«La société ivoirienne se complexifie sans faire sa mue du point de vue du leadership national »
Clairement dit, lorsqu’il se présente : « Je suis docteur Synzi Dadié Socio-économiste ivoirien. Expert interprète et traducteur, également enseignant et consultant dans le monde humanitaire et du développement depuis 2011. Titulaire d’un Master en étude du développement obtenu en Ireland et d’un MBA en Marketing et Gestion des Ressources Humaines obtenu en Angleterre.
Les réflexions et contributions que je fais tournent autour de la Bonne Gouvernance, l’emploi et l’Intégration pour le développement durable de la Côte d’Ivoire et des pays africains ».
Dans cet entretien accordé à la rédaction de LEDEBAT IVOIRIEN, il fait montre d’une grande vision pour la stabilité du continent africain.
Son pays la Côte d’Ivoire n’est pas en reste. Le maelström politique nation et sou régional ouest africain est passé au peigne fin. Dr Synzi Dadié face à 24 questions livre des réponses sans détours. Suivez !
Quelle opinion vous faites-vous sur l’état de la société ivoirienne ?
La société ivoirienne porte aujourd’hui les fruits des graines du passé. Nous avons un gouvernement qui fait au mieux qu’il peut, une jeunesse en attente des retombées de la croissance, une école et une université dans l’ambiguïté, une opposition qui cherche ses repères. Mais aussi une évolution tangible au niveau des infrastructures qui ne doit pas occulter l’évidence des inégalités croissantes, de la paupérisation et des politiques d’emploi en panne.
Doit-on pour autant dire que la société ivoirienne se porte mal ou bien ? C’est au citoyen ivoirien d’en apprécier. Somme toute, chacun en déduira selon qu’il vive bien ou difficilement dans cette société ivoirienne certes d’avenir, mais qui change, se complexifie sans faire sa mue du point de vue du leadership national.
Doit-on affirmer que seuls les successifs régimes sont responsables de la situation de précarité dans laquelle vit une grande partie des populations ?
Je ne parlerais pas de précarité applicable à la grande partie des populations. Il y a des évolutions. Seulement, les inégalités se sont renforcées et la capacité du gouvernement à garantir une visibilité à la jeunesse ne suit pas la croissance économique en question. On a même été obligé d’initier une année de la jeunesse.
Quant à la responsabilité de la bonne ou mauvaise marche du pays, elle ne doit incomber qu’aux régimes et au gouvernant en place puisqu’il n’y a pas de crise ou de rébellion. C’est donc dans un gouvernement monochrome et sans bâclage qu’ils définissent les politiques publiques.
Nommé gouverneur du district d’Abidjan en 2023, le ministre Cissé Bacongo s’est lancé dans une grande opération de déguerpissements dans plusieurs zones de la capitale économique ivoirienne. Quelle lecture faites-vous de cette vaste opération d’assainissement ?
Ces opérations demeurent l’embryon d’un chantier d’envergure qui doit se mettre en œuvre selon une vision et une matrice bien claire. On n’improvise pas le développement. Quel est donc le plan dans lequel ces déguerpissements s’inscrivent ? Allez voir Koumassi qui a été la zone test du ministre Bacongo. Les arbres ont tous été enlevés, on a dégagé çà et là pour consolider une commune à magasins. L’argent, l’argent ! La commune est devenue un grand marché et c’est ainsi de plus en plus à Cocody à l’instar des autres communes ivoiriennes.
Alors que la ville doit placer l’homme et l’espace de vie au centre. Une ville humaine, c’est au minimum 1 hectare d’espace vert pour 5.000 habitants. Sûrement qu’un jour, on comprendra ce principe d’urbanisation. Mais pour l’heure, ce n’est pas l’orientation de Bancogo qui ma foi, fait ce qu’il peut. Vous voyez à Cocody, le Maire Yacé laisse construire des magasins sur le trottoir à la rue des jardins. Quelle est leur vision de la ville ?
Vous êtes l’auteur d’un livre essai intitulé IDÉES DE GOUVERNANCE principalement porté sur la Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de ce livre contenant à la fois des critiques et des propositions de solutions ?
