’esprit, les épisodes des feuillons de : l’Agence de gestion foncière (Agef), avec son Directeur général, Coulibaly Lamine a été arrêtés; de la Nouvelle pharmacie de la santé publique (Npsp), avec le dégommage du Pr Ange Désiré Yapi, de son Directeur des Affaires administratives et financières (Daaf), Cissé idrissa et celui de la logistique, Coulibaly Tiélivigué Gbon.
Il y eu aussi le cas de Ouattara Youssouf, Directeur général de l’Agence de gestion et de développement des infrastructures industrielles (Agedi) ; de Lanciné Diaby, Directeur général du Fonds d’entretien routier (Fer), Philippe Pango, Directeur général du Vitib, Vamissa Bamba, Directeur général de Petroci, Yacouba Coulibaly, Directeur général de l’Agence ivoirienne de gestion des fréquences radio électriques (Aigf), Euloge Soro-Kipeya, Directeur général de l’Agence nationale de service universel des télécommunications (Ansut) etc.
Suivant, toujours les Ivoiriens, ce n’est nullement la 1ère fois que le ministère de la Construction, de l’Urbanisme et du Foncier est éclaboussé par les scandales et les soupçons de détournement. Mais en réceptionnant le communiqué du ministre, ils s’attendaient à mieux, mais ils restent sceptiques quant à une réelle correction. Que dit le ministre de la Construction dans son communiqué reprenant la bouée de sauvetage argumentaire du procureur !
« A ce jour, aucune décision de condamnation n’ayant été prononcée, les cadres inculpés bénéficient de la présomption d’innocence. » Et de poursuivre : « S’il est avéré au terme de l’instruction que la culpabilité ou la complicité de cadres du Ministère est confirmée, le MCLU appliquera strictement les dispositions prévues par la loi, dans toute sa rigueur, dans le respect des principes d’éthique et de déontologie définis par notre administration ». Soit !
Ce qui est attendu de Koné Bruno ?
Que quatre cadres du ministère de la Construction soient coupables ou complices ou non, dès lors qu’un soupçon de délit d’escroquerie ou de faux et usage de faux ou de détournement de denier pèse sur un cadre d’un département ministériel, le premier responsable dudit département devrait tirer toutes les conséquences en rabattant toutes les cartes. Et là, plusieurs options s’offrent à lui, parmi lesquelles il devrait faire un choix net.
Soit, il démissionne selon la nature du scandale, certainement que l’on dira que cette option n’est pas à l’ordre du jour, puisque le ministre n’étant directement pas concerné par la procédure. Toutefois, une deuxième option s’offre à lui et semble inévitable.
Toute autre voie serait perçue comme diversion pure et simple. Cette voie est, celle de la prise de mesures urgentes ou conservatoires à l’effet de sauver l’image du département.
L’on a vu qu’un communiqué a été publié pour une prise d’engagement à appliquer strictement la loi si tel est que ‘‘ses cadres’’ son reconnus coupables au terme de la procédure judiciaire. Mais, le communiqué du weekend reste en travers de la gorge des ivoiriens et autres observateurs de ce nouveau feuilleton judiciaire qui frappe de plein fouet le département du ministre Bruno Koné, vu la gravité des faits incriminés.
La grosse inconnue reste, la fin de l’instruction. Il est vrai qu’ils sont inculpés et non encore coupables, mais sévèrement frappés par une décision du juge d’instruction le temps de la manifestation de la vérité. Mais, le ministre a-t-il une idée de la durée de l’instruction pour la condamnation ou la relaxe? Des personnes sur qui pèsent des soupçons de lourdes charges de « de faux et usage de faux commis dans des documents administratifs, escroquerie portant sur une somme estimée à cent milliards (100 000 000 000) de francs CFA et, de blanchiment de capitaux », n’est-ce pas suffisant pour prendre des mesures vigoureuses ?
Ces personnes compétentes fut-elles continueront, selon le ministre, comme le souligne son communiqué, de manipuler des dossiers dans son département ministériel ! Il y a de quoi à réfléchir. Quelle sera la crédibilité de tels documents, même si le champ d’action de la signature est estampillé ‘‘hors ELOKATE’’ ? Quelle crédibilité le public devra-t-il accorder à la signature de cadres sous contrôle judiciaire et inculpés qui doivent se présenter au cabinet du juge d’instruction chaque, deux semaines ? Quel crédit le ministre lui-même accorde à ces signataires frappés par des limites ?
