Dr Paul Assandé, directeur général de l’Office Ivoirien de la Propriété Intellectuelle (OIPI), dans une interview accordée au Centre d’Information et de Communication gouvernementale (CICG), parle du processus qui a abouti à la labélisation de l’ATTIEKE, un produit made in Côte d’Ivoire.
Il présente les avantages que la Côte d’Ivoire tire sur le plan socio-économique de cette action de labélisation de l’appellation de ce produit alimentaire ivoirien.
« La labélisation de l’appellation Attiéké permet d’empêcher l’usage abusif qui est fait de ce mot par de nombreux pays, mais également de booster les ventes du pays sur les marchés internationaux », indique-t-il. Suivez.
CICG : Qu’est-ce que l’Office Ivoirien de la Propriété Intellectuelle ?
OIPI : L’Office Ivoirien de la Propriété Intellectuelle est un Établissement public national (EPN) à caractère administratif, qui est chargé d’administrer la propriété intellectuelle. Il faut savoir que la propriété intellectuelle regroupe l’ensemble des œuvres de l’esprit. Donc, on parle de brevet, d’œuvres artistiques, d’œuvres littéraires. C’est cet ensemble qu’on appelle propriété intellectuelle. Notre mission est donc d’aider tous les créateurs à sécuriser leurs créations, et naturellement à pouvoir les promouvoir dans de meilleures conditions.
Comment se fait la labellisation d’un produit ?
Il faut savoir que dans le système de la propriété intellectuelle, il y a deux outils qui permettent de faire la labellisation. Il y a un outil qu’on appelle Indication géographique qui permet de reconnaitre la valeur d’un produit en lien avec son terroir. En Côte d’Ivoire, nous avons enregistré nos trois premières Indications géographiques en 2023.
Par exemple, le Café des montagnes de Man a été enregistré en Indication géographique pour reconnaître que les caractéristiques de ce café sont différentes des autres cafés parce que celui-là est produit dans des conditions climatiques et de relief qui sont spécifiques.
Ces conditions donnent au Café des montagnes une saveur et des caractéristiques organoleptiques qui sont différentes des autres cafés produits dans les autres zones.
Le deuxième dispositif dans la propriété intellectuelle de labellisation est la Marque collective. Il faut retenir qu’une marque est un titre de propriété qui donne le droit d’exploitation à titre exclusif à son détenteur. Elle (la marque) devient collective lorsque c’est un ensemble d’acteurs qui s’accordent à définir les normes de production, de mise sur le marché d’un produit. Alors, c’est ce dernier système que nous avons utilisé pour labelliser l’Attiéké.
Il faut se rappeler que l’Attiéké des Lagunes a été labellisé aussi par Indication géographique, en 2023, en même temps que le Pagne baoulé et le Café des montagnes comme je l’indiquais tantôt. Mais là, il s’agissait simplement de l’Attiéké des Lagunes, puisque les études scientifiques ont montré que l’origine historique de l’Attiéké en Côte d’Ivoire, c’est la zone lagunaire. La technique de production de l’Attiéké dans cette zone est une technique ancestrale. Donc, il fallait utiliser ce système pour rattacher la qualité de l’Attiéké de cette zone à ce terroir. Ce qui a été fait en 2023.
Mais, l’enjeu pour la Côte d’Ivoire, au-delà de l’Attiéké des Lagunes, c’était d’empêcher l’usage abusif qui est fait à travers le monde de l’appellation Attiéké. Pour ce faire, l’Indication géographique Attiéké des Lagunes est un premier pas. Mais, ne suffisait pas. Et donc, il nous a fallu qu’on utilise la Marque collective qui, désormais, donne droit d’exploitation exclusive de ce nom Attiéké à la Côte d’Ivoire.
Pourquoi la Côte d’Ivoire a-t-elle décidé de protéger son Attiéké ?
La Côte d’Ivoire a décidé de protéger l’appellation Attiéké pour empêcher l’usage abusif qui est fait de ce mot par de nombreux pays à travers le monde. Pas que des pays africains. Des pays, en dehors du continent africain, utilisent ou utiliseraient l’appellation Attiéké pour la commercialisation de leur semoule de manioc. Donc, il était devenu plus qu’important pour l’État de Côte d’Ivoire d’empêcher cela. Et donc, pour le faire, il fallait se donner les moyens légaux. C’est ce qu’on vient de faire à travers la Marque collective.
En quoi la labellisation de l’Attiéké contribue à la compétitivité de l’économie locale et à la promotion de la destination Côte d’Ivoire ?
Je pense que pour ce qui est de la compétitivité, il est clair que la Marque collective va booster les ventes sur les marchés internationaux.
Donc, ça va renforcer ou améliorer le chiffre d’affaires de tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’Attiéké. Donc incidemment, ça aura un impact sur le développement des entreprises, le développement des activités dans ce secteur-là.
Pour ce qui est du tourisme, tout le monde reconnaît, ou beaucoup de personnes rattachent l’Attiéké à la Côte d’Ivoire. Donc, en labellisant ce met, je pense que ça va davantage attirer des touristes. Tous ceux qui vont venir en Côte d’Ivoire désormais sauront que l’Attiéké qu’ils connaissaient, il y a quelques années, a été labellisé. Donc, il faut davantage en consommer. Et certainement, ça va permettre à notre secteur de tourisme, précisément, les restaurants et autres de réaliser de bonnes affaires.
Quels sont les avantages pour les producteurs ?
Ce que je viens de dire tout à l’heure répond à votre question, parce que dans la compétitivité de l’activité économique, dans le développement du tourisme, je pense qu’il y a les producteurs qui sont à la base, et donc qui vont forcément en tirer profit. Les producteurs, c’est vrai qu’on parle plus de productrices, parce que les questions qu’on me pose, c’est « Est-ce que la labellisation ne va pas profiter qu’aux industriels du secteur Attiéké au détriment des petites productrices ? ».
La réponse que je donne, c’est non. C’est vrai que les industriels qui ont de gros moyens vont chercher à capitaliser sur la labellisation, mais aussi, les petites productrices désormais, pourront mettre sur le marché des produits labellisés avec les stickers. Ce qui va leur permettre de vendre mieux et d’avoir un retour consistant pour améliorer leurs conditions de vie.
Où est valable cette mesure ? Et comment se procurer l’Attiéké labellisé ?
Pour l’instant, la labellisation a été obtenue au niveau de l’OAPI. Donc, le Certificat d’enregistrement a été délivré par l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) qui regroupe 17 états africains qui partagent la langue française en commun.
Donc, il y a les pays de la CEDEAO qui sont francophones, les pays de l’Afrique centrale francophones également. Et donc ces pays-là, il y a notamment dans notre zone le Bénin, le Burkina, le Mali, de l’autre côté on a le Congo, la Centrafrique, le Gabon et ainsi de suite.
Et donc, pour l’instant, la labellisation est valable dans ces 17 pays-là. Mais sur instruction du ministre du Commerce et de l’Industrie, Dr Souleymane Diarrassouba, nous avons déjà engagé les démarches pour étendre la marque au niveau de l’Afrique, donc dans les pays hors de l’espace OAPI, mais aussi dans les pays en Europe et en Amérique, de telle sorte qu’on ait la possibilité d’empêcher l’utilisation abusive de l’appellation Attiéké au-delà de l’espace OAPI.
Où on peut trouver l’Attiéké labellisé ?
OIPI : L’Attiéké labellisée sera dans les rayons très bientôt, parce qu’on vient d’obtenir le certificat d’enregistrement. Les diligences sont en train d’être mises en œuvre pour qu’on puisse produire les étiquettes qui seront mises à la disposition des producteurs et de tous les acteurs de la chaîne de valeur
pour que très rapidement tous les paquets d’Attiéké qu’on retrouve sur le marché portent l’étiquette. Mais attention, la labellisation, le processus impose le respect d’un certain nombre de normes.
Donc, ce n’est pas parce qu’on a produit notre Attiéké en Côte d’Ivoire que systématiquement on va avoir l’étiquette. Il faut garantir le respect des normes qui sont édictées dans le cahier des charges.
Donc ça c’est quelque chose de très très important pour faire vivre la marque, pour consolider la marque, le Label demain. Donc je pense que l’OIPI, en partenariat avec d’autres structures de l’État qui travaillent sur ces questions-là, va continuer à faire le travail de telle sorte que le Label soit consolidé. Une chose est de créer un Label, mais l’autre est de le consolider et de le promouvoir.
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