Ce sont les idées qui gouvernent le monde disait Ernest Renan. C’est ce principe qui me guide et guide l’ouvrage qui sera disponible chez harmattan pour la Côte d’Ivoire. Chez nous, il est impératif que les idées prennent le dessus afin de devenir les catalyseurs d’une vision porteuse pour la Côte d’Ivoire. Il ne s’agit pas de se lancer en politique, puis chercher à imaginer sur le tas, ce qu’on pourrait faire pour le pays et les Ivoiriens ; mais plutôt de creuser en soi, faire des recherches et se construire une image prospère du pays à travers des idées à la fois réalistes que pragmatiques. Cela témoignerait bien de l’amour que l’on a pour le pays. C’est ce qui a motivé cet ouvrage à la portée de tous et dont les gouvernants pourraient bien se servir.
Toujours dans ce livre, vous préconisez la délocalisation de plusieurs infrastructures à l’instar du zoo d’Abidjan, du camp de la gendarmerie, le forum des marchés d’Adjamé… De quoi est-il question ?
La Matrice ancienne de la ville d’Abidjan a fait ses preuves et n’est plus apte au regard des défis du moment et avenir. Il faut tenir compte de la mobilité humaine, de l’écologie et de la création d’une ville qui respire l’humain. C’est pourquoi la base de mes réflexions sur la ville s’articule autour de la maximisation de l’espace, la création d’espaces de vie, la réduction de la population des grandes agglomérations, la limitation des étendues des villes et le développement économique des autres villes ; socle de la décentralisation et de la déconcentration urbaine.
J’ai proposé que les universités soient accoudées aux logements des étudiants avec un objectif de loger automatiquement tous les étudiants qui le voudront et attribuer la bourse aux plus méritants.
Rêvons un instant. Les écoles de Police et de Gendarmerie devront être délocalisées à des endroits éloignés, loin des regards du public pour y construire des logements estudiantins. Sur les 2 sites, nous pouvons loger 30.000 étudiants. Le forum des marchés doit laisser place à un espace vert. La commune d’Adjamé est étouffée. Le Zoo doit laisser place à un parc pour les populations des 2 Plateaux. On pourra penser à un parc Zoologique sur 150 hectares au cœur de Yopougon. On se plaint des AVC, mais on oublie que l’étouffement dans nos villes crée des problèmes de santé.
Le camp commando de Koumassi pourrait faire place à l’Université du Sud avec logements pour accueillir les étudiants d’Abidjan Sud et de Bassam. Il faut construire une autre université à Yopougon, restituer toutes les cités universitaires de Yopougon et loger les policiers dans de meilleurs logements, car ce sont des familles qui ne peuvent pas vivre décemment dans ces cites devenues policières sous Bédié, puisque conçues pour des étudiants. Le Camp d’Agban pourrait devenir un vaste parc public avec un grand business centrer pour que les sociétés privées y trouvent des bureaux et que les travailleurs aillent se recréer au parc à la pause.
Il faut construire des Business parcs dans chaque commune du pays pour rapprocher les populations de leurs lieux de travail. Bref, Il nous faut réorganiser totalement l’espace urbain. Le livre (IDG) en parle en large avec des propositions. Abidjan est très loin d’être une ville construite. Il y a une cacophonie dans le paysage de la ville. Nos villes de l’intérieur aussi, elles sont toutes perché autour des voies principales avec des parterres de commerces bigarrés. Les Maires sont devenus des collecteurs de piécettes au lieu de planifier.
Certains se diront que c’est dangereux pour la sécurité de déménager ces camps militaires. Mais que font des écoles militaires au cœur de la ville où on attend les bruits des manouvres militaires ? Sachons que le dispositif de sécurité impliquant les grands camps militaires en milieu urbain est dangereux et dépassé. C’était un système colonial n’a plus de pertinence. Il y a aussi eu l’idée qu’il fallait mater les étudiants avec les écoles de police et de gendarmerie au nez du campus. Tout ça s’est dépassé. Le dispositif de sécurité doit faire face au grand banditisme moderne et au terrorisme. Ce qui nécessite un dispositif tactique à petites unités, petits encasernements spéciaux, et d’interventions rapides. J’explique mieux cela dans la version intégrale des Idées de Gouvernance.
