9 établissements affichent des taux supérieurs à 600 %
Des milliers dorment à même le sol dans des cellules surpeuplées et mal ventilées

Prison Insider, a publié sa fiche-pays sur les prisons en Côte d’Ivoire en février 2025. Cette publication est le résultat d’un travail réalisé́ en collaboration avec diverses personnes et organisations de la société́ civile. Une fiche-pays, c’est la réponse à plus de 300 indicateurs. Combien de personnes sont incarcérées ?
Combien d’entre elles le sont dans l’attente de leur jugement ? Ont-elles accès à des activités ? Des repas sont-ils distribués, et en quantité́ suffisante ? Cet état des lieux constitue l’un des panoramas les plus complets sur les prisons de Côte d’Ivoire. Retrouvez ici les faits saillants et les éléments clés.
Derrière les barreaux, au-delà de la loi
La Côte d’Ivoire et ses 28. 873. 034 habitant.es comptent 27. 149 personnes détenues, réparties dans 41 établissements. Son taux d’occupation des établissements pénitentiaires de 297,07 % figure parmi les plus élevés au monde. En 2022, neuf établissements affichent des taux supérieurs à 600 %. Le Code de procédure pénale est modifié en 2018. Des alternatives à la détention comme le contrôle judiciaire, les travaux d’intérêt général et des amendes pour les délits y sont notamment introduit. Les tribunaux peinent à mettre en application ces nouvelles alternatives.

Le nombre d’avocat.es, de magistrat.es et de tribunaux est insuffisant pour traiter toutes les affaires. Les personnes incarcérées doivent souvent faire appel à des intermédiaires et payer pour que leur dossier soit traité ou pour bénéficier d’aménagements de peine.
Plus d’un tiers de la population carcérale est en détention provisoire. Certaines personnes passent plusieurs années en attente de jugement. L’administration dépend fortement de l’intervention des organisations de la société civile et des proches des personnes détenues pour pallier les carences en matière d’alimentation, de soins de santé et d’activités.
Malgré ce soutien, les conditions restent préoccupantes. De nombreuses personnes dorment à même le sol dans des cellules surpeuplées et mal ventilées. Les produits d’hygiène ne sont pas systématiquement fournis ou renouvelés. Les normes en matière d’hygiène, de qualité et de quantité de nourriture ne sont pas respectées, ce qui entraîne de nombreux cas de malnutrition.

L’accès aux activités, au travail, à l’éducation et à la formation est largement insuffisant. La scolarisation des enfants est obligatoire, mais ces dernier.es n’ont généralement accès qu’à quelques modules d’alphabétisation. Un grand nombre de personnes détenues n’a que peu de contact avec l’extérieur. La confidentialité n’est pas toujours garantie pour celles qui bénéficient de visites, d’appels ou de correspondance.
Les pratiques disciplinaires varient d’un établissement à l’autre. Aucune standardisation n’est établie, ce qui laisse beaucoup de place à l’arbitraire. La durée du placement à l’isolement est limitée à 15 jours selon la loi, mais certaines personnes y restent plusieurs mois. Il n’existe pas de système officiel pour déposer des plaintes sur les conditions de détention. Un mécanisme national de prévention est en cours de mise en place depuis mars 2023.
Une organisation informelle existe en détention : certaines responsabilités peuvent être déléguées aux personnes détenues. Le/la “chef.fe de cellule” est par exemple responsable du maintien de l’ordre dans sa cellule collective et fixe les règles internes de celle-ci, parfois même en contradiction avec celles de l’administration.
Les “assimilé.es” constituent une catégorie de personnes détenues ayant un statut social privilégié. Elles bénéficient d’un régime offrant certains privilèges et de meilleures conditions de vie. Cette pratique est héritée de l’époque coloniale et désignait à l’origine un quartier de détention réservé aux colons ou aux personnes assimilées à ces derniers. Les besoins spécifiques des femmes, des enfants et des personnes handicapées sont largement négligés.

Les personnes LGBTQI+ sont souvent victimes d’abus sexuels en détention. Depuis le début du mois d’août 2024, un mouvement anti-LGBTQI+, appelé mouvement “anti-woubi”, a lieu en Côte d’Ivoire.
Celui-ci se manifeste par une vague d’agressions homophobes et transphobes morales et physiques, à l’extérieur et en prison. L’accès aux soins est largement insuffisant en raison du manque de personnel et de ressources matérielles. Le droit à une consultation ou aux médicaments nécessaires au traitement d’une maladie n’est pas garanti. La santé physique et mentale de nombreuses personnes se détériore au cours de leur détention.
Le taux moyen de personnes en détention provisoire sur le continent africain était de 40 % en 2020, soit le taux le plus élevé au monde. Comment la situation évolue-t-elle ?
« Les prisons sont le dernier maillon du système judiciaire et mettent en évidence toutes les failles de celui-ci. Presque tous les pays africains, à quelques exceptions près, affichent un ratio de 60 % de personnes en attente de jugement. Le recours excessif à la détention provisoire constitue l’un de nos plus grands défis. C’est pour cela que le mécanisme travaille depuis 2015 sur les questions liées à l’action policière.

