Pour la Ministre de l’Education Nationale Mariatou Koné (photo) « les portes du dialogue n’ont jamais été fermées ». Mais dialoguer ne signifie pas nécessairement s’entendre. Du 15 au 17 Octobre dernier, le secteur de l’Éducation fut secoué par une grève de trois jours. Les enseignants réclamaient principalement des primes d’incitation. Jugeant la grève « illégale » du fait « des négociations qui n’ont jamais été rompues », les autorités ont joué la fermeté.
Les salaires des 26 meneurs identifiés ont été suspendus, et une retenue sur les salaires des autres enseignants grévistes a été opérée, proportionnelle au nombre de jours de grève. D’autre part, il a aussi été décidé que ces meneurs seraient traduits devant le « conseil de discipline » de la Fonction publique, où selon le porte-parole du gouvernement, la radiation pourrait être envisagée à leur encontre.
Le gouvernement n’a pas non plus exclu des poursuites pénales contre ces meneurs pour « violence et destruction de biens publics ».
Ainsi quatre membres de la CES (Coordination des Enseignants du Secondaire) furent interpellés par la police au Lycée D’excellence Alassane Ouattara de Grand Bassam, et détenus plusieurs jours. Finalement après plusieurs tractations, ces enseignants ont été libérés, et la mesure de suspension salariale levée, dans un « geste d’apaisement et d’ouverture » selon les autorités. En retour les cours ont repris dans les établissements, tout semble être entré en ordre, dans l’attente de la prochaine crise, serait-on tenté de dire.
Pourtant en Août 2022, une « trêve sociale » de 05 années a été conclue entre l’Etat ivoirien et l’ensemble des syndicats de la Fonction Publique via leurs centrales syndicales. Concrètement, aucune grève au sein de l’administration publique durant toute la période concernée ne devait se produire. En échange, l’Etat s’est engagé à mettre en œuvre une série de mesures, d’un coût de 1100 milliards sur la période. Pourtant des grèves sont observées depuis. La « trêve sociale » semble bien caduque aujourd’hui. En fait, il était illusoire de croire que tous les syndicats mettraient leurs revendications en sourdine pendant cinq longues années.
D’autre part, le gouvernement ivoirien a très souvent recours à l’arme de la suspension des salaires pour « casser » les grèves des enseignants. Et cela fonctionne. Toutefois, il prend bien soin de choisir les fonctionnaires contre qui utiliser cette arme.
Il ne se hasarderait jamais à suspendre les salaires des agents des Impôts (au du trésor public), et d’en arrêter quelques-uns, si ces derniers se mettaient en grève. Et pour cause, ce sont eux qui mobilisent l’essentiel des ressources intérieures. Toute grève à leur niveau paralyse l’alimentation des caisses de l’Etat, le privant de recettes.
Ainsi les agents de ces structures (Trésor et principalement Impôts) n’ont peut-être pas de fusils entre les mains, mais sont en mesure de faire vaciller le pouvoir, en le frappant au portefeuille. Résultat, on peut habiller cela par des mots, l’Etat ivoirien « capitule » toujours lorsqu’ils brandissent un préavis de grève, mettant tout en œuvre pour éviter le débrayage.
Cette attitude de faiblesse fait peser un risque politique, car il n’est pas exclu que les Syndicats au niveau de ces structures soient un jour instrumentalisés par un parti. Là encore on peut habiller cela par des mots, les agents des impôts dans une certaine mesure, tiennent le pays en otage.
Les enseignants du secondaire réclament des primes d’incitation, quoi de plus normal quand on sait qu’aux Impôts, les agents ( qui sont avant tout des fonctionnaires comme eux ), perçoivent tous les trois mois des primes d’incitation comprises entre 01 million (pour les chauffeurs et assimilés), à 03, 04 voire 05 millions pour les administrateurs.
En outre une « super prime » en fin d’année leur est octroyée, et chose totalement surréaliste, ils exigent désormais le partage du surplus de recettes qu’ils auront mobilisé, s’ils dépassent les objectifs qui leur sont assignés. !!! Cette question du partage des recettes est aujourd’hui au cœur de leurs revendications, trêve sociale ou pas.
C’est une revendication scandaleuse, et dangereuse pour la stabilité de ce pays. Il faut bien comprendre que s’ils venaient à obtenir satisfaction, le gouvernement ouvrirait la boîte de pandore, car toutes les structures qui, à quelque niveau que ce soit, mobilisent les recettes publiques, exigeraient le partage de ces recettes qu’on leur demande de mobiliser. L’économie ivoirienne entrerait dans une spirale infernale.
On ne sait pas où en sont les négociations, mais on voit difficilement les Syndicats des Impôts abandonner la partie sans rien obtenir, sachant qu’ils ont la capacité de faire plier les autorités.
Si cette revendication aboutit, ce sont des centaines de milliards que vont se partager les agents. Aujourd’hui aux impôts, ceux qui sont admis à la retraite refusent de partir, car « l’endroit est trop doux » comme on le dit là-bas.
Pourquoi refuse-t-on des primes aux enseignants dans ces conditions ? Sur quel principe d’équité ? Il est légitime que les autres corps de fonctionnaires réclament un traitement similaire. Le principe des primes d’incitation doit s’appliquer à tous les fonctionnaires sans exception.
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