Comment le ministre Koné Bruno pourrait-il confier encore à des collaborateurs frappés par une décision du juge d’instruction ? La gravité des faits sont même traduites dans la décision émise par le Juge d’instruction en ces termes :
« Entendu que l’inculpé Diallo Abdoulaye (ndlr : comme les trois autres agents) offre des garanties de représentation, qu’en outre sa mise liberté ne risque pas de compromettre la manifestation de la vérité, qu’il y a lieu toutefois en raison de l’information qui n’est qu’à ses débuts d’ordonner en son encontre une mesure de contrôle judicaire… Par ces motifs :… faisons interdiction à Diallo Abdoulaye de sortir du territoire de la république de Côte d’Ivoire, ordonnons que le passeport physique soit déposé au greffe de notre cabinet ».
Rien qu’à prendre cette partie de la décision du juge, comment le ministre pourrait-il confier des missions à ces cadres de son ministère, dès lors que la durée de l’instruction n’est connue, pas même du seul juge d’instruction. La gestion des affaires dudit ministère ne saurait exclusivement se limiter à la Côte d’Ivoire qui a des accords avec la CEDEAO, l’UEMOA et hors du continent, comment le ministre pourra-t-il composer avec des cadres de premier rang frappés d’une interdiction de sortir de la Côte d’Ivoire?
Mieux, des cadres qui pourraient le représenter hors du pays eu égard à leur expertise, voient leurs signatures sont entachées désormais de doute et limiter dans leurs mouvements. Prenons le second niveau de la décision du Juge : « Ordonnons le paiement d’un cautionnement de 10 millions de francs CFA…Disons que ledit cautionnement est reparti comme suit : 2 500 000FCFA pour garantir la représentation et les frais de la procédure ; 7 500 000 FCFA pour garantir la répartition des dommages causés par l’infraction et autres restitutions… ».
Qu’en pense le ministre, alors que ‘‘la caution’’ désigne le droit d’un accusé d’être libéré de sa garde à vue ? Ce qui sous-entend que les inculpés devraient être en détention, s’ils ne payaient pas chacun 10 millions de francs CFA. Dans ces conditions qu’aurait fait le ministre Bruno Koné? Mais la suite de la sanction du juge est intéressante :
«…Lui interdisons temporairement la signature de tout acte relevant du traitement et le suivi des dossiers de délivrance de tout titre de propriété relative aux parcelles de la zone du village Elokaté. Ordonnons et inculpons de se présenter devant nous, à notre cabinet chaque deux semaines à compter de ce jour (c’est-à-dire, depuis le 16 janvier 2024)… Disons que monsieur le Greffier…, monsieur le Directeur de la surveillance du Territoire DST sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente Ordonnance…».
À ce stade, priver ces cadres de signatures, même si le juge étend seulement la restriction au dossier d’ELOKATE, reste un déshonneur et pour les concernés et pour le ministère. Voir de hauts responsables privés de signature. Quel opérateur économique voudrait un cadre privé de signature dans un dossier, signer le sien ? Quelle est désormais la valeur de sa signature sur n’importe quel dossier ?
Mieux, une épée plane toutes les deux semaines du cabinet de juge d’instruction en leur endroit. Dans ces conditions, quelle est le degré de sérénité de ces cadres dans la conduite des tâches qui leur sont confiées par le ministre? Pour nombreux ivoiriens interrogés, au regard de tout ce qui précède, la morale ou la déontologie soulignée dans le communiqué du ministre voudrait que Bruno Koné prenne des mesures conservatoires en rassurant tous les opérateurs.
Ce qui passe dans un bref délai par la désignation à titre provisoire de nouvelles personnes aux postes antérieurement occupés par les inculpés, sous réserve de la fin de l’instruction et de la décision finale. Quitte à ce qu’ils soient réhabilités s’ils sortent blanchis de la procédure. Ce qui serait en leur honneur.
Et ce serait un message clair pour le ministre en ce qu’il est prêt à sanctionner tout acte qui nuirait aux réformes qu’il a engagées avec brio dans le secteur de la Construction, de Logement et de l’Urbanisme. Son communiqué du weekend, tel que libellé donne un goût d’inachevé. Ils ne sont pas encore coupables, mais la nature des charges laisse une flétrissure amère! Les Ivoiriens attendent encore, un pas du ministre Bruno Koné au-delà des communiqués et autre déclarations.