Si la pauvreté s’installe partout dans le monde, elle est profondément enracinée dans tous les pays d’Afrique. La plupart des personnes détenues le sont en raison de la criminalisation de la pauvreté et du statut. Les délits résultent le plus souvent de contextes socio-économiques difficiles.
Pour manger, beaucoup de gens ont recours à la criminalité. Les solutions ne doivent, dans ce cas, pas être pénales, mais sociales. Au lieu de construire plus de prisons, nous devrions construire plus d’écoles.
La plupart des personnes qui entrent en contact avec le système pénal ne connaissent pas leurs droits et n’ont pas accès à une assistance juridique. Elles ne sont donc pas en mesure de demander, par exemple, une libération provisoire ou sous caution. Le personnel judiciaire et les forces de l’ordre n’ont pas les capacités pour faire face à l’avalanche de personnes qui entrent chaque jour dans le système judiciaire et pénitentiaire.
Même un traitement prioritaire et rapide des personnes prévenues est préconisé, le manque de professionnel.les qualifié.es, notamment en matière de droits humains, se traduit par une lenteur dans le traitement des dossiers. Par conséquent, les personnes sont arrêtées bien plus vite qu’elles ne peuvent être jugées. Ce sont autant de facteurs qui, en amont et en aval, contribuent au taux élevé de détention préventive sur le continent.

Là aussi, nous sensibilisons à la nécessité de réviser les lois et d’améliorer la formation du personnel judiciaire. Certains pays ont mis en place des méthodes d’examen de la population carcérale afin d’identifier les cas de détention préventive abusive, notamment avec l’aide d’organisations de la société civile, comme la Fédération internationale des ACAT (FIACAT) et, au niveau national, les Actions des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).
L’objectif est d’inverser l’équation actuelle et de pouvoir, dans un avenir proche, ne pas dépasser 25 % de personnes en détention préventive » déclare Maria Teresa Manuela est Rapporteure spéciale sur les prisons de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples créée en 1987. Elle travaille, depuis 2017, en étroite collaboration avec les États africains en vue notamment d’améliorer les conditions de détention et de garantir le respect des droits des personnes privées de liberté…
Prison Insider- une plateforme d’information sur les prisons dans le monde
Prison Insider est une plateforme de production et de diffusion d’informations sur les prisons dans le monde. Son objectif est d’informer, comparer et témoigner sur les conditions de détention au regard des droits fondamentaux.

Son travail contribue à lutter contre la torture et à prévenir les violations des droits humains. À cette fin, Prison Insider recense et vérifie les données disponibles ; produit des informations, des connaissances et des savoirs et les rend accessibles au plus grand nombre (vulgarisation, diffusion, traduction…). Prison Insider développe, mobilise et anime un réseau diversifié de personnes impliquées à travers le monde. Sa finalité est de donner les moyens d’agir.
Face à l’opacité du milieu carcéral, Prison Insider propose une information rigoureuse, indépendante et accessible
Son approche-Un constat motive notre action
L’information sur les prisons est difficile d’accès et disséminée. Toute politique publique, toute pratique doit se nourrir de connaissances pour s’évaluer et évoluer. Face à l’opacité du milieu carcéral, Prison Insider propose une information rigoureuse, indépendante et accessible sur les conditions de détention à travers le monde.
Informer
Le recours à l’incarcération dépend des politiques pénales mises en œuvre par les États : les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Le sort de la personne détenue varie considérablement d’une prison à une autre, d’un pays à un autre, parfois au sein d’un même établissement.

La vie en prison est influencée de façon décisive par de nombreux paramètres tels que l’organisation des locaux ou leur dégradation, le maintien des liens familiaux, l’accès aux soins, au droit, à la formation, l’exercice d’un travail;
l’exposition à des traitements inhumains ou dégradants. Prison Insider fournit des fiches par pays fondées sur une information factuelle, sourcée et actualisée. Celles-ci dressent un état des lieux des politiques pénales, de leur mise en œuvre et des pratiques constatées.
Comparer
Prison Insider propose un outil permettant la comparaison des données sur les conditions de détention des différents pays. Choix des pays, sélection des critères de comparaison : chacun peut accéder à l’ensemble des informations et approfondir ses recherches sur une thématique ou une région géographique. Les dossiers thématiques explorent des thèmes tels que les conditions de détention des personnes condamnées à mort, les conséquences de la Covid-19 ou la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques en prison.
Témoigner

Prison Insider privilégie une approche multimédia de l’information alliant le factuel et l’artistique. Le site propose des contenus différents à différents publics. Chacun peut percevoir la prison à travers le regard des personnes qui la vivent.
Les témoignages dépassent les aspects techniques et inscrivent l’expérience humaine au cœur de l’information. Ils mettent des mots, un récit et des images sur les conditions de détention vécues par des millions de personnes. Témoignages écrits ou vidéos, correspondances photographiques avec des prisonniers, portfolios contribuent à la richesse de l’information.
Son Histoire
L’initiative de créer Prison Insider est celle de Bernard Bolze, fondateur en 1990 de l’Observatoire international des prisons (OIP). Prison Insider naît, en 2015, de la volonté de réunir des compétences multiples autour d’objectifs communs : faire connaître les conditions de détention des personnes privées de liberté, promouvoir le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux. L’OIP a publié, de 1993 à 1998, six rapports annuels faisant état des conditions de détention des personnes incarcérées dans un grand nombre de pays dans le monde.

‘‘Prison Insider’’ naît du constat que plus de quinze ans après la disparition de la dimension internationale de l’OIP, ce travail reste nécessaire. Des personnes issues des milieux économiques, associatifs, institutionnels et universitaires se regroupent alors pour créer une formule contemporaine d’information.
Leurs travaux permettent, en 2017, la mise en ligne de ce site, accessible en trois langues : anglais, français et espagnol. Prison Insider est une association de droit français, dont les statuts sont déposés, le 31 août 2015, en préfecture du Rhône, Lyon, France. Au printemps 2014, Bernard Bolze, 63 ans, engage le projet Prison Insider. Il en quitte la direction en août 2019 et a rejoint le Conseil d’administration en tant qu’administrateur-fondateur, co-fondateur de fondateur de l’Observatoire international des prisons.
Ledebativoirien.net (avec Prison Insider)
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