Le 04 Juillet 2024, dans l’enceinte de la BAE à Yopougon, le Premier Ministre Beugré Mambé présidait la cérémonie de lancement de la construction de 3 000 logements sociaux. Le 12 Août 2024, il renouvelle l’exercice cette fois à Akoupé Zeudji (PK 24 autoroute du Nord), pour la construction de 1 160 logements sociaux, ces deux cérémonies relevant du « programme d’urgence de 25 000 logements sociaux ». Tout cela doit être mis entre griffes, car il y a régulièrement de la communication sur la construction des logements sociaux, des chiffres sont annoncés, mais les logements ne sortent pas toujours de terre.
En 2012, un programme de construction de 60 000 logements sociaux est lancé. Puis en 2015, dans le Plan National de Développement-PND 2015-2020, l’Etat se fixe un objectif encore plus ambitieux de 150 000 logements sociaux à l’horizon 2020, alors que le programme de 60 000 logements qui est en cours, évolue visiblement vers un échec.
Résultat en 2020, sur les deux programmes, soit sur un objectif de 210 000 logements prévus, seuls 12 000 logements ont été livrés, la majorité des chantiers restant inachevés. Puis de nouveau dans le PND 2020-2025, l’Etat reconduit le même objectif de 150 000 logements sociaux. En cette fin d’année 2024, c’est globalement 20 000 logements sociaux qui ont été effectivement réalisés depuis 2012, soit un peu moins de 10% des 210 0000 logements prévus sur la période.
Les programmes étant mis en œuvre par des promoteurs privés, l’échec réside principalement dans leur incapacité à mobiliser les financements. Pour le programme initial de 60 000 logements sociaux, c’était environ 6 000 milliards de FCFA qu’il fallait mobiliser (chiffres du ministère de la construction). Pourtant l’Etat aurait dû s’en rendre compte dès 2015 et en tirer les conséquences. Mais cela n’a pas été fait. On a continué avec des objectifs irréalisables.
D’autre part, l’Etat n’a pas fait correctement sa part en mettant à leur disposition et à temps, des terrains viabilisés. Devant ces retards, les souscripteurs ont arrêté de verser les montants qui leur étaient réclamés, entraînant un manque de liquidités qui a conduit à l’arrêt des travaux. Ainsi en tant que « maître d’œuvre » de tout ce programme, l’Etat porte la responsabilité de ce fiasco. Il est certain que le programme n’a pas été correctement cerné. On a ensuite habillé cet échec avec de la communication.
Aujourd’hui on parle d’un « programme d’urgence de 25 000 logements sociaux « . Cette fois-ci, c’est l’Etat qui construira les logements à travers l’ANAH (l’Agence Nationale de l’Habitat, ex SICOGI). On retourne donc à ce qui a marché dans le passé. Mais comme dans les précédents programmes, nous sommes encore dans la communication. 500 milliards sont nécessaires pour ce « programme d’urgence » selon le Ministère de la Construction. Or l’Etat n’a pu mobiliser que 100 milliards (avec la BOAD, la BADEA et un fond émirati). Cet argent pourra construire 5 000 logements (chiffres du Ministre de la Construction).
Pourquoi donc continuer de parler de 25 000 logements (et même 150 000) alors que l’argent dont on dispose ne peut en construire que 5 000 ? La construction de 150 000 logements sociaux à « l’horizon 2025 » tel que figurant dans le PND 2020-2025 reste bien un échec, il faut le reconnaître clairement.
Bruno Nabagné Koné, Ministre de la Construction, homme intelligent et grand communicateur, il fut un moment le porte-parole du gouvernement. C’est évidemment lui qui est à l’initiative de ce « programme d’urgence de 25 000 logements sociaux », manifestement un plan « B » destiné à rattraper, voire à masquer l’échec des deux précédents programmes de construction de logements, contenus dans les PND 2015-2020, et 2020-2025.
Alors que l’Etat est incapable de tenir ses engagements en matière de construction de logements sociaux, des milliers de familles ont vu leurs habitats démolis suite aux déguerpissements massifs intervenus dans le district d’Abidjan en 2024. Les déguerpissements ont accentué la crise du logement chez les bas revenus, en tirant les prix des loyers à la hausse dans certaines zones. C’est un effet collatéral qui semble être passé inaperçu.
Selon le Premier Ministre Beugré Mambé, 2 700 lots (dans la zone d’Anyama) seront mis à la disposition des familles impactées, dès le premier trimestre 2025. Outre le fait que le nombre de familles concernées par les déguerpissements soit beaucoup plus élevé que 2 700, le Premier Ministre parle bien de lots c’est-à-dire de terrains nus, et non de maisons bâties. Il faut bien avoir cela à l’esprit.
Quant au district d’Abidjan, il a « validé » le 14 Décembre dernier, un plan de construction de « 15 000 logements » pour les déguerpis. Ce plan semble visiblement sorti de nul part. C’est de la pure communication. L’Etat ivoirien n’est pas en capacité de construire 15.000 logements en l’état actuel des choses, encore moins le District d’Abidjan.
Il est à espérer que les 5 000 logements prévus sortent effectivement de terre. Car les fonds (environ 100 milliards de FCFA) obtenus dans le cadre de prêts concessionnels ont été mis à la disposition du gouvernement ivoirien. Ce ne sont pas les bailleurs qui vont directement régler les prestataires, comme cela se fait désormais dans le financement des infrastructures. L’argent étant entre les mains des autorités, il n’est pas exclu qu’il soit utilisé en partie ou en totalité à d’autres fins, comme cela est si souvent le cas. Aussi le risque de l’échec, c’est-à-dire de l’arrêt de ce programme n’est pas à écarter.
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DOUGLAS MOUNTAIN (Le Cercle des Réflexions Libérales)
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