Selon votre livre, le programme de développement déroulé par les gouvernants ne correspond pas aux exigences du monde actuel et des défis futurs à relever, comparativement à ce qui est réalisé à l’échelle internationale. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Nous commettons l’erreur de chercher à développer notre pays ‘’morceau par morceau’’. Celui qui arrive au pouvoir, met en œuvre son plan, puis rupture lorsque le prochain arrive. Il nous faut développer un plan stratégique de développement auquel l’ensemble de la société ivoirienne aura contribué. Un plan pour les 25 prochaines années, c’est une génération. Ainsi, nous savons où nous allons et la différence au niveau des gouvernants se situera dans le management et la mise en œuvre. Pour ainsi dire, le président qui vient, ne viendra pas avec un projet de société à lui, mais une méthodologie de mise en œuvre de ce que la nation aura convenu, avec ses amendements.
Sans cela, nous continuerons dans les travers d’une action gouvernementale par-à-coup et ‘’improvisée’’. Quelle est la valeur ajoutée du pont de Cocody à la mobilité urbaine lorsqu’à 8 heures, la zone est impraticable ? Quelle est la valeur ajoutée d’une Tour F à coûte des milliards, en déphasage avec le paysage du plateau, si ce n’est pour les yeux, alors qu’on peine à offrir le basic et le digne à nos enfants dans les écoles publiques ? S’il y avait une vision derrière cette tour, elle aurait été la construction du ‘’grand frère’’ du plateau sur le site actuel de la commune d’Adjamé, afin que Abidjan ait un City Center avec des gratte-ciels modernes commençant avec la Tour F. Mais pas un tel mastodonte au plateau.
Peut-on dire que l’économie ivoirienne est en train de s’affranchir de l’agriculture ?
L’agriculture reste le socle soutenable d’une économie souveraine. Il faut plutôt la développer. Je crois que vous voulez plutôt dire s’affranchir de l’agriculture traditionnelle. On en est loin. La modernisation de l’agriculture reste un mythe à ce jour dans notre pays. Et notre économie est fortement agraire. Il y a trop de maillons manquant dans la chaine de valeur, qu’on ne profite pas assez de nos efforts. Nous sommes restés au primaire.
On exporte les matières premières. L’extérieur les transforme et nous les renvoie pour que nous les consommions. C’est un manque de vision. Quand on prend le cas du caoutchouc, on voit qu’il n’y a pas d’industrie de pneumatique en Côte d’Ivoire, on peut continuer. Dans nos plantations de Cacao, la machette continue de trancher les mains de nos parents. Aucune machinerie ou technologie pour leur faciliter la vie alors que nous avons l’INPHB qui ne peut se targuer d’avoir une technologie en utilisation en Côte d’Ivoire. Certainement parce qu’on n’investit presque rien dans la recherche et l’innovation : 0,09% du PIB c’est résiduel.
Depuis 2023 la flambée des prix du cacao sur le marché mondial défraie la chronique. En Côte d’Ivoire où le gouvernement a fixé le prix à 1800 / Kg pour la nouvelle traité cacaoyère, l’opposition politique exige une augmentation du prix d’achat bord champ. Qu’en pensez-vous ?
La nature du peuple est qu’il en exigera toujours. Et c’est une bonne chose. Il faut un peuple exigeant, sur tous les plans, qui pousse l’état à mieux faire. 1.800 F c’est mieux que moins. L’opposition est dans son rôle. Elle doit d’ailleurs instruire la population sur le droit à l’exigence. L’agriculteur mérite de mieux vivre.
Contrairement aux années sous la présidence de feu Houphouët-Boigny, la jeunesse ivoirienne n’est pas assez portée sur les travaux agricoles. Quelles solutions pour inverser la tendance ?
Nous avons une jeunesse qui a besoin d’être orientée afin de devenir maitresse de notre avenir. Pour ma part, je ne conçois pas l’agriculture dans un état, comme un chantier où chacun fait ce qu’il peut. Je milite pour l’interventionnisme de l’état. Dans l’agriculture, l’état doit mettre en œuvre de vastes projets agricoles qui pourrons absorber autant de jeunes possibles. Les 365 milliards de l’année de la jeunesse aurait bien pu servir à créer au moins 36 grands projets d’investissement de 10 milliards chacun, créant 250 emplois par projet. Soit 9.000 emplois aussi rapidement avec impact positif sur le coût de la vie. Voyez-vous, je ne trouve pas normal qu’on ait à dépenser pour l’alimentation des prisonniers. Ils doivent eux-mêmes produire 100% de leurs aliments.
Dans IDG, j’ai parlé de la possibilité de créer plusieurs pôles agricoles, y compris pour la production de la viande de brousse sur 250 hectares pour 400 empois. Des fermes d’aquacultures. On peut faire la pisciculture à grande échelle sur 7 km2 près de Dabou afin de générer 700 emplois. On peut construire la plus grande ferme de cochon à Duékoué sur 400 hectares pour 500 emplois dans la chaine de valeur. Au milieu de ces pôles de production, on place 3 grandes usines de production d’aliments de batailles. C’est tangible, c’est clair, c’est faisable. A ces grandes initiatives, il faut impliquer fortement la technologie et le financement de l’agriculture. C’est ainsi qu’on aura créé le cadre et chacun, y compris les jeunes, y verra en l’agriculture son avenir. Que le gouvernement fasse le bilan des 365 milliards de l’année de la jeunesse et vous verrez qu’on perd du temps et de l’argent.
Relativement au phénomène urbain des jeunes délinquants, nommés microbes et enfants en conflit avec la loi, qui commettent des agressions et vols sur les passants dans les rues, quelle en est l’origine à votre avis ?
La guerre continue de dévoiler ses scories. Le traumatisme psychologique, la division des famille, ajouté à la pauvreté et à la banalisation des drogues, sont des causes. Je ne sais pas s’il y a un programme national pour le suivi psychologique continue des populations après la guerre. Mais aussi, n’oublions pas qu’il y a une industrie du banditisme qui grandi en Côte d’Ivoire.
Qu’est-ce qui explique la persistance de ce phénomène décriée par les populations et quelles actions fortes faut-il mener pour le combattre efficacement ?
Il y a le laxisme des forces publiques y est pour beaucoup. Si dans le pays, l’on considère désormais les revenus de la drogue et de la prostitution comme faisant désormais partie des agrégats du PIB, à quoi s’attend-on ?
Il faut créer de grandes zones de production agricoles et technologiques et y amener tous les délinquants de cette catégorie pour les transformer et les aider à se resocialiser sur 12 mois. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire doit construire une Hôpital National de la Réhabilitation (Physique, mentale et psychologique). C’est désormais une urgence.
Que vous inspire la création du parti politique PPA-CI à la suite du retour de Gbagbo et Blé Goudé de la CPI ?
C’est la démocratie ivoirienne qui prend davantage de couleurs. Bon retour à nos frères qui n’avait rien à faire dans la prison en occident. Il y a aussi MGC de Dr Simone Ehivet. C’est la pluralité. Que la Côte d’Ivoire tire les leçons de tous ces emprisonnements inutiles et que demain soit meilleurs pour chaque ivoirien.
Bien qu’acquittés après plusieurs années de procès à la CPI, Gbagbo et Blé Goudé sont toujours d’une manière dans les liens de la justice ivoirienne. La justice internationale ne supplante-t-elle pas le pouvoir judiciaire national ?
Je suis de la génération qui n’a pas connu la belle Côte d’Ivoire, la belle époque comme disent certains. Le rôle de ma génération, c’est de faire en sorte que nos enfants vivent mieux. Si les aînés n’arrivent pas à évacuer leurs contentieux pour nous amener vers de meilleurs pâturages, ils seront les seuls perdants.
Que vous inspire la réalité selon laquelle Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, deux ex-présidents déchus, hier ennemis, se retrouvent aujourd’hui libres sur le sol ivoirien ?
Blaise Compaoré n’est pas Libre, il est en exile en Côte d’Ivoire. Tout ça, c’est l’Afrique qui nous montre ainsi ses ritournelles. J’aimerais bien les voir se rencontrer.
Chacun aura beaucoup à dire à l’autre. Il y a aussi Ouattara et Gbagbo. Désormais face-à-face. Les rôles changent et ça changera toujours. C’est pourquoi quand on gouverne, il faut être humain et humble.
Ces deux anciens présidents sont âgés de plus de 80 ans. Dans une Afrique où la tendance est au renouvellement générationnel de la classe politique dirigeante, quelle alternative mettre en place pour les convaincre d’agir en elders politiques afin d’orienter positivement les plus jeunes ?
Attention à la suprématie du Jeune. Aucun leader ivoirien ne peut dire qu’il est jeune. A 50 ans révolu, on n’est plus jeune même si on a de la jeunesse en soi. Il n’y a ni vieux ni jeune en politique. Il n’y a que la loi qui vaille. Ce que la loi permet à chacun, on ne peut pas le lui reprocher.
Qui vous a dit qu’il ne se sentent pas jeunes aussi. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en toute chose, l’on finit par être déphasé. Ceux qui sont jeunes aussi ne le seront pas pour toujours. Eux aussi seront dépassés. Chacun doit donc jouer son rôle et s’en aller.
Concernant la Côte d’Ivoire, l’élection présidentielle aura lieu en octobre 2025. Alassane Ouattara président en exercice depuis 2011 ne s’est encore pas prononcé si oui ou non il sera de la course ? Doit-on l’y encourager comme le font les militants et dirigeants de son parti le RHDP ?
Seuls les militants du RHDP savent ce qui est bon pour eux après 15 ans de pouvoir sans partage. L’opposition aussi. Chacun est dans son rôle. On sait tous que le débat sur l’éligibilité de Ouattara se fera. Est-il fondé ou pas, chacun ira de son argument. Mais tant que le droit est dit, libre à chacun de chercher à être candidat. Le bon sens n’a jamais guidé les politiciens ivoiriens et que chacun donnera toujours l’impression que c’est l’autre qui est pouvoiriste. Mais attention, la Côte d’Ivoire est fragile.
Au PPA-CI, Laurent Gbagbo a été plébiscité pour être le candidat de son parti à l’élection présidentielle, alors que son nom ne figure pas sur la liste électorale. Ne doit-on pas craindre des troubles politiques à l’horizon ?
Ce serait trop hâtif que de parler de troubles. Gbagbo, à l’instar de Ouattara, a le droit de faire la politique. A lui de mener son combat s’il estime qu’il est spolié de son droit à l’éligibilité. On ne peut pas en vouloir à ses partisans de le soutenir dans ce combat qui peut bien se mener sans que le pays en connaisse des troubles. Il faut qu’en face, ils trouvent un régime disposé à la discussion. Sinon, ce sera du déjà-vu.
Dans le cadre de la présidentielle 2025, quelles sont les chances de l’opposition en rangs dispersés face au RHDP au pouvoir ?
Tout est possible en politique. Rien ne nous garantit que certains atteindront l’échéance d’octobre 2025. C’est vrai que l’union fait la force. Le RHDP le sachant, sème actuellement la zizanie ici et là afin d’avoir plusieurs têtes en face.
Je ne peux faire de pronostic, car en Afrique, on a appris à comprendre que l’alternance n’est pas forcément déterminée par la force de l’opposition mais par la fin du règne de celui qui est au pouvoir. Des voix abandonniques s’élèvent déjà pour dire que s’il a déjà été candidat en 2020 à un 3ème mandat autant le laisser se présenter au 4ème en 2025. Voyez-vous la rhétorique du RHDP : ils parlent du 2ème mandat de la 3ème république. N’est-ce pas la politique ? Pourquoi tant de torsades ?
Au PDCI, un parti où les militants et les dirigeants sont toujours affectés par la disparition de Henri Konan Bédié, l’autorité de son successeur en la personne de Tidjane Thiam est contestée par Jean Louis Billon. Quelle est votre analyse sur ce cas de figure ?
Bédié (RIP) a laissé un parti en place comme le fait les grands chefs. Le PDCI est un pari mâture qui est habitué aux querelles internes. Ce ne sont pas des lubies de leadership qui feront trembler ce grand parti. Ils sauront trouver la porte de sortie de cette séquence qu’on ne peut encore appeler une crise. Leur force aux élections de 2025 en dépend.
Selon des observations, depuis l’élection de Tidjane Thiam à la présidence du PDCI en décembre 2023, les structures du parti sont devenues plus dynamiques. Que pensez-vous de la méthode de combat politique déroulée par Tidjane Thiam ?
Thiam est en train d’occuper l’actualité et à asseoir sa personnalité politique. Il fallait en toute chose commencer par relancer la machine du PDCI sur laquelle il s’appuie. Et il le fait bien. C’est au résultat que l’on verra l’impact de sa méthode qui semble crescendo. Les Ivoiriens sont certes ouverts. Mais il faut savoir trouver la clé de leur cœur. Actuellement, Thiam est encore loin de l’avoir trouvé. Mais il en a la lucidité et la capacité. Même si le temps joue théoriquement contre lui, vu la proximité de l’élection de 2025, qu’on lui laisse le temps de dérouler.
Au Sénégal, le parti de Macky Sall est tombé face au duo Sonko et Diomaye. Au Ghana, l’alternative démocratique a été respectée à travers le retour au pouvoir de John Dramani. N’y aura-t-il pas un effet de contagion dans les autres pays de la CEDEAO ?
Historiquement, aucun mouvement politique à part l’indépendance n’a eu d’effet de contagions en Afrique de l’Ouest. La chute honteuse de certains leaders est l’effet de leur entêtement. Pourtant, il est possible de s’approprier l’alternance et faire briller la démocratie comme le font les Ghanéens depuis quelques décennies.
La Guinée, le Burkina Faso, le Mali et le Niger sont gouvernés par des pouvoirs Kaki. N’est-ce pas une négation des principes de la démocratie chère à la CEDEAO ?
La CEDEAO n’a pas vocation à faire la promotion de la démocratie et ne peut pas la garantir. Chaque pays fait le choix de son avenir. Plutôt que de se focaliser sur une organisation d’intégration sous-régional qui n’a pas à s’ingérer dans les affaires internes de chaque état, travaillons à garantir la démocratie à nos peuples en l’intérieur de nos frontières. C’est notre choix.
Burkina, Mali et Niger sont sur la voie de la création d’un état fédéral dont l’embryon est L’AES. Les fondements et acquis de la CEDEAO ne sont Ils pas menacés
Cette initiative des pays de l’AES est la résultante d’un désamour sous-régional. Soit la CEDEAO se reconstruit avec eux, soit ils feront leur chemin. C’est l’intégration qui prendra un coup par manque de leadership visionnaire dans la région. Mais on ne peut pas les empêcher de prendre leur chemin.
Quels actes forts faut-il envisager pour ramener la confiance entre les pays de L’AES et la CEDEAO ?
L’Afrique de l’Ouest et même toute l’Afrique a raté les bases de ce que doit être l’intégration. Avant l’Union Africaine puis CEDEAO, la première organisation qu’il fallait créer est une organisation militaire, de protection et de non-agression dans la zone, assortie d’une force militaire commune. C’est l’insécurité et le terrorisme qui a amené ce que nous voyons aujourd’hui dans le Sahel.
Avec une organisation à l’image de l’OTAN, le reste viendra facilement. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Sud (OTAS). Regardez bien les occidentaux. Après la 2nde guerre mondiale, ils ont créé l’OTAN en 1949 pour d’abord se protéger, protéger leurs peuples, leurs territoires. Puis les traités économiques et de libre circulation ont suivi selon chacun.
Pour l’heure, on ne peut pas ramener les pays de l’AES dans une organisation qui n’a pas de bonne base et ne fonctionne pas. D’ailleurs l’AES refuse le délai de prescription de 6 mois jusqu’à juillet 2025 et veut s’en aller en janvier déjà. Il faut plutôt collaborer avec eux au mieux possible sans remettre en cause le principe d’intégration. Ensuite, travailler à des investissements sous-régionaux qui puissent garantir la sécurité alimentaire et donner de l’emploi aux jeunes. Nos peuples de la région s’agglutinent autour des problèmes politiques parce que la subsistance est trop menacée.
Travaillons pour le long terme que de morceler l’histoire. C’est dans ce sens que je travaille à un ouvrage intitulé « L’Afrique intégrée » qui présente l’intégration et la nécessité d’unité sous un paradigme de développement à grande échelle.
J’y présente un ensemble de grands projets et de cadres institutionnels que l’Afrique pourrait engager pour sa résilience, son développement et l’intégration naturelle de ses peuples. J’y propose la création d’un Canal à partir de la Mauritanie qui traversera le Niger, Mali, Niger et fera une boucle inclura même le Tchad, le Soudan du Sud et le Centrafrique. Les leaders changeant, l’avenir s’occupera de ce que sera la coopération entre les états de la sous-région. Merci .
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