Vertige dans la stratégie nationale du Riz : gros business-et tempêtes de milliards-et un scandale national

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Les importations de riz ont coûté sur le premier semestre 2022, une enveloppe de 217,4 milliards FCFA. En 2024, la Côte d’Ivoire s’est classée comme le plus grand importateur de riz en Afrique, avec des importations estimées à 433,26 milliards de FCFA, selon une analyse de, Africa Business Insider. Et ce malgré le potentiel agricole considérable, ce pays reste dépendant des marchés extérieurs avec des importations massives de riz.

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Et pourtant, dans les années 1970, le pays d’Alassane Ouattara était autosuffisant en riz. La politique de la production n’a pas suivi la croissance démographique constante (2,5% de variation annuelle) et une urbanisation rapide (52%).

Face à la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles pour une maîtrise de la chaîne de valeurs du riz en janvier 2018, est créée l’Agence pour le Développement de la filière RIZ en Côte d’Ivoire (ADERIZ). Cinq mois  plus tard, en  juin 2018, dans cette dynamique, le  gouvernement  annonçait  la construction de   30 Unités Industrielles de Transformation de riz paddy, dans le cadre d’un Partenariat Public Privé.

Et ce,  suite à un prêt de 30 millions de dollars US, plus de 15 milliards de FCFA  obtenu auprès d’EXIM Bank Inde, pour la fourniture, l’installation et la mise en marche des 30 unités de transformation de riz paddy sur l’ensemble du territoire national. Objectif, obtenir une capacité de production de 25 000 tonnes chacune par an, permettant d’améliorer la qualité du riz blanchi produit localement et de baisser les coûts de revient.

La mise en service de ces unités industrielles devrait  doter la Côte d’Ivoire d’une capacité de transformation à la hauteur d’ 1,55 million de tonnes en 2018 et 1,966 million de tonnes soit  un taux de couverture de la consommation nationale de 84,70% en 2018 et de 102,10% dès 2020. Un Programme d’Urgence Riz a même a été lancé par l’Agence pour le développement de la filière riz (Aderiz) en août 2020.

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Mais ce pays croit en sa Stratégie de Développement de la Filière Riz (SNDR 2), nécessitant un investissement de 780 milliards de FCFA pour la période 2024-2030. Que cache cette politique à outrance d’importation du riz avec deux sociétés assurant les deux tiers des importations du pays de cette denrée la plus consommée.  

5 ans  plus tard,  2020-2025, où en est-on avec cet ambitieux projet ? Ledebativoirien.net a rencontré celui qui fut le Coordonnateur Régional du projet RIZ Green Heart, Siaka Kamara, dans la  région du Bounkani au nord-est de la Côte d’Ivoire, District du Zanzan, avec pour chef-lieu, Bouna.

Une zone réputée pour  ses meilleurs plateaux et  galeries forestières le long des cours d’eau, offrant d’énormes étendues de terres pour  la culture du riz. Une région qui fut le grenier de la Côte d’Ivoire des années en arrière sous Félix Houphouët Boigny qui croyait encore en la politique l’autosuffisance alimentaire. Regrets et espoir, avec  le retard que  prend cet ambitieux projet de l’Etat  ivoirien. Suivez l’entretien.

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Monsieur SIAKA Kamara, vous avez été, il y a quelques années en arrières un des pilotes d’un projet de production massive du riz en Côte d’Ivoire dans la zone du Bounkani-Boun. Quelle est la réalité aujourd’hui ?

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Effectivement, j’étais Coordonnateur Bounkani-Bouna du projet riz. Nous avons eu des contacts avec des indiens pour gérer le projet de production du riz dans la région du Boukani à Bouna qui a été sélectionnée par l’Etat. Et cela s’est passé en 2015 alors que j’étais le 1er vice-président du Conseil Régional.

Nous avons approché le ministère de l’Agriculture pour voir dans quelle mesure, Bouna qui est absolument une zone rizicole, avec la présence des collectivités locales, aire fonctionner les usines de productions de riz. C’est à la suite de cette démarche que le directeur du cabinet du ministre de l’agriculture de l’époque nous a mis en contact avec le directeur de l’INR-Institut National du Riz qui s’occupait de la politique rizicole en Côte d’Ivoire.

Celui-ci nous a informés que l’Etat ivoirien dans le souci de satisfaire l’autosuffisance en riz a engagé une politique de répartition du territoire ivoirien en 10 zones et Bouna fait partie de ces 10 zones. La zone de Bouna a été attribuée à une entreprise indienne, Green Heart. Et nous devrions travailler avec Green Hearth pour développer la culture du riz dans la région de Bouna. Et nous voilà engagés, et l’accord-cadre est signé

L’Etat ivoirien devrait réaliser une usine de transformation de riz /5T l’heure à Bouna. Nous avons obtenu la parcelle sur laquelle devrait être construite cette usine. Les travaux ont commencé. La construction a suivi son cours quand d’un coup les travaux se sont arrêtés, il y a quelques années de cela.

Et la suite ?

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Alors, du coup, la politique de développement de la production du riz est en standby. Et notre souci aujourd’hui, c’est que l’Etat puisse réaliser cette usine le plus rapidement possible de telle sorte que Green Heart puisse commencer à travailler sur le terrain. Bien sûr qu’ils nous ont ouvert la porte pour chercher des financements pour aller vite, parce que non seulement il faut réaliser l’usine, mais il faut également avoir une politique de développement de la production du riz dans toute la région.

Donc, il faut organiser les paysans producteurs du riz en coopératives et leur donner les moyens de productions adéquates pour produire au maximum du riz. Je vous signale au passage que sur le terrain, les paysans produisent du riz en faible quantité. Avec des moyens adéquats pour que Bouna puisse produire du riz dans la région parce que Bouna a l’expérience.

Monsieur le coordonnateur, vous a-t-on donné les raisons de l’arrêt de la construction de cette usine?

Pas spécifiquement! Ils m’ont dit qu’ils sont à l’œuvre dans certaines zones de la Côte d’Ivoire et qu’ils vont arriver à Bouna. Mais écoutez, nous les concernés, nous sommes pressés de voir et cela depuis 2015 à aujourd’hui, on aurait voulu voir cette usine fonctionner et du coup cela créerait des emplois dans la région.

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Et en même temps vous comprenez que la Côte d’Ivoire est obligée de dégager plus de 300 milliards FCFA pour importer du riz, alors qu’avec moins de 10 milliards FCFA on peut mettre des usines dans les régions. Donc c’est dans l’intérêt du pays qu’il faut que ces usines voient le jour très rapidement de telle sorte qu’on puisse organiser les paysans.

Surtout que le paysan c’est un saint thomas, il a des doutes sur tout ce qu’il ne voit pas sur tout ce que nous racontons.

Qu’en pensent les paysans ou producteurs ?

J’ai suivi le processus et à un moment donné, les paysans ont été emmené à brader leurs productions parce qu’à un moment, la route n’étant pas bonne. Ils avaient des soucis pour transférer leur riz vers Abidjan, puisque les transporteurs trouvaient que ce qui leur étaient proposé n’était pas bon. Les paysans quand ils produisent, ils attendent que leur production soit achetée. S’ils produisent et qu’il n’y a pas d’acheteur en, face, ils bradent.

C’est ce qui a fait que la production dans notre région a baissé. Sinon, Bouna seul peut nourrir toute la Côte d’Ivoire et la sous-région. J’ai eu affaire à deux structures ; une américaines et une indienne. Ces équipes ont sillonné toute la région, analysé le sol et après études elles ont dit : « Bouna seul peut satisfaire toute la sous-région en besoin de riz.

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Malheureusement il n’y a pas de route ». Et les américains sont repartis. Par contre les Indiens sont là. Ils attendent toujours que l’usine voit le jour. Ce qui va motiver les paysans et ils sauront que c’est du concret et sauront que le travail de la production est lancé.

Qui était censé construire l’usine, l’Etat ivoirien ou la société indienne ?

C’est l’Etat de Côte d’Ivoire, puisque c’est un partenariat PP-Public-Privé. L’Etat construit les usines, les indiens exploitent, d’autres opérateurs aussi, et au fur et à mesure, l’Etat retire l’investissement.

Est-ce que les indiens ont fait des propositions de construction de ces usines ?

Vous savez, une politique de production de riz demande beaucoup d’argent avec les nouvelles méthodes de production qui font appel à de l’irrigation, des retenues d’eau vastes etc. C’est un ensemble de système à mettre en œuvre pour arriver à la production attendue par le pays. Bouna a beaucoup de basfonds qui nécessité beaucoup de moyen de production.

Vous, en tant que coordonnateur du projet, quelle est votre mission auprès des populations et de l’Etat ?

Ma mission a été de trouver des parcelles dont on avait besoin pour la construction de l’usine. C’est moi qui ai discuté avec les parents en compagnie du préfet d’alors Tuo Fozié, pour la parcelle et elle nous a été octroyée. Alors, toutes les démarches auprès des populations locales, de l’administration locale étaient de mon ressort auprès de l’Etat, c’est le suivi du projet.

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L’interlocuteur que j’ai eu, c’est la direction de l’ADERIZ qui m’a rassuré chaque fois que, l’usine de Bouna sera réalisée. Elle a été entamée et elle a été arrêtée. De 2015 à aujourd’hui nous aurions aimés voir fonctionner l’usine de Bouna. Ce qui nous permettrait rapidement d’organiser les paysans en coopératives pour les approvisionner en semences, en engrais ; en tout cas en ce qui peut aider à faciliter la production massive du riz.

Du regret devant une telle situation ?

Lorsqu’on était enfant c’était les chinois qui produisaient le riz à Bouna, puis il y a eu un abandon. Sinon Bouna était le grenier en riz de la Côte d’ivoire et 3 fois Premier Prix à la Coupe Nationale du Progrès. Si l’usine était construite elle contribuerait au développement puis que la politique est importante. Notre région est une zone de production massive de riz. Et aussi le vivrier est de qualité dans notre région : l’igname de Bouna, le mil, l’élevage sont très prisés. Bouna est propice. Il y a des zones sur lesquelles l’Etat devrait mettre l’accent en matière de développement vivrier… même la qualité l’Anacarde de Bouna est différente des autres régions.

Que dites-vous aujourd’hui à l’Etat ?

C’est de faire confiance à la région de Bouna pas seulement pour la production du riz. Bouna est un grenier pour la Côte d’Ivoire. Il faut adapter la politique agricole dans nos régions. Je vous assure, si le gouvernement prête attention à la politique agricole sur Bouna, le gouvernement ne le regrettera pas tant en production de viande, volaille,

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Bouna peut satisfaire énormément. C’est de se pencher d’une manière particulière sur l’organisation agricole dans cette région en matière de production agricole en Côte d’Ire. Je voudrais dire à nos populations de ne pas baisser les bras.

C’est vrai, par le passé, Bouna était reconnu pour sa production de riz. Aujourd’hui, il n’y a plus d’usine et Bouna se sent délaisser. C’est dire que le plus tôt l’usine verra le jour, les paysans vont reprendre vie. Tout le monde regarde vers l’Etat, mais pour une région qui est propice à l’agriculture, il faut aussi que les paysans s’organisent, cela facilitera les choses.

C’est parce que nous sommes dans des pays en voie de développement que tout le monde attend l’Etat, sinon ailleurs ce sont les opérateurs économiques privés qui le font. Mais nous n’avons pas les personnes pour pouvoir investir à un certain niveau. C’est ce qui nous fatigue beaucoup. Bouna est la zone indiquée pour la production du vivrier en Côte d’Ivoire.

Ledebativoirien.net

 Réalisée par GRACE OZHYLLY


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