A fin août 2025, il ne devrait plus avoir un seul élément des Forces Françaises en Côte d’Ivoire (FFCI) sur le territoire ivoirien. C’est ce qui ressort d’un document-programme du ministère de la Défense ivoirien. Cette date marquera la fin de plus d’un siècle de présence militaire française en Côte d’Ivoire, sans discontinuité, l’armée coloniale étant arrivée dans ce pays depuis 1893.
Les quelques 1000 militaires français présents en Côte d’Ivoire quitteront donc le pays avant la fin du mois d’août prochain, sans qu’on ait enregistré le moindre éclat de voix entre les deux pays. Il faut dire que l’arrivée au pouvoir, en 2011, du Président Ouattara et la montée en puissance crescendo de l’armée ivoirienne, à la fois en termes d’équipements et d’opérationnalité des hommes, a rendu la présence de l’armée française dans ce pays non-indispensable, pour ne pas dire inutile pour la Côte d’Ivoire.
Les différentes attaques des pro-Gbagbo aux frontières du pays, avec le Libéria ou le Ghana, ont été toutes enrayées par l’armée ivoirienne, sans aucune forme d’appui de la France. De même, que ce soit pour l’attaque terroriste de Grand-Bassam, le 13 mars 2016, ou les incursions jihadistes dans le septentrion ivoirien, le 11 juin 2020 à Kafolo, le 29 mars 2021 à Kafolo et Téhini et le 19 octobre 2021 à Téhini, l’armée ivoirienne a, seule fait face à cette guerre asymétrique.
Les différentes étapes du départ des forces françaises
Dès le 30 janvier 2025, la base française connue sous l’appellation de Camp du 43è BIMA (Bataillon d’Infanterie de Marine), sera baptisée Camp GCA Ouattara Thomas d’Aquin. Le Général de Corps d’Armée (GCA) Ouattara Thomas d’Aquin fut le 1er Chef d’Etat-major Général des Armées ivoiriennes, de 1961 à 1974.
Des soldats ivoiriens ont déjà pris leurs quartiers au sein du camp situé à Port-Bouët, où ils cohabitent avec les militaires français, depuis quelques semaines. Ce même 30 janvier 2025, différents documents juridiques seront signés entre officiels ivoiriens et français, permettant notamment à la partie ivoirienne de jouir légalement des logements et d’autres équipements logistiques que laissera sur place l’armée française.
Le 17 septembre 2024, la France a cédé aux autorités ivoiriennes le camp d’entraînement qu’elle avait construit à Lomo Nord, près de Bouaké. Dans un document de l’armée française dont nous avons pu obtenir copie, ce camp est présenté comme un « site stratégique » qui servait à la « préparation opérationnelle des soldats français stationnés dans la région », à travers des exercices incluant « des manœuvres tactiques et des simulations d’opérations en terrain varié ».
Au terme de la cession totale, aux Ivoiriens, de la base militaire française, la Côte d’Ivoire prévoit d’y installer son 1er Bataillon des Commandos-parachutistes. Outre un centre de formation logistique, le camp abritera également une école régionale des SIC (Systèmes d’Information et de Communication), qu’on appelle accessoirement dans l’armée « les transmissions ».
Les différentes interventions de l’armée française en Côte d’Ivoire
Si l’armée française n’a jamais quitté la Côte d’Ivoire depuis la colonisation, ces quarante dernières années, elle n’est intervenue que rarement dans les affaires intérieures de ce pays, et ce fut souvent soit à la demande des autorités en place, ou avec le mandat de l’ONU.
En 2002, lorsqu’une rébellion éclate dans le Nord, qui menace de renverser Laurent Gbagbo, ce dernier demande à la France d’intervenir pour mater les rebelles. La France rappelle au président ivoirien que les accords de défense ne permettent à l’ex-colonisateur d’intervenir qu’en cas d’une agression par une armée étrangère, ce qui n’était pas le cas de la Côte d’Ivoire en septembre 2002. Pressé par le Président Gbagbo, Paris finira par sauver le régime en s’interposant et en barrant le chemin aux insurgés, alors que les troupes du chef rebelle -Guillaume Soro- sont à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, Yamoussoukro.
Le 6 novembre 2004, dans un contexte où le régime ivoirien s’offusque de ce que Paris ne se range pas clairement derrière lui face à la rébellion, l’armée ivoirienne bombarde un casernement de l’armée française à Bouaké, causant la mort de neuf militaires français. En représailles, Jacques Chirac ordonne la destruction de l’ensemble de la flotte militaire ivoirienne.
Le lendemain, des milliers de partisans du régime, répondant à l’appel de l’activiste pro-Gbagbo, ‘’général’’ Blé Goudé, s’en prennent aux milliers de Français présents à Abidjan. Ils sont rassemblés dans un grand hôtel, dans l’attente de leur évacuation, mais la foule encercle le site et se montre de plus en plus menaçante. L’armée française tire à balles réelles sur les manifestants qu’elle arrive à disperser, faisant quelques dizaines de morts.
La dernière intervention française en Côte d’Ivoire remonte à 2011. Laurent Gbagbo, qui refuse de reconnaître sa défaite à la présidentielle d’octobre 2010, fait tirer sur les civils à mains nues qui manifestent pour demander son départ. L’ONU donne alors mandat à l’armée française pour neutraliser les armes lourdes avec lesquelles Laurent Gbagbo terrorisait la population en vue de se maintenir au pouvoir.
L’avenir des relations militaires entre les deux pays
Si la Côte d’Ivoire a demandé et obtenu la fermeture de la base française sur son territoire, cette étape ne marque toutefois pas une rupture de la coopération militaire entre les deux pays. Les autorités ivoiriennes indiquent qu’elles vont maintenir avec Paris le même type de relations que le pays entretient déjà avec l’armée américaine ou « avec plusieurs autres pays », indique un document du ministère ivoirien de la Défense, sans autre précision.
Les observateurs saluent la maturité des autorités ivoiriennes qui ont préféré une démarche concertée, plutôt qu’une rupture spectaculaire aux relents populistes, comme ce qu’on a observé dans les Etats du Sahel, qui en ont tiré un bénéfice politique certain.
Un dignitaire du parti au pouvoir explique que « le Président Ouattara est un homme d’État responsable qui n’est pas adepte de la diplomatie spectacle. Ce qui compte pour lui c’est le résultat et, dans ce cas précis, nous avons décidé du départ de l’armée française et nous y travaillons longtemps avant même que certains putschistes du Sahel n’arrivent au pouvoir ».
Par Saïd Penda (lenqueteurdeterminet.